La Palestine : un peuple, une histoire, des exodes
Depuis le début du conflit, la marge de manœuvre des plus de deux millions de Gazaouis est inexistante ou presque. Seule issue, s’exiler vers le désert égyptien. Tel-Aviv les y pousse mais ni eux ni les Égyptiens ne le veulent. Retour sur une longue série d’exodes entamée en 1948.
Tout commence avec la Nakba, « la grande calamité », après la proclamation de l’État d’Israël le 14 mai 1948 par David Ben Gourion. Ce printemps du sionisme sera l’hiver du nationalisme arabo-palestinien. Plus de 700 000 Palestiniens prennent le chemin de l’exode vers les pays arabes limitrophes, où ils vont aller s’entasser dans des camps de fortune. C’est le début de la diaspora et du « problème des réfugiés » palestiniens.
Sur les raisons du départ, pas de consensus. Pour les uns, les Palestiniens ont été forcé à l’exil par Tsahal. Pour les autres, les Arabes ont fui de leur propre gré. La vérité est probablement, comme souvent, à mi-chemin. Dans tous les cas, avec le départ forcé ou volontaire des Arabes, les Juifs devenaient majoritaires. Israël avait tout intérêt à ce que les Palestiniens fuient. Mais il fallait gérer en toute urgence le nombre important d’exilés.
C’est à l’ONU que revient la patate chaude. Pour ce faire, l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNWRA) est mise sur pied afin de gérer spécialement la diaspora palestinienne. Elle va recenser 190 000 réfugiés à Gaza, 280 000 en Cisjordanie, 70 000 en Jordanie, 110 000 au Liban et 76 000 en Syrie.
Gaza la remuante
Étroite bande de quelque 500 kilomètres carrés, Gaza est d’abord administrée, de 1948 à 1967, par Le Caire, qui ne songera jamais à l’annexer. C’est une administration militaire qui s’apparente à un protectorat. Les Gazaouis deviennent des apatrides. C’est également dans les années 1950 que Nasser, ennemi juré de l’État hébreu, encourage la guérilla palestinienne. Les fedayin frappent le sud d’Israël, tuant indistinctement civils et militaires. Ainsi, sous la férule de l’Égypte va progressivement germer ce qui deviendra l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), modèle du nationalisme palestinien. On le constate : Gaza est, depuis les origines, aux avant-postes de l’opposition armée et idéologique à Israël.
Après la défaite militaire de l’Égypte en 1956, suite à la crise de Suez, Israël prend le contrôle de Gaza et envahit le Sinaï. Les affrontements entre Tsahal et les fedayin sont très violents. Conséquence : des milliers de Gazaouis sont expulsés. Ils deviennent des doubles exilés. Débute dès lors une occupation effective de plus de 25 ans où quelque 100 000 Gazaouis vont travailler en Israël. Cela n’empêche en aucun cas les attentats terroristes.
En 1987, toujours fidèle à sa dynamique de confrontation, c’est à l’extrême nord de Gaza, dans le camp de Jabaliya, que débute la première Intifada, la « guerre des pierres ». La même année, le Hamas voit le jour. Suite aux accords signés entre Israël et l’OLP en 1993 à Washington, puis en 1994 au Caire, Gaza devient autonome. Elle voit l’installation de l’Autorité palestinienne dirigée par Yasser Arafat. Le Hamas reste sous contrôle jusqu’aux élections législatives de 2006. Un an plus tôt, Tsahal se retirait unilatéralement de la bande gazaouie, malgré les tirs de plus en plus fréquents de roquettes sur le sud d’Israël. Des zones palestiniennes, la bande de Gaza est la plus turbulente.
La Cisjordanie, elle, est dix fois plus grande que Gaza. En 1950, et contrairement à Gaza, elle est tout simplement annexée par la Transjordanie pour former, tout autour du fleuve Jourdain, la Jordanie. Les Cisjordnaniens deviennent de facto des citoyens jordaniens. Débute dès lors un long travail d’assimilation par lequel l’État central s’attèle à effacer l’identité palestinienne des réfugiés. L’économiste franco-égyptien Samir Amin l’explique clairement : « Les États arabes s’emploieront activement de 1947 à 1967, à […] empêcher le peuple palestinien de mener sa lutte de libération, qui ne peut être que révolutionnaire. L’administration jordanienne et égyptienne en Palestine arabe remplit cette fonction. De 1948 à 1955, elle impose le silence aux Palestiniens, victimes de la défaite . »
Septembre noir
Avec la guerre de 1967, un schéma plus ou moins identique à celui de Gaza se répète. L’exode dans l’exode. Quelque 250 000 Cisjordaniens traversent le Jourdain pour se réfugier en Jordanie. Ces « personnes déplacées », selon la terminologie officielle de l’ONU, ont un droit au retour comme le stipule la résolution du 18 décembre 1968. Vainement. C’est une fin de non-recevoir de Tel-Aviv. Ils continueront à grossir les rangs des réfugiés des camps palestiniens en Jordanie. La défaite des armées arabes coalisées face à l’État hébreu permet, paradoxalement, au nationalisme palestinien, au travers de l’OLP et de Yasser Arafat, de s’affirmer indépendamment du panarabisme et du nassérisme.
