Et si l’aide européenne allait au secteur privé tunisien ?

La question des fonds promis par l’Europe à Tunis était de nouveau au programme d’une réunion à Bruxelles, le 25 octobre dernier. De nouvelles pistes ont été évoquées pour faire aboutir, enfin, le partenariat.

Table ronde entre députés européens et société civile tunisienne, à Bruxelles, le 25 octobre 2023. © MDI

Table ronde entre députés européens et société civile tunisienne, à Bruxelles, le 25 octobre 2023. © MDI

Publié le 30 octobre 2023 Lecture : 3 minutes.

L’interminable feuilleton de l’aide financière européenne à la Tunisie va-t-il connaître un nouveau rebondissement ? Négociée durant l’été, scindée en plusieurs versements, soumise à conditions, l’enveloppe de 60 millions d’euros (sur un total prévu de 127) a finalement été rejetée, début octobre, par le président Kaïs Saïed qui a dit refuser ce qui, à ses yeux, s’apparentait à « de la charité ou à une faveur ».

Le 25 octobre, de nouvelles discussions ont eu lieu sur le sujet à l’initiative de Salima Yenbou, députée européenne, membre de la commission des Affaires étrangères (AFET) du groupe Renew, et de Ghazi Ben Ahmed, fondateur et président du think-tank installé à Tunis, Mediterranean Development Initiative (MDI).

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Au cours d’une table ronde intitulée « Repenser le soutien à l’écosystème entrepreneurial et la coopération entre l’Union Européenne et le voisinage du sud », une nouvelle réorientation des fonds a été envisagée, notamment en direction du secteur privé tunisien qui a montré une remarquable résilience tout au long des années de crise.

Côté européen, on a compris qu’il ne fallait pas braquer le partenaire tunisien en le poussant à accepter des solutions prêtes à l’emploi qui ne prennent pas en compte les spécificités locales. Le mémorandum d’entente sur un partenariat stratégique et global négocié à la hâte en juillet 2023 pêchait sur ce point, et le résultat ne s’est pas fait attendre : le versement de l’aide achoppe, les incompréhensions se multiplient et ce qui devait être une mesure renforçant les liens entre Bruxelles et Tunis a plutôt fragilisé la relation.

Approche à revoir

L’idée abordée à Bruxelles est d’utiliser une partie des fonds européens pour soutenir les entreprises tunisiennes dans un contexte difficile : marché local exigu, pouvoir d’achat à la baisse, freins législatifs et administratifs qui bloquent les opportunités de développement et d’internationalisation, politiques publiques sans réelles perspectives. Le constat n’est pas nouveau mais nécessite des adaptations urgentes. Comme l’explique Salima Yenbou, « le modèle de la main tendue est révolu. Place au gagnant-gagnant, l’UE doit être moteur et leader dans cette transformation ».

Pour les participants à la table ronde du 25 octobre, une sortie de crise est envisageable en misant sur l’internationalisation des entreprises tunisiennes et sur l’entrepreneuriat innovant, dans l’esprit d’une dynamique de mobilité circulaire valorisante pour les deux rives de la Méditerranée. « Aider les entreprises innovantes tunisiennes transfrontalières n’exacerbera pas la concurrence pour les entreprises européennes, mais ajoutera de l’efficacité et de la compétitivité à l’ensemble de l’industrie européenne en créant des synergies et de nouvelles opportunités pour les deux parties », assure Ghazi Ben Ahmed pour rassurer les sceptiques, refroidis par la conclusion d’un accord vivement critiqué qui consistait essentiellement à faire du pays un gendarme de la migration irrégulière. Depuis, cette approche trop expéditive a pris l’eau de toutes parts, malgré l’entêtement de la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni.

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Urgence

Plusieurs pistes de partenariat ont été envisagées : création de fonds d’accompagnement, facilitation des visas avec des permis de séjour pour nomades technologiques, accès facilité à l’information et aux financements pour soutenir les vecteurs de développement de la technologie et de l’entrepreneuriat innovant. Sans oublier, des contributions à des « incubateurs » et autres « accélérateurs » concernés par l’appui financier de la Commission européenne.

Autant de projets qui doivent maintenant dépasser le stade du débat, devenir concrets, traverser les procédures, aboutir à des accords et à la mise en place d’outils en permettant la faisabilité. Problème : tout cela prendra du temps, or il est urgent d’agir. Face à cette urgence, l’idée qui émerge consiste à réaffecter immédiatement les 60 millions refusés par la Tunisie à un fonds de co-développement technologique. L’argent ainsi mobilisé servirait de levier pour le financement et le développement d’entreprises innovantes et technologiques tunisiennes. L’idée paraît prometteuse. Encore faut-il qu’elle soit validée et mise en musique au niveau politique.

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