Zimbabwe : vers une victoire par KO de Mugabe, une « énorme farce » pour Tsvangirai

Le président zimbabwéen Robert Mugabe, au pouvoir depuis 33 ans, se préparait à une victoire électorale écrasante sur son rival Morgan Tsvangirai avec l’aval vendredi des observateurs africains, malgré de sérieux doutes sur l’honnêteté du scrutin.

Le président zimbabwéen Robert Mugabe vote à Harare, le 31 juillet 2013. © AFP

Le président zimbabwéen Robert Mugabe vote à Harare, le 31 juillet 2013. © AFP

Publié le 3 août 2013 Lecture : 3 minutes.

Le résultat officiel de la présidentielle n’est théoriquement pas attendu avant lundi. Mais les premiers chiffres des législatives donnent au parti de M. Mugabe, plus vieux chef d’Etat africain, un score presque soviétique dès le premier tour. Son propre camp a affirmé que "le président devrait avoir de 70 à 75%" des voix et un haut responsable de la Zanu-PF, membre du bureau politique, a indiqué à l’AFP avoir obtenu "la super majorité et déjà dépassé les deux tiers" à l’Assemblée.

Selon les derniers résultats officiels portant sur 186 sièges, la Zanu-PF n’était pas loin du compte avec 137 sièges sur 210 à l’Assemblée où le MDC de Morgan Tsvangirai était auparavant majoritaire. Une majorité des deux tiers permet à M. Mugabe de modifier la Constitution, un texte relativement libéral adopté en mars.

la suite après cette publicité

Privé de victoire en 2008 par la violence des partisans de M. Mugabe, M. Tsvangirai n’est cependant pas prêt de s’incliner après un vote qualifié d’"énorme farce". Organisé à la va-vite, le scrutin a vu notamment de nombreux électeurs absents des registres ou inscrits ailleurs que dans leur bureau habituel, notamment dans les villes. Les listes n’ont été publiées que la veille du vote, rendant impossible une vérification ou des recours.

Mince marge de maneuvre

Vendredi, le MDC de M. Tsvangirai a annoncé qu’il "rejetait ces élections et ses conséquences, ce qui inclut le gouvernement qui en résultera", renvoyant poliment la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) à ses contradictions. "Nous avons examiné la déclaration de la mission des observateurs de la SADC nous suppliant d’accepter les résultats de l’élection. Nous rejetons cet appel pour la raison que même la SADC n’a pas réussi à entériner l’élection comme honnête", a expliqué un porte-parole du MDC.

Le parti doit préciser sa stratégie au cours d’une conférence de presse samedi, la SADC continuant à jouer les monsieurs bons office. "La SADC m’a envoyé en éclaireur féliciter le président et lui souhaiter bonne chance alors qu’il se prépare à prêter serment", a déclaré M. Membe, le chef de la mission de la SADC qui va aussi "rencontrer le Premier ministre pour lui parler" et le convaincre de "faire une concession et de concéder la défaite".

la suite après cette publicité

La SADC est l’organisation régionale qui a piloté la médiation de 2008 pour éviter une guerre civile, imposant M. Tsvangirai comme Premier ministre et exigeant au passage une démocratisation des médias et de l’armée qui ne s’est pas matérialisée. En l’absence d’observateurs occidentaux, elle a la lourde responsabilité de défendre la démocratie, même si de nombreux diplomates reconnaissent que les options sont limitées. "Nous disons que cette élection a été libre, très libre même", a déclaré M. Membé. "Nous n’avons pas dit qu’elle était honnête, simplement parce la question de l’honnêteté est vaste et nous ne voulions tirer aucune conclusion à ce stade". Moins nuancé, son homologue de l’Union africaine, l’ex-président nigérian Olusegun Obasanjo, a salué une élection dans l’ensemble "libre, honnête et crédible".

"Mesures populistes assez radicales"

la suite après cette publicité

"A long terme, la région paiera probablement le prix pour avoir acquiescé à ce type d’oppression à laquelle nous assistons au Zimbabwe depuis trop longtemps", a commenté Jakkie Cilliers, directeur de l’Institut des études de sécurité (ISS) de Pretoria. Le Zimbabwe se remet à peine d’une décennie de récession marquée par une inflation galopante et le départ à l’étranger de plusieurs millions de personnes. Une victoire de M. Mugabe n’est pas faite pour les investisseurs. "C’est le retour à une volatilité extrême", a estimé Iraj Abedian, PDG de Pan African Investments à Johannesburg. "Nous pouvons nous attendre à des mesures populistes assez radicales, qui auront des conséquences énormes."

Après les terres agricoles et les mines, les banques et les sociétés financières pourraient, selon lui, être les prochaines cibles d’un nouveau gouvernement Mugabe cherchant à étendre son programme d’"indigénisation" visant à redistribuer les actifs à des Zimbabwéens noirs. "Ce serait provoquer le chaos, mais la Zanu-PF et Mugabe semblent aimer ça."

En 2008, Morgan Tsvangirai était arrivé en tête du premier tour de la présidentielle, mais des partisans de M. Mugabe s’étaient déchaînés sur leurs adversaires, causant la mort d’environ 200 morts. M. Tsvangirai s’était retiré entre les deux tours pour éviter un bain de sang généralisé. Il s’était ensuite associé au président à la demande des pays voisins, devenant un Premier ministre salué pour son esprit de paix mais décevant par sa relative impuissance.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires