Burundi : l’incendie du marché de Bujumbura continue d’avoir des conséquences dramatiques

Le grand marché de Bujumbura, la capitale burundaise, est parti en fumée à la fin du mois de janvier. Depuis, les milliers de commerçants qui y travaillaient peinent à survivre.

Marché de Bujumbura, le 5 juin 2013. © AFP

Marché de Bujumbura, le 5 juin 2013. © AFP

Publié le 9 juin 2013 Lecture : 3 minutes.

Avant l’incendie qui a ravagé le marché central de Bujumbura, Marguerite vivait "dignement". Désormais, privée comme des milliers de Burundais de son gagne-pain, cette mère de huit enfants, qui ne donne que son prénom, peine à nourrir sa famille.

Le marché central de Bujumbura, "poumon économique" de la capitale burundaise et du pays dans son ensemble, est parti en fumée le 27 janvier. L’incendie, dont la cause n’a toujours pas été déterminée, s’est déclaré à l’aube, à l’heure le marché était encore fermé et a duré des heures, sans faire de victimes. Mais quelque 7.000 commerçants y travaillaient officiellement — certainement trois fois plus de façon informelle, estiment les professionnels. Et tous, ou presque, ont été ruinés. Et c’est aujourd’hui toute l’économie burundaise, déjà mise à genoux par une longue guerre civile (1993-2006) et plus récemment aussi frappée par la crise économique mondiale, qui en pâtit.

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"L’incendie du marché a été catastrophique et c’est maintenant qu’on commence à mesurer ses effets sur l’économie," commente le porte-parole du ministère des Finances, Désiré Musharitse. "On a constaté, une diminution de 20% des recettes de l’Etat sur les trois mois qui ont suivi." "Le marché central de Bujumbura (…) approvisionnait tous les centres de l’intérieur du pays et son incendie a été un coup énorme porté à une économie déjà en crise", renchérit un ancien ministre des Finances sous couvert d’anonymat.

Au marché de Bujumbura, Marguerite tenait son propre stand. Elle vendait riz, haricots, huile de palme. "Lorsque le marché a brûlé, j’ai tout perdu," raconte cette veuve de 32 ans. "C’est comme si ma vie s’était arrêtée. Je me suis retrouvée sans ressources, quatre de mes enfants qui étaient dans un lycée privé ont dû arrêter les études, J’ai dû mendier de quoi manger." Elle loue aujourd’hui une chambre sans eau, électricité ni toilettes pour 12.000 francs burundais par mois (6 euros) dans un quartier populaire de la capitale de ce petit pays d’Afrique des Grands Lacs.

Une économie sous perfusion

Les commerçants du marché "n’étaient pas assurés," explique le président d’une association qui les défend, Audace Bizabishaka. Ils n’ont jamais non plus reçu les aides promises par l’Etat après l’incendie, dit-il. Son association estime que près de 100.000 personnes ont été directement affectées par l’incendie. Bujumbura compte 600.000 habitants et le pays quelque 8 millions.

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Désormais, à de nombreux carrefours de la capitale, des dizaines d’anciennes vendeuses ont réinstallé des semblants d’étals sur des bouts de trottoir et supplient les passants de leur acheter quelque chose. Cette scène "est à l’image de ce qui se passe dans ce pays en pleine crise, déboussolé, et qui navigue à vue", juge Faustin Ndikumana, président de Parcem, une ONG qui lutte pour la bonne gouvernance. La crise "n’épargne aucun secteur de la vie nationale".

Avant l’incendie déjà, l’économie burundaise, ultra-dépendante de l’aide étrangère, subissait les répercutions de la crise mondiale. En novembre 2012, la communauté internationale a promis 2,6 milliards de dollars (2 milliards d’euros) d’aide au Burundi pour 2013. Mais "rien n’a (encore) été débloqué", reconnaît le ministre des Finances, Tabu Abdallah Manirakiza. "La crise est là, nous la vivons chaque jour," poursuit-il. La moitié du budget du Burundi, classé parmi les trois pays les plus pauvres du monde avec un PIB par habitant de 250 dollars (Banque mondiale), est fourni par l’aide étrangère.

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La chute des recettes fiscales de l’Etat liée à l’incendie n’a fait qu’aggraver une situation déjà tendue. En 2012, selon les chiffres officiels, le Burundi a enregistré une croissance de 4,5% et table sur 4,9% cette année. Mais, note le Parcem, le pays est à la traîne comparé à ses voisins régionaux et l’inflation — que le Fonds monétaire international (FMI) anticipe à 9% en 2013 — mange cette croissance.

La crise frappe les commerces, le secteur des transports, l’immobilier mais aussi les banques: deux mois après l’incendie, l’un des principaux établissements financiers, Interbank Burundi, annonçait que les dépôts avaient diminué de près de 50%. Sur le port de Bujumbura, la plupart des entrepôts sont vides.

Pour redresser la situation, le ministre des Finances appelle la communauté internationale à concrétiser ses promesses d’aide. Mais pour la société civile, le Burundi, également classé parmi les plus corrompus au monde, souffre aussi d’un problème de gestion.

"Pourquoi, malgré de nombreux plans de développement (…) le Burundi recule-t-il au lieu d’avancer?" se demande Faustin Ndikumana: "C’est simple, ce pays à un problème de leadership à tous les niveaux." "Les pays donateurs sont en crise c’est vrai, mais au-delà, c’est la gouvernance qui est en cause", renchérit Gabriel Rufyiri, président d’une association de lutte contre la corruption, avant de dénoncer "une corruption généralisée" mais aussi "un manque de capacité" parmi la classe dirigeante.

(AFP)

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