Maroc : Fès l’Andalouse

La 19e édition du Festival de Fès des musiques sacrées du monde se tient du 7 au 15 juin. Le thème de 2013 : « Fès l’Andalouse »…

Détail de l’affiche de la 19e édition du Festival de Fès des musiques sacrées du monde. © DR

Détail de l’affiche de la 19e édition du Festival de Fès des musiques sacrées du monde. © DR

Publié le 8 juin 2013 Lecture : 3 minutes.

Septuagénaire à la pupille pétillante, le musicien égyptien Mohamed Salah Eldin est un habitué du Festival de Fès des musiques sacrées du monde. Est-ce la quatrième ou la cinquième fois qu’il y participe ? Deux fois sous le règne de Hassan II, trois fois sous celui de Mohamed VI, cette 19e édition qui se tient du 7 au 15 juin sera bien la cinquième. Légèrement boitillant, le joueur de qanun (cithare sur table) qui vient accompagner les chants de la marocaine Aïcha Redouane a beau être fatigué par le voyage de Paris à Casablanca, il se réjouit déjà de participer à ce « grand festival ».

« J’ai attendu trois heures debout à l’aéroport, et à mon âge, je ne suis pas sûr de pouvoir participer à la répétition prévue ce soir. Mais ce n’est pas grave, je suis content d’être là. » Arrivé en France tout jeune pour travailler dans un cabaret, Salah Eldin a parcouru le monde avec son instrument et c’est avec une verve gouailleuse qu’il raconte les anecdotes de ses voyages à Bakou, Genève ou Fès, comme sa vie en France et les longues nuit passées à jouer dans le cabaret Al Djazaïr, avant sa fermeture par les autorités.

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Aujourd’hui, dans la Mercedes noire qui le conduit de Casablanca à Fès, il ne boude pas le plaisir de rappeler qu’il a travaillé avec le réalisateur franco-tunisien Abdellatif Kéchiche sur son film La Graine et le mulet, un peu comme figurant mais surtout pour en composer la musique. Une répétition manquée ? Ce n’est pas grave, il a l’habitude d’accompagner les chants sacrés d’Aïcha Redouane et les réglages seront rapides.

Partage des cultures

A 20 heures, trop fatigué, Salah Eldin décide de s’accorder une longue nuit de repos. Une heure plus tard, sous les hauts murs de Bal Al Makina, commence la soirée inaugurale du Festival de Fès. La princesse Lalla Salma pour assister à la création L’amour est ma religion, « évocation poétique, chorégraphique et musicale de l’Andalousie ». Mis en scène par Andres Marin, le spectacle un peu laborieux rassemble plus d’une soixantaine de musicien dont Carmen Linares, Cherifa, Françoise Atlan, Baha Ronda, Abdallah Ouazzani… Au bout d’une heure, la brise glacée clairsème les rangs des spectateurs, mais l’esprit de Fès est là, celui d’un partage des cultures.

Le thème choisi cette année, Fