Ghana : les ouvriers chinois chassés des mines d’or
Le gouvernement ghanéen a récemment lancé une chasse aux étrangers exploitant illégalement les mines d’or du pays. Parmi eux, des milliers de Chinois, expulsés ou rentrés vers l’Empire du milieu.
Quand il a vu arriver des camions de la police et de l’armée sur le terrain boueux où il était affairé à chercher de l’or, Emmanuel Quainn a pris la fuite. Mais ce n’est pas lui qu’on cherchait. Ce sont les mineurs chinois qui sont dans le collimateur des autorités ghanéennes.
Installés à Dunkwa-on-Offin, ville du centre du pays, depuis un an, ils s’étaient eux aussi mis en quête d’or. Un secteur lucratif, mais illégal. "La plupart des Chinois sont partis très loin d’ici", raconte M. Quainn, ex-installateur d’antennes paraboliques reconverti en chercheur d’or.
Le mois dernier, le gouvernement ghanéen a envoyé des unités spéciales composées de soldats, de policiers et d’agents de l’immigration dans les régions riches en or afin d’en chasser les étrangers arrivés en masse ces dernières années.
Après une série de raids, 218 Chinois, 57 ressortissants de pays africains ainsi que quelques Russes ont été rapatriés. Plus de 200 Chinois sont aussi rentrés chez eux volontairement dans le cadre d’un accord avec l’ambassade de Chine.
Ces opérations ont mis la Chine dans une situation délicate, au moment où le pays investit massivement sur le continent africain, en quête de nouveaux marchés, de pétrole et de ressources naturelles.
Au Ghana, de nombreux projets d’infrastructures ont été confiés à des entreprises chinoises, et la Chine prévoit d’octroyer un prêt de trois milliards de dollars au tout nouveau producteur de pétrole.
"Galamsey"
Si cette nation ouest-africaine, en plein boom économique, veut attirer des capitaux chinois, elle souhaite aussi préserver ses richesses naturelles et éviter qu’elles ne soient pillées par des étrangers.
"On ne vise aucune nationalité en particulier", assure Francis Palmdeti, porte-parole des services d’immigration ghanéens. "Le but est de s’assurer que la dégradation qui est en cours, autant pour l’environnement que pour les cours d’eau, soit stoppée".
Dans ce pays de 25 millions d’habitants appelé la Côte d’Or du temps des colons britanniques, le Ghana est le second producteur d’or d’Afrique et le précieux métal reste un des piliers de l’économie, avec le cacao et le pétrole.
La loi ghanéenne permet aux citoyens d’exploiter des mines à petite échelle, sur des terrains n’excédant par dix hectares, mais les étrangers n’y sont pas autorisés et sont considérés comme des mineurs illégaux, ou "galamsey".
Dunkwa-on-Offin a connu beaucoup de changements ces dernières annéees, selon Peter Kofi Owusu-Ashia, un responsable local. Les Ghanéens ont progressivement abandonné leurs outils manuels pour des excavateurs importés par les hommes d’affaires chinois, raconte-t-il. Ce qui fut, un temps, de l’orpaillage artisanal, est devenu bien plus dommageable pour l’environnement.
La plupart des immigrés chinois proviennent du comté de Shanglin, dans la province du Guangxi, dans le sud de la Chine, où l’orpaillage fait également partie de la tradition.
A partir de 2009, à Shanglin, le bruit s’est répandu qu’il y avait de l’argent à faire au Ghana, raconte Yang Jiao, étudiant en doctorat à l’unversité de Floride, spécialiste des investissements chinois au Ghana.
Souvent, les Chinois travaillaient de mèche avec des locaux afin de faciliter leur entrée dans le pays et l’accès aux terres, explique M. Jiao. "Tous les intermédiaires, l’élite locale, les chefs locaux ont eux aussi trouvé leur intérêt dans l’orpaillage illégal", dit-il.
Isaac Abraham, porte-parole de la commission ghanéenne des minéraux, estime qu’environ 1 000 licences ont été délivrées pour de petites mines mais il y a aussi beaucoup d’orpailleurs indépendants non enregistrés.
Téléphones et argent confisqués
Avec une campagne criblée de trous creusés par les mineurs et des rivières de plus en plus troubles, le président John Dramani Mahama, fraîchement élu, s’est retrouvé sous pression.
Début juin, des soldats ont effectué une descente au Takyiwa Memorial Paradise Hotel, un des lieux fréquentés par les Chinois de Dunkwa-on-Offin. Liu Long Fei, qui travaille dans le restaurant de l’hôtel, a été réveillé dans la nuit par les forces de l’ordre pointant armes et lampes torches sur les lits. "Ils nous ont dit ‘levez-vous, levez-vous’ de façon très brutale", relate-t-il.
Selon Liu, l’hôtel a été vidé et tous ceux qui semblaient chinois ont été mis dans des bus et envoyés au siège de l’immigration, à Accra, même s’ils étaient détenteurs de visas ou permis de travail.
Tous ont été jetés dans des cellules bondées, leurs téléphones et leur argent confisqués. Lui-même a passé plus d’une semaine en détention. "Nous n’avons brutalisé personne", affirme de son côté M. Palmdeti, à l’immigration.
Depuis, les mineurs chinois ont presque tous quitté Dunkwa-on-Offin. Mais il y ont laissé leurs excavateurs et leur savoir-faire. Maintenant qu’ils sont partis, "on va continuer", assure M. Quainn. "Nous avons appris leurs techniques, ça va être plus facile pour nous".
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