#FreeStanis : le dessin de presse à l’assaut des barreaux

Voilà plus de sept semaines que le correspondant de Jeune Afrique a été arrêté, avant d’être incarcéré pour des délits de presse en RDC. Alors que son procès doit reprendre ce vendredi 3 novembre, plus d’une dizaine de dessinateurs de presse et artistes se mobilisent pour réclamer eux aussi sa libération.

 © Dessin : Edizon Musavuli

© Dessin : Edizon Musavuli

Publié le 30 octobre 2023 Lecture : 6 minutes.

L’arrestation et l’incarcération de Stanis Bujakera Tshiamala ont provoqué une vague d’indignation en RDC et au-delà. Correspondant de Jeune Afrique et de Reuters dans le pays, cofondateur et directeur du site d’information congolais Actualité.cd, il est poursuivi pour « faux en écriture », « falsification des sceaux de l’État », « propagation de faux bruits » et « transmission de messages erronés et contraires à la loi ». Il risque jusqu’à dix ans de prison.

Lors de la première audience du procès, qui s’est ouvert le 13 octobre dernier devant le tribunal de grande instance de Kinshasa-Gombe, le ministère public a réitéré ces accusations sur une tonalité très agressive, allant jusqu’à qualifier Stanis Bujakera Tshiamala de « diable » et de « satan » (des propos qu’il a par la suite retirés), et a multiplié les déclarations outrancières et calomnieuses, tant à l’égard du journaliste que des médias pour lesquels il travaille.

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Tandis que Stanis Bujakera Tshiamala nie avec force les accusations qui sont portées contre lui, et que les avocats qui assurent sa défense remettent en question la crédibilité des expertises sur lesquelles se fonde le dossier d’accusation, ce procès – qualifié de « politique » par Reporters sans frontières – suscite de nombreuses réactions, au sein des organisations de droits humains, des associations professionnelles de journalistes et, plus largement, de la société civile congolaise.

Depuis l’arrestation de notre confrère, le 8 septembre dernier, plus de 100 personnalités et organisations de la société civile ont apporté leur voix à la campagne lancée sur les réseaux sociaux pour réclamer la remise en liberté de Stanis Bujakera Tshiamala, l’abandon des charges retenues contre lui et, plus largement, l’engagement des autorités congolaises à respecter et faire respecter le droit de la presse et l’État de droit alors que le pays s’apprête à s’engager dans une campagne électorale en vue de la présidentielle de décembre prochain.

Appel à la mobilisation

Ce sont désormais les dessinateurs de presse qui, plutôt que la parole, prennent le crayon ou le pinceau pour dire leur indignation. Une dizaine d’entre eux ont répondu, pour l’heure, à l’appel à la mobilisation lancé par Damien Glez. Ce collaborateur de Jeune Afrique a mobilisé ses confrères et amis du réseau Cartooning for Peace. « Il m’a semblé important, en tant que dessinateur de presse, de me mobiliser pour Stanis. Un cartoonist est un journaliste un peu à part et il ne prétend pas être un spécialiste du droit, mais le cas de ce journaliste congolais m’a vraiment interpellé, et pas seulement parce qu’il est un collègue de JA », explique Damien Glez. « Même s’ils sont fréquemment sollicités, et réagissent en général aux atteintes des droits humains des dessinateurs, ils ont tenu à prendre rapidement leur crayon pour exprimer leur indignation, chacun avec son style », précise-t-il.

Une dizaine de caricaturistes de presse et artistes ont déjà répondu à cet appel. D’autres ont promis de le faire, comme ceux du réseau Africartoons. « Ce projet #FreeStanis est particulièrement intéressant pour les caricaturistes, car nous sommes des défenseurs de la liberté d’expression et nous soutenons tous nos collègues des médias dont les droits sont bafoués”, a expliqué son fondateur John Curtis. Les caricatures sont un excellent moyen de plaidoyer, car elles permettent de faire passer des messages complexes rapidement et d’une manière compréhensible par tous. »

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Jeune Afrique, en collaboration avec Actualité.cd, publie aujourd’hui leurs dessins, qui seront également diffusés tout au long de cette semaine sur les réseaux sociaux. Les images ci-dessous sont cliquables et facilement téléchargeables, pour celles et ceux qui souhaiteraient relayer ces œuvres dans leur propre réseau.

Damien Glez (Burkina Faso)
 © Dessin : Damien Glez

© Dessin : Damien Glez

Dessinateur de presse franco-burkinabè, Damien Glez est un touche-à-tout de talent. Chroniqueur – vous pouvez lire ses texte chaque jour dans Jeune Afrique et il collabore également avec RFI, Habari RDC ou encore Benbere –, il est aussi parolier, et même scénariste de séries télévisées. Il a par ailleurs été le directeur de publication du Journal du jeudi, hebdomadaire satirique burkinabè qui a fait école sur le continent.

