Un premier convoi d’aide humanitaire est entré à Gaza
Venant d’Égypte, les camions sont arrivés ce samedi à Gaza, désespérément attendus par ses habitants qui manquent de tout. L’ONU a immédiatement appelé à la poursuite de ces livraisons « de biens essentiels » dans le territoire palestinien.
L’aide humanitaire est sortie d’Égypte à bord de 20 camions via le terminal de Rafah, la seule porte de Gaza qui ne soit pas aux mains d’Israël, conformément à un accord annoncé mercredi par le président américain Joe Biden. Cinq premiers semi-remorques sont arrivés ce samedi en fin de matinée en territoire palestinien. Ce « premier convoi ne doit pas être le dernier », a immédiatement réagi le patron de l’humanitaire de l’ONU, Martin Griffiths, appelant à un « effort durable pour fournir des biens essentiels », et notamment « du carburant » aux Gazaouis, « de façon sécurisée, inconditionnelle et sans obstacle ».
Le Programme alimentaire mondial (PAM), dont le siège est à Rome, a indiqué dans un communiqué que le convoi qui a emprunté le point de passage de Rafah comprenait « trois camions chargés de 60 tonnes de produits alimentaires d’urgence du PAM ». Il s’agit notamment de thon, concentré de tomate et haricots en conserve ainsi que de la farine de blé et des pâtes. « Cette nourriture est désespérément nécessaire car les conditions à l’intérieur du sud de Gaza sont vraiment catastrophiques », a déclaré Cindy McCain, directrice exécutive du PAM, citée dans le communiqué. Le PAM a précisé qu’il disposait de 930 tonnes supplémentaires de produits alimentaires d’urgence à la frontière de Rafah ou à proximité, prêtes à être introduites dans la bande de Gaza dès que l’accès y sera à nouveau autorisé.
Selon les médias égyptiens, l’aide alimentaire et médicale livrée n’inclut pas de carburant, pourtant vital pour le territoire palestinien où s’entassent quelque 2,4 millions d’habitants. La porte du terminal de Rafah, côté égyptien, a été refermée après le passage du convoi, alors que des dizaines de bi-nationaux attendent côté palestinien d’être autorisés à gagner l’Égypte.
Les livraisons humanitaires feront la différence « entre la vie et la mort » pour de nombreux Gazaouis
Plus de 1 400 personnes ont été tuées en Israël par les hommes du Hamas depuis le 7 octobre, en majorité des civils fauchés par balles, brûlés vifs ou morts de mutilations au premier jour de l’attaque des combattants menée à partir de Gaza, selon les autorités israéliennes. Selon l’armée israélienne, environ 1.500 combattants du Hamas ont été tués dans la contre-offensive israélienne. Dans la bande de Gaza, 4 137 personnes, majoritairement des civils, ont été tués dans les bombardements incessants menés en représailles par l’armée israélienne, selon le ministère de la Santé du Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007. L’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a indiqué ce samedi qu’au moins 17 de ses employés figurent parmi les victimes.
Une « goutte d’eau dans l’océan des besoins »
Alors que le conflit entre dans sa troisième semaine, les livraisons humanitaires feront la différence « entre la vie et la mort » pour de nombreux Gazaouis, avait souligné vendredi à Rafah le secrétaire général de l’ONU, António Guterres. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a salué samedi « un premier pas important pour alléger la souffrance d’innocents » à Gaza.
Mais l’entrée de 20 camions convenue entre Le Caire et Washington n’est qu’une « goutte d’eau dans l’océan des besoins », avait mis en garde à Genève Michael Ryan, le directeur des urgences de l’Organisation mondiale de la Santé. Plus d’une centaine de camions chargés de tonnes d’aide internationale sont massés depuis des jours entre l’Égypte et Gaza.
L’ONU a également réitéré samedi son appel à la « libération immédiate et inconditionnelle » de toutes les personnes enlevées par le Hamas, après la libération la veille de deux premiers otages, une mère et sa fille américaines, Judith et Natalie Raanan, après une médiation du Qatar, réputé proche du Hamas. Le mouvement palestinien, considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis, l’Union européenne et Israël, détient toujours plus de 200 otages.
Éviter un embrasement régional
Les efforts diplomatiques s’intensifient aussi pour tenter d’éviter un embrasement régional. L’Égypte, grande puissance régionale et premier pays arabe à avoir reconnu l’État d’Israël, accueille ce samedi au Caire un « sommet pour la paix ». Le patron de l’ONU y participe, ainsi que les dirigeants européens Charles Michel et Josep Borrell aux côtés notamment du roi de Jordanie Abdallah II, du président de l’Autorité palestinien, Mahmoud Abbas, et de nombreux chefs de diplomatie, mais sans dirigeant américain.
Le Croissant Rouge palestinien a par ailleurs fait état d’une menace de bombardement israélien contre l’hôpital Al-Quds, dans le nord de la bande de Gaza où se concentrent les frappes israéliennes, mais s’est déclaré « incapable » d’évacuer l’établissement, qui héberge quelque 500 patients.
La colère gronde dans les pays arabes et musulmans, où des dizaines de milliers de personnes ont manifesté vendredi en solidarité avec les Palestiniens. Israël a appelé samedi ses citoyens se trouvant en Égypte et en Jordanie à les quitter « le plus rapidement possible » en raison d’une « aggravation des manifestations contre Israël ». La tension en Cisjordanie occupée a aussi fait une nouvelle victime, tuée dans la nuit dans des heurts avec l’armée israélienne près de Jéricho, portant à 84 le nombre de morts palestiniens en Cisjordanie depuis le 7 octobre, selon le ministère palestinien de la Santé.
« Deuxième Nakba »
Alors qu’Israël se prépare à une offensive terrestre, son ministre de la Défense, Yoav Gallant, a déroulé vendredi la suite des opérations. Après la « campagne militaire » de frappes aériennes et « plus tard des manœuvres ayant pour objectif de neutraliser les terroristes et infrastructures du Hamas », il y aura des « opérations à basse intensité pour éliminer les dernières poches de résistance », a-t-il affirmé.
À terme, Israël envisage, parmi les scénarios possibles, de « remettre les clés » de la bande de Gaza à une partie tierce qui pourrait être l’Égypte, sans aucune garantie que Le Caire accepte ce scénario repoussé depuis des décennies, a affirmé une source au ministère des Affaires étrangères israélien.
« J’ai peur que les destructions actuelles suivent un plan clair, que les gens ne trouvent pas d’endroit où vivre et que cela provoque une deuxième Nakba [catastrophe en arabe] », s’inquiète à Gaza Omar Ashour, un général à la retraite, en référence à l’expulsion d’environ 760 000 Palestiniens à la création d’Israël. Au moins un million de Gazaouis ont été déplacés, d’après l’ONU.
La tension monte aussi au nord d’Israël, à la frontière avec le Liban, qui se vide de ses habitants alors que les accrochages et échanges de tirs se multiplient. Les États-Unis ont déployé deux porte-avions en Méditerranée orientale pour dissuader l’Iran ou le Hezbollah libanais, deux alliés du Hamas, de s’impliquer dans le conflit. Samedi à l’aube, l’armée israélienne a annoncé avoir mené des frappes aériennes contre des cibles du Hezbollah dans le sud du Liban, en riposte à des tirs de roquettes et de missiles antichar en direction d’Israël. Interrogé dans cette zone frontalière où les soldats israéliens sont désormais partout, un appelé réserviste, qui a requis l’anonymat, se dit « prêt à en découdre » car « les Juifs n’ont pas d’autre pays ».
(avec AFP)
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