Safiatou Diallo : « Le panafricanisme doit rester un outil d’intégration et non de rejet »
Le Centre d’innovation et de recherche pour le développement (CIRD) a organisé fin octobre, à Conakry, un colloque pour célébrer le soixantième anniversaire de la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Sa fondatrice, Safiatou Diallo, revient sur les enjeux actuels du panafricanisme.
L’ACTU VUE PAR – Soixante ans après la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), devenue Union africaine (UA) en 2002, les objectifs de départ ont évolué : plus de pays à libérer du joug colonial, mais une unité africaine encore largement perfectible.
Du 23 au 28 octobre, le Centre d’innovation et de recherche pour le développement (CIRD) organisait à Conakry sa semaine de l’intégration africaine pour célébrer cet anniversaire en présence d’intellectuels guinéens, africains et étrangers. Les débats ont été délocalisés dans les universités publiques et privées de la capitale guinéenne, où anciens et jeunes ont échangé sur l’unité africaine et l’intégration continentale.
Durant ces échanges, il a souvent été question du panafricanisme comme mouvement intellectuel, de ses idéaux ou encore de ses grands penseurs. Un sujet toujours d’actualité, que beaucoup cherchent à s’accaparer, et sur lequel revient Safiatou Diallo, historienne et fondatrice du CIRD.
Jeune Afrique : Quel était l’objectif de ce colloque organisé à Conakry pour célébrer les soixante ans de l’OUA ?
Safiatou Diallo : Il s’agit à la fois de célébrer un anniversaire important et de contribuer à la connaissance des idées et des acteurs du panafricanisme. Le thème de l’intégration africaine n’appartient pas au passé : les enseignants-chercheurs de notre continent et d’ailleurs continuent d’étudier l’histoire du mouvement panafricain, la vision de ses pères fondateurs et les processus d’intégration régionaux qui ont vu le jour par la suite, comme la Cedeao ou la Cemac.
En organisant des sessions dans les universités, nous voulions rappeler aux étudiants les idéaux du panafricanisme et comment les pères fondateurs des États africains ont essayé de les mettre en œuvre. Beaucoup de jeunes connaissent très mal l’histoire de l’intégration africaine. C’est une occasion pour eux de s’informer.
Quel regard portez-vous sur la nouvelle génération de néo-panafricanistes ?
Cette initiative du Centre d’innovation et de recherche pour le développement s’inscrit aussi dans le renouvellement du panafricanisme, avec l’émergence d’une nouvelle génération. Il s’agissait donc de faire le pont entre les premières générations de panafricanistes, notamment celle des luttes pour la décolonisation et les indépendances, et les jeunes d’aujourd’hui. Notre idée était de permettre une rencontre entre les anciens et les jeunes militants.
La table ronde qui a clôturé la semaine de l’intégration africaine a permis de comprendre largement la filiation des idées mais aussi leur transformation au fil des décennies, au gré des contextes nationaux et internationaux.
Le panafricanisme est-il galvaudé aujourd’hui ?
Le panafricanisme doit rester un outil d’intégration et non de rejet des peuples. Soixante ans après la création de l’UA, le bilan du panafricanisme est mitigé. Un des éléments récurrents est l’opposition entre ce qui peut être perçu comme une captation du panafricanisme par les États et les aspirations des peuples.
Mais, heureusement, il existe aussi des espaces transnationaux, de part et d’autre des frontières des pays, où les populations vivent une forme d’intégration africaine par les échanges commerciaux, la communauté culturelle ou encore les courants migratoires. C’est aussi ça le sens du panafricanisme.
Quel rôle a joué la Guinée dans le mouvement panafricain qui a suivi la proclamation des indépendances ?
La Guinée a joué un rôle très important dans le mouvement panafricain. Sékou Touré, aux côtés d’autres leaders africains, comme Kwame Nkrumah, Modibo Keïta, Gamal Abdel Nasser ou encore Haïlé Sélassié ont lutté pour l’indépendance de leur nation et pour que les États africains s’associent pour former une Afrique unie et plus forte dans les relations internationales.
Une étape importante de ce combat fut la création, dès novembre 1958, de l’Union Guinée-Ghana, alors pensée comme le noyau des États-Unis d’Afrique à venir. Malgré des rivalités et désaccords déjà marqués entre les pays africains, ces leaders vont parvenir à un compromis et aboutir à la création de l’Organisation de l’unité africaine en mai 1963, dont le premier secrétaire général est Boubacar Telli Diallo de 1964 à 1972. Ce dernier, fort de son expérience de représentant de la Guinée auprès des Nations unies, a joué un grand rôle pour bâtir l’administration de l’OUA et surmonter les crises politiques de l’époque, comme celle du Congo ou la guerre du Biafra.
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