En Algérie, de nombreux secteurs privés du droit de grève

Dans une nouvelle offensive contre les droits sociaux, les autorités ont dressé une longue liste de professions qui n’auront plus le droit de faire grève, et d’autres pour lesquelles un service minimum devra être assuré. Les syndicats appellent à riposter.

Appel à une grève générale du 8 au 11 décembre 2023, sur les murs de la ville de Béjaïa, en Algérie. © Samir Maouche/Hans Lucas via AFP

Appel à une grève générale du 8 au 11 décembre 2023, sur les murs de la ville de Béjaïa, en Algérie. © Samir Maouche/Hans Lucas via AFP

Publié le 25 octobre 2023 Lecture : 3 minutes.

Est-ce la fin du droit de grève en Algérie ? Un décret, publié dans le Journal Officiel du 23 octobre, dresse une liste exhaustive de fonctions et de secteurs pour lesquels les mouvements sociaux ne seront plus tolérés. Signé par le Premier ministre, Aymen Benabderrahmane, le texte concerne en premier lieu la défense et la sécurité nationale, ainsi que les services de l’Intérieur, de la Justice, de la protection civile, des Affaires étrangères, des Finances, des affaires religieuses, des transports, de l’agriculture, de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’enseignement.

Concrètement, n’ont plus le droit de débrayer ou de participer à des mouvements de protestation : les magistrats, les fonctionnaires nommés par décret ou en poste à l’étranger, les douaniers, les corps de l’administration pénitentiaire, les imams, les contrôleurs de la navigation aérienne ou maritime, les personnels des services de sécurité, les agents de protection des sites et des établissements, ou encore ceux qui appartiennent aux corps spécifiques de l’administration des forêts, les directeurs des établissement publics de l’éducation, les inspecteurs de l’éducation et de l’enseignement professionnel.

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Le pouvoir justifie ces restrictions par la volonté de « maintenir la continuité des services publics essentiels et d’assurer l’approvisionnement du pays et de la population en biens essentiels, dont l’interruption pourrait exposer le citoyen à des risques pour sa vie, sa sécurité ou sa santé, ou potentiellement conduire, par les conséquences de la grève, à une crise grave ».

En complément, le texte liste les secteurs d’activité qui doivent assurer une permanence lors des arrêts de travail en mobilisant l’équivalent de 30% du personnel en grève. Sont concernés le personnel des urgences médicales, les laboratoires d’analyses, les services chargés de la production, de l’approvisionnement et de la distribution des médicaments et du matériel sanitaire, les services de transport des produits reconnus dangereux, rapidement périssables ou liés aux besoins de la défense nationale, les services d’inhumation et des cimetières, les services liés au fonctionnement des réseaux nationaux de télécommunications, de la radio, de la télévision, les services de désinfection… « Autant dire que c’est la fin des grèves », résume un membre du Syndicat national des praticiens de santé publique.

Syndicats très inquiets

Votée en mars dernier par le Parlement, la loi sur la prévention des conflits au travail et sur l’exercice du droit syndical a suscité très vite l’inquiétude des syndicats, qui, en amont, avaient tenu plusieurs conclaves pour dénoncer le nouveau dispositif. Le jour où le gouvernement a présenté le projet de loi aux députés, les syndicats de la fonction publique ont même organisé une grève, peu suivie, mais qui a tout de même permis de marquer leur opposition.

Déplorant ne pas avoir été associée à l’élaboration de cette loi, la Confédération des syndicats autonomes, qui regroupe une quinzaine d’organisations relevant essentiellement du secteur de l’éducation nationale et de la santé, a haussé le ton, considérant que ces nouvelles restrictions signent « la fin des droits syndicaux en Algérie ». Même l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), seul à officier avant l’introduction du pluralisme syndical, et qui, traditionnellement, se garde de mettre en cause les décisions gouvernementales, s’est joint au mouvement de contestation.

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« Le décret du 23 octobre fixe des conditions incapacitantes au droit de grève, qui est pourtant garanti par la Constitution », confie un syndicaliste du secteur de l’éducation à Jeune Afrique. « Les grèves des enseignants et du personnel soignant ne seront plus tolérées, à coup sûr », précise-t-il.

Les syndicats critiquent également la loi relative à l’exercice syndical et en particulier sa disposition qui prévoit un relèvement du seuil de représentation syndicale (il passe de 20% à 30%) : « une exigence impossible à honorer », estime l’Union nationale du personnel de l’éducation et de la formation (UNPEF), de Sadek Dziri. Le texte trace, en outre, une frontière entre pratique syndicale et pratique politique, ce qui met fin à la transhumance syndicale et fait craindre à certains que l’exercice syndical ne soit peu à peu criminalisé. « Il s’agit là d’une régression des libertés et de l’exercice syndical », qui constitue « un précédent dangereux », s’inquiète un professeur du secondaire, qui appelle les organisations concernées à se concerter pour organiser rapidement la riposte.

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