Zimbabwe : calme résigné après des élections aux allures de « coup d’état par les urnes »
Le Zimbabwe attendait samedi dans un calme résigné le résultat définitif des législatives où le Premier ministre Tsvangirai et son parti se sont fait écraser par le président Mugabe, à l’issue d’un vote que ses voisins d’Afrique australe demandent d’accepter malgré des irrégularités.
A Harare, les rues de la capitale étaient calmes tandis que la commission électorale (ZEC) devait divulguer à 14h30 (12h30 GMT) le résultat complet des législatives tenues mercredi en même temps que la présidentielle. Les chiffres officiels devraient confirmer "la raclée" infligée au MDC de Morgan Tsvangirai, selon le terme du quotidien pro-présidentiel The Herald, qui publiait samedi une carte de la marée verte ayant submergé le pays, la couleur de la Zanu-PF du président Robert Mugabe qui, à 89 ans, dirige le Zimbabwe depuis trente-trois ans.
M. Tsvangirai, majoritaire depuis 2008 à l’Assemblée nationale, a quasiment tout perdu, même dans les grandes villes de Bulawayo et Harare où il était soutenu, la presse sud-africaine parlant d’un "coup d’Etat par les urnes". Sur 210 sièges parlementaires, 186 ont déjà été proclamés et la mesure du triomphe présidentiel est totale, avec 137 élus, tout près de la super-majorité des deux-tiers visée.
Laminé à l’Assemblée et très probablement battu dès le premier tour de la présidentielle -dont le résultat n’est pas attendu avant lundi-, le parti de M. Tsvangirai joue désormais sa survie après avoir incarné depuis la fin des années 1990 l’espoir d’une alternance démocratique et piloté un début de redressement économique ces quatre dernières années. "L’émotion est très vive, les tensions élevées dans tout le pays", a confié un porte-parole du MDC Nelson Chamisa, avant le début d’une réunion de crise des instances dirigeantes, suivie d’une conférence de presse en fin de journée.
M. Tsvangirai ayant fait le choix de ne pas boycotter les élections qu’il savait organisées à la va-vite sous la pression du camp présidentiel, il fait face maintenant à un dilemne. "On ne peut pas dire aux gens d’être calmes et on ne peut pas leur dire de manifester à moins de savoir sur quoi ça va déboucher", confiait sous couvert de l’anonymat un haut responsable MDC.
"Accepter le résultat"
Les observateurs ne s’attendent de toute façon pas à des protestations de masse, la peur des tabassages policiers se conjugant à une érosion de la base électorale du MDC. Tout au plus, les Zimbabwéens qui le peuvent continueront de voter avec leurs pieds et à fuir une économie délabrée, notamment en Afrique du Sud, estiment des analystes, tels Jakkie Cilliers de l’Institut des études de sécurité (ISS, Pretoria) ou l’historien David Moore.
M. Tsvangirai aura en outre du mal à réunir rapidement assez de preuves irréfutables des irrégularités dénoncées pour convaincre les observateurs africains, notamment ceux de la communauté d’Afrique australe (SADC), de revoir leur appréciation et de faire marche arrière. Certes, les listes électorales ont été publiées moins de 24 heures avant l’ouverture des bureaux de vote, ne permettant aucune vérification sérieuse, et a fortiori, aucun recours. Certes, les défenseurs des droits de l’homme ont souligné par avance le climat de liberté politique retreinte dans lequel le vote allait se dérouler.
Mais, malgré les doutes sur l’honnêteté du scrutin, l’ensemble de la communauté internationale, y compris l’ONU, presse désormais pour que M. Tsvangirai s’incline et donne la priorité à l’absence apparente de violence. L’organisation du marché commun de l’Afrique de l’Est et australe (Comesa), qui disposait d’observateurs, parallèlement à la SADC et à l’Union africaine, a abondé dans le même sens samedi. "Ce que nous ne voulons pas, c’est de voir le pays plonger en arrière et revivre un 2008", a déclaré à la presse Bethuel Kiplagat, chef de mission de la Comesa. "Je ne vais pas dire à untel ou untel d’accepter la défaite. Je dis d’accepter le résultat venant de la population. Notre mission demande à toutes les parties d’utiliser les canaux légaux pour résoudre les litiges pouvant survenir concernant le résultat de ces élections", a-t-il ajouté.
En 2008, après plusieurs années déjà marquées par l’expropriation violente des grands planteurs blancs, le Zimbabwe avait connu des journées de terreur et frôlé la guerre civile quand les partisans de M. Mugabe, distancé au premier tour de la présidentielle, s’étaient déchaînés. M. Tsvangirai avait jeté l’éponge après la mort d’environ 200 supporters, laissant M. Mugabe gagner seul en lice, en échange de la formation d’un gouvernement d’union nationale, de la promesse de réformes, largement restées lettre morte, et d’une nouvelle Constitution que la Zanu-PF est en position de réécrire si elle obtient bien les deux-tiers des sièges du parlement.
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