Les camps de réfugiés palestiniens en Jordanie deviennent inévitablement un terreau du militantisme et de l’activisme de l’OLP et de sa branche armée. Le clash avec les autorités jordanienne est désormais inéluctable. Il a lieu en 1970. Du 17 au 27 septembre, les milices du roi Hussein, au prétexte d’un complot contre la monarchie, vont passer au fil de l’épée des milliers de Palestiniens. C’est le « Septembre noir ». Les réfugiés, désormais persona non grata sur le territoire jordanien, s’expatrient au Liban.
Les exilés palestiniens de Jordanie viennent s’ajouter aux autres Palestiniens déjà présents dans les camps de réfugiés depuis 1948. Dans un Liban faible, la centrale palestinienne s’érige rapidement en une force armée avec laquelle il faut compter. « Le Liban, accueillant tous les réfugiés palestiniens dans les camps du sud et du nord, subissait le comportement d’Arafat qui s’érigeait en véritable chef d’un État dans l’État, encouragé en cela par les accords du Caire, lui permettant de se défendre contre les raids israéliens. Il luttait alors avec des armements plus lourds que ceux que possédait l’armée libanaise », détaille l’essayiste franco-libanais Antoine-Joseph Assaf.
En 1975, une terrible guerre civile, multicommunautaire, éclate. Chiites, Druzes, Chrétiens, Sunnites… Tous contre tous. Les Palestiniens sont happés dans le conflit et le tribut qu’ils paient est tragique. En 1976, lorsque les Syriens interviennent à la rescousse des Chrétiens libanais, ils font un massacre au camp palestinien de Tel al-Zaatar, au nord-est de Beyrouth. Au bas mot, 2 000 victimes. Nouveau carnage en 1982, dans le camp de réfugiés de Sabra et Chatila, à Beyrouth-Ouest. Sous l’œil complaisant des Syriens, phalangistes et milices chrétiennes, épaulés par Tsahal, exécutent jusqu’à 3 500 Palestiniens. « Ces événements montrent à quel point leur présence n’a jamais été acceptée par certaines franges de la société libanaise », observe le politologue Jean-Paul Chagnollaud.
Des exilés indésirables
On trouve également une diaspora palestinienne dans les pays du Golfe, particulièrement au Koweït. C’est une frange aisée. Mais la guerre de 1991 va changer la donne et les Palestiniens seront contraints de nouveau à s’exiler. En Syrie, les camps de réfugiés sont sous étroite surveillance policière. Il leur est interdit d’avoir une quelconque activité politique, syndicale ou associative de quelque nature que cela soit. Le secteur public leur est également fermé puisque la première condition d’embauche est celle de détenir la nationalité du pays. Il leur reste alors le secteur privé et les emplois non qualifiés. Plusieurs rapports de l’UNWRA, qui tente d’y remédier, dénoncent cet état de fait. La situation sociale et sanitaire des camps de réfugiés se caractérise par une forte précarité : insalubrité, surpopulation, maladies chroniques et surmortalité infantile y sont monnaie courante.
N’oublions pas, enfin, les exilés de l’intérieur, ceux qui vont devenir les Arabes israéliens. En dépit de leur naturalisation en 1952, ils demeurent des citoyens de seconde zone, soumis à des lois discriminatoires et souvent considérés par le reste des Israéliens comme une cinquième colonne.
Aujourd’hui, plus de la moitié des 5 millions de Palestiniens vit en-dehors de la Palestine historique. Israël refuse leur droit au retour malgré la résolution 194 des Nations unies. On comprend dès lors pourquoi les Palestiniens tiennent coûte que coûte à rester dans Gaza. Entre la peste des bombardements et le choléra de l’exode et du non-retour, l’enfer des bombes semble sans doute plus doux que l’exil perpétuel.
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