Manaouda Malachie, premier supporter de Paul Biya
Le ministre de la Santé camerounais publie un recueil des « 200 plus belles citations » du président. Un exercice plus politique que littéraire pour ce cacique du parti au pouvoir.
Au Cameroun, le syndicat des médecins grogne. Trois de ses jeunes membres ont été arrêtés le 10 octobre et placé en détention pour négligence médicale ayant entraîné la mort d’un nourrisson de sept semaines. Mais l’enquête est « plus que questionnable », pleine « de vices de procédure » et « la faute médicale n’a pas encore établie », estiment leurs soutiens.
Par conséquent, le syndicat réclame la libération des trois suspects. La grogne agite le ministère de la Santé et, au-delà, le gouvernement déjà empêtré dans une grève des enseignants qui dure depuis de longs mois. Manaouda Malachie a cependant trouvé le temps pour se consacrer à une autre activité : la littérature.
Ce 27 octobre, le ministre de la Santé se rendra à l’hôtel Hilton de Yaoundé afin de dédicacer son dernier ouvrage, sobrement intitulé : « Les 200 plus belles citations de Paul Biya ». Celui-ci est, selon sa quatrième de couverture, « le fruit d’une relecture assidue de la quasi-totalité des discours, déclarations et interviews de l’orfèvre politique ».
« Orfèvre politique »
« L’auteur, fasciné par le président de la République dont il est un admirateur, en a tiré les meilleurs extraits, ceux qui ont façonné l’image d’orateur hors pair du chef de l’État. […] Il a su saisir la ligne directrice de la parole présidentielle, sa cohérence, sa progression et son adaptation aux temps, aux circonstances, aux lieux et à l’auditoire », précise encore l’éditeur.
Manaouda Malachie n’est-il qu’un admirateur de Paul Biya parmi d’autres ? Pas vraiment. Cadre du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) dans son Extrême-Nord d’origine – il est né dans le département du Mayo-Tsanaga -, le ministre de la Santé a su habilement naviguer dans le marigot politique camerounais.
Entendu par le TCS
Ex-étudiant de l’École nationale d’administration et de magistrature (Enam), il est entré en politique sous la protection de Bernard Messengue Avom, qui y enseignait avant de devenir ministre des Travaux publics. Attaché au secrétariat général de la présidence de 2003 à 2010, puis secrétaire général des ministères des Arts et de la Culture puis de l’Eau et de l’Énergie, il est nommé ministre de la Santé en janvier 2019.
Depuis, une pandémie est passée par là et la gestion des fonds liés à la lutte contre le Covid-19 menace toujours de créer un scandale politique dont le gouvernement du Premier ministre, Joseph Dion Ngute, se passerait volontiers. Le redouté Tribunal criminel spécial (TCS) a en effet ouvert une enquête sur la base d’un rapport d’audit de la Chambre des comptes de la Cour suprême, lequel pointe notamment de présumées malversations et surfacturations dans la fourniture d’équipements médicaux.
Passion
Selon cette investigation, une seule société aurait ainsi bénéficié de près de 90 % des commandes de tests Covid achetés (un quasi-monopole suspect), tandis qu’une surfacturation dans les acquisitions d’équipements de protection auraient causé un préjudice financier de près de 1,3 milliard de francs CFA aux comptes publics. Auditionné par le TCS, Manaouda Malachie s’est défendu de toute malversation, mais l’enquête n’est pas close.
Est-ce la raison de l’activisme du ministre en faveur de Paul Biya ? Manaouda Malachie avait été le premier membre du gouvernement à organiser, dès le 17 mai dernier dans le Mayo-Tsanaga, un meeting pour l’appeler à briguer un huitième mandat lors de la présidentielle de 2025. Il avait désigné le président comme « candidat naturel » à sa propre succession, au nom de la « sécurité » et de la « stabilité » du Cameroun. Il a désormais couché cette passion sur le papier.
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