Au Sénégal, la DGE dit non à Ousmane Sonko
La Direction générale des élections a fait savoir qu’elle n’entendait pas, dans l’immédiat, réinscrire Ousmane Sonko sur les listes électorales.
Le feuilleton juridique et administratif relatif à la radiation d’Ousmane Sonko des listes électorales, le privant du même coup de la capacité d’être candidat à la présidentielle de février 2024, a rebondi à deux reprises ce 20 octobre.
Dans la matinée, pour la troisième fois consécutive, le mandataire du président des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), le député Ayib Daffé, a été empêché, sans explication, de récupérer les fiches de collecte des parrainages citoyens pour le compte d’Ousmane Sonko, incarcéré depuis le 31 juillet.
Le soir même, la Direction générale des élections (DGE), qui dépend du ministère de l’Intérieur, s’est fendue d’un communiqué afin de clarifier sa décision de refuser l’accès à ses bureaux au mandataire du maire de Ziguinchor – accompagné d’un huissier.
Réintégration
Rappelant que le tribunal d’instance de cette ville de Casamance, dans son ordonnance du 12 octobre dernier, a demandé la réintégration d’Ousmane Sonko sur les listes électorales – ce qui le rendrait à nouveau éligible, sous réserve de la validation de sa candidature, en janvier prochain, par le Conseil constitutionnel –, le directeur général des élections, Tanor Thiendella Fall, objecte toutefois que cette réinscription ne saurait être effective dès à présent.
« Il y a lieu de préciser qu’il n’y a pas de décision définitive, l’État du Sénégal ayant décidé d’exercer les voies de recours qui s’offrent à lui. Par conséquent, le dossier suit toujours son cours judiciaire », estime le haut fonctionnaire, qui s’explique ainsi pour la première fois sur les raisons ayant conduit la DGE à refuser l’accès à ses locaux, à trois reprises, au mandataire d’Ousmane Sonko.
Une explication qui est loin de convaincre le collectif des avocats de l’opposant incarcéré, qui ont aussitôt exprimé leur désapprobation par communiqué interposé. Ceux-ci considèrent en effet « qu’il n’appartient pas au directeur général des élections de juger du sort d’un recours projeté par une partie au procès mais qu’il a juste l’obligation d’exécuter une décision de justice ».
« La défense de M. Ousmane Sonko alerte en conséquence l’opinion nationale et internationale sur ce qui est en train de se produire au Sénégal, où les magistrats rendent des décisions que l’État refuse d’exécuter, en violation de la loi et pour des ambitions purement électoralistes », ajoutaient-ils.
Caractère suspensif
Selon les défenseurs de l’opposant, le pourvoi formé devant la Cour suprême par l’agent judiciaire de l’État « n’est pas suspensif de l’exécution [du jugement rendu à Ziguinchor] et donc de la délivrance des fiches de parrainage, qui doit être immédiate ». Et d’invoquer, à l’appui de leur assertion, l’article L.47 du code électoral, lequel dispose que « les décisions de justice rendues et transmises à l’autorité compétente ou au service de gestion du fichier électoral seront immédiatement prises en compte et traitées dans le sens prescrit ».
Interrogé par Jeune Afrique, un avocat extérieur à la procédure rappelle en outre que l’article 74-2 de la loi organique sur la Cour suprême n’inclut pas le contentieux portant sur l’inscription sur les listes électorales dans les quelques cas de recours contre une décision administrative – énumérés dans ce texte – ayant un caractère suspensif.
Une analyse partagée par l’ancien député Thierno Bocoum, président du parti Agir (opposition), qui estimait, ce 21 octobre, que « le communiqué de la DGE n’est pas conforme aux dispositions de la loi » puisque, selon lui, « l’ordonnance du juge du tribunal de Ziguinchor échappe, par sa nature, au caractère suspensif de toute voie de recours ».
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