Idder Moutia, jeune Marocain surdoué du codage admis à l’université de Sheffield

Repéré à l’âge de 11 ans lors d’une convention de développeurs, il avait fasciné le pays par sa maîtrise précoce de l’anglais et des langages de programmation. Le hacker éthique en herbe, maintenant âgé de 16 ans, commence actuellement un cursus universitaire en cybersécurité.

Idder Moutia, jeune prodige marocain de la programmation. © DR

Idder Moutia, jeune prodige marocain de la programmation. © DR

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Publié le 25 octobre 2023 Lecture : 5 minutes.

Pendant des mois, le petit garçon de 11 ans avait harcelé sa famille pour participer au Devfest 2018, une conférence de développeurs organisée à Agadir. L’idée lui était venu après avoir vu la vidéo d’un autre petit génie, qui avait eu l’opportunité de rencontrer le DG d’Apple, Tim Cook, au colloque mondial de l’entreprise californienne. « Pourquoi n’irais-je pas moi aussi à une conférence de développeurs ? » s’était dit Idder Moutia.

La deuxième édition de l’événement organisé au Maroc et consacré aux aux aficionados des nouvelles technologies avait alors lieu à l’École nationale des sciences appliquées d’Agadir. Soit à moins de 100 kilomètres de sa ville natale, Tiznit, dans le sud du pays. Seulement, arrivé devant la porte, on refuse l’entrée à Idder, venu accompagné de son oncle : trop jeune. « Il les a suppliés pour pouvoir entrer », raconte Samir Benmakhlouf, ancien cadre de Microsoft devenu une sorte de mentor pour Idder. Devant son obstination, les organisateurs finissent par céder. Ils seront très vite impressionnés par ses connaissances en informatique.

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Étalé sur deux jours, la convention accueille des experts de chez Google et des conférenciers à la renommée mondiale venus débattre des dernières innovations technologiques. Le premier jour, lors d’un débat sur les différences entre réalité augmentée et réalité virtuelle, Idder – qui, il faut à nouveau le rappeler, est alors à peine âgé de 11 ans – surprend l’auditoire avec une question énoncée dans un anglais parfait.

Découverte d’un petit prodige

« J’ai vite compris qu’il avait une compréhension technique avancée de la programmation et que son anglais était meilleur que le mien », confiera plus tard Younes Afares au média danois Weekendavisen. Fondateur du Google Developers Group Agadir, structure organisatrice du Devfest, Younes Afares propose aussitôt à Idder de présenter sa propre conférence sur les avantages de Python, son langage de programmation de prédilection. La vidéo de cette conférence fera le tour d’Internet, propulsant le jeune garçon au rang de révélation médiatique au Maroc.

En marge de l’évènement, un expert informatique et vlogger, Zakaria Jaiathe, filme une interview avec Idder et la publie accompagnée d’une cagnotte GoFundMe. Objectif : présenter le surdoué du codage au public et récolter suffisamment de dons pour lui offrir un ordinateur portable et remplacer son « vieux PC à peine capable d’exécuter des jeux flash à 20 fps [images par seconde] », comme il le dit lui-même. 

Autodidacte précoce

Sur la vidéo de l’échange, qui a atteint depuis 414 000 vues, Idder arbore un T-shirt au logo du langage de programmation Kotlin offert par les organisateurs du Devfest. Il y explique son rapport aux nouvelles technologies et précise que c’est son grand frère qui lui a ouvert les portes du “nouveau monde” de l’informatique.

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 Il s’est ensuite plongé dans des vidéos Youtube pédagogiques, se formant en autodidacte à l’anglais et aux différents langages de programmation, comme JavaScript, C, C++, SQL, Python ou encore Scratch. Son rêve à ce moment-là : devenir développeur « full stack », c’est-à-dire développer des applications ou des sites de A à Z, « back-end et front-end ».

Après un passage à la télévision et plusieurs invitations à participer à des évènements spécialisés, dont une journée d’immersion à l’école 1337, un établissement de formation au codage qui dépend de l’université Mohammed VI Polytechnique de Benguerir, le petit prodige est repéré par Samir Benmakhlouf. L’ancien informaticien, qui a depuis fondé la London Academy, invite Idder – 12 ans à l’époque – à une compétition de robotique organisée par sa smartschool privée anglophone. 

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« Quand je lui parlais, je voyais qu’il employait un langage développé en nouvelles technologies. J’ai alors demandé à ses parents de lui faire passer un test de General Intelligence Assessment, rapporte-t-il, Nous l’avons évalué entre autres sur son niveau d’anglais, sur ses aptitudes intellectuelles générales. Ses résultats se sont révélés supérieurs à la moyenne. » Mieux encore : « Après avoir fini le test en avance, il a même essayé de hacker le site du test. »

Boursier à la London Academy

Samir Benmakhlouf insiste alors pour qu’Idder intègre la London Academy de Casablanca, grâce à une bourse lui permettant de poursuivre ses études gratuitement. L’enfant, issu d’une famille modeste, déménage pour la capitale économique avec sa mère, dans un logement prêté par des proches. « Au début, il était très introverti, mais il a fini par sortir de sa coquille, développer sa communication, ses capacités de travail en groupe, relate Samir Benmakhlouf. C’était finalement un élève comme les autres, très modeste. Ce qui ne l’empêchait pas d’avoir un tempérament très compétitif, il voulait toujours avoir la première note. » Le mentor ajoute n’avoir eu « aucun souci de discipline avec [son protégé] » : contrairement à d’autres élèves, Idder « n’a pas changé de comportement » à l’adolescence.

Ses matières préférées étaient naturellement les matières scientifiques – il dirigeait d’ailleurs le club d’informatique et les ateliers de robotique. « Il partageait son savoir avec d’autres camarades. Curieux comme il est, il aimait aussi hacker le wifi de l’école ou déjouer les pare-feux qu’on a mis en place pour bloquer certains sites », se souvient avec amusement le directeur de l’école. 

Après quatre ans passés à la London Academy, il obtient en 2023 son GCSE (General Certificate of Secondary Education, l’équivalent britannique du bac), à l’âge de 16 ans. Et passe même les tests de niveau supérieur, les A-levels (Advanced Levels), décrochant sans surprise d’excellents résultats partout. Après avoir reçu des offres conditionnelles des universités de Newcastle et de Royal Holloway dès le mois de mars, Idder opte finalement pour la prestigieuse université de Sheffield. 

« White hat »

Dans cette institution faisant partie du Russell Group, qui englobe les vingt-quatre plus grandes universités au Royaume-Uni, il suit depuis la rentrée un cursus spécialisé en cybersécurité d’une durée de quatre ans, avec un Bachelor et un Master comprenant un stage professionnel obligatoire. Avec en tête un objectif professionnel clair : depuis quelques années, Idder s’est transformé en « white hat » ou « hacker éthique ». Il cherche à  développer des logiciels qui pénètrent dans les systèmes informatiques pour mieux connaître leurs failles et donc améliorer leur sécurité. Un profil plus que jamais courtisé par les employeurs.

 « À l’issue de ses études, il sera probablement repéré par une grande entreprise qui voudra le garder, pressent Samir Benmakhlouf. Je suis persuadé qu’il a une place à se faire dans ce monde et je crois en lui. Je lui souhaite une carrière d’envergure mondiale et qu’il puisse ensuite faire profiter son pays de son expérience et de ses compétences. »

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