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Mykaïa (Tunisie)

 © Dessin : Mykaïa

© Dessin : Mykaïa

Dessinateur tunisien, Mykaïa Tramoni-Caparros se donne pour mission de « faire réfléchir, émouvoir ou encore dénoncer, parfois même provoquer », avec ses œuvres. Ses cibles privilégiées ? « La bêtise crasse et les intégrismes de tous poils », affiche-t-il. Collaborateur de nombreux médias – Siné Hebdo, Le Monde, Arte, France Ô… –, il intervient également dans la presse d’entreprise, à laquelle il insuffle son humour grinçant et décalé.

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Constant Tonakpa (Bénin)
 © Dessin : Constant Tonakpa

© Dessin : Constant Tonakpa

Constant Tonakpa, notamment lauréat du prix RFI-RSF dans la catégorie dessin de presse en 2006, collabore avec de nombreux médias et maisons d’édition. Il est également auteur de bandes dessinées et se montre très actif au sein de nombreuses associations et réseaux internationaux de dessinateurs de presse.

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Main2Dieu (Burkina Faso)
 © Dessin : Main2dieu

© Dessin : Main2dieu

Main2Dieu, de son vrai nom Christian Arnaud Bassole, est un dessinateur burkinabè qui signe dans plusieurs médias de son pays (L’Étalon, Le Pays, Sidwaya…). Depuis 2019, il publie également ses dessins dans Gbich!, journal satirique ivoirien.

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El Marto (Burkina Faso)

 © Dessin : El Marto

© Dessin : El Marto

Né en France, El Marto y a fait ses classes avant de s’installer au Burkina Faso, d’où est originaire son père. Outre ses dessins satiriques de presse, il a également illustré des enquêtes journalistiques, a réalisé une fresque géante qui trône dans les rues de Meknès et a signé un roman graphique.

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Dum (France)

 © Dessin : Dum

© Dessin : Dum

Dessinateur de presse depuis le début des années 1990, il multiplie les collaborations avec de nombreux médias et, outre son engagement au sein de Cartooning for Peace, il est également très actif dans les école, lycées et collèges, où il porte la bonne parole de l’art du dessin de pressse.

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Justin Kasereka (RDC)

 © Dessin : Justin Kasereka

© Dessin : Justin Kasereka

Originaire de l’est de la RDC, où il vit toujours après quelques années passées à Kinshasa, Justin Kasereka se fait le chroniqueur visuel et sans concession de l’insécurité qui prévaut dans son Kivu natal. Dans son œuvre aux formes très géométriques immédiatement identifiables, que la galerie Demif décrit comme une « plongée dans le symbolisme ethnographique africain et une projection vers un futur possible », il cherche à nous « projeter hors de l’amnésie collective et sélective ».

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Joël Adotévi (Togo)

Illustrateur, bédéiste et dessinateur de presse, le Togolais Joël Adotévi oscille entre deux styles graphiques aux antipodes, l’un semi-réaliste, l’autre plus débridé. Pour lui, dessiner pour Stanis Bujakera Tshiamala était comme une évidence. « En tant que journaliste caricaturiste, en tant que leader d’opinion, je me suis senti opprimé dans l’exercice de mes fonctions », assure le dessinateur.

 © Dessin : Adotévi

© Dessin : Adotévi

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Edizon Musavuli (RDC)

 © Dessin : Edizon Musavuli

© Dessin : Edizon Musavuli

Edizon Musavuli, artiste congolais de 28 ans, est un contributeur régulier d’Habari RDC. Fils de Sauveur Mulwan, artiste célèbre qui est notamment l’auteur de plusieurs sculptures qui ornent Butembo et Beni, Edizon Musavuli privilégie, lui, les crayons et pinceaux pour réaliser ses créations. S’il a souhaité apporter sa pierre à la mobilisation en faveur de la libération de Stanis Bujakera Tshiamala, c’est qu’il juge qu’« en voulant étouffer une voix, ils ont oublié qu’il y en avait des millions d’autres derrière elle ». 

ROX (France)
 © Dessin: Rox

© Dessin: Rox

Dessinateur français qui fuit la lumière et préfère conserver sa réelle identité secrète, Rox publie ses dessins dans plusieurs médias africains – Le Marabout, Le Journal du jeudi, La Mèche ou encore Zélium.

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Kash (RDC)

 © Dessin de Kash

© Dessin de Kash

Thembo Muhindo Kashauri – alias Thembo Kash – est l’un des dessinateurs et illustrateurs les plus connus de RDC. Il a collaboré avec de nombreux médias – Le Phare, Zaïre Magazine, Renaître, ou encore Jeune Afrique – et publie ses dessins, notamment, dans Actualité.cd. Membre du réseau Cartooning for Peace, il s’est joint à la campagne #CartooningForStanis. « On peut me ravir ma boîte à outils, ma vie privée, mais on emprisonnera jamais ma liberté de pensée », fait-il dire à notre confrère dans le dessin qu’il lui a consacré.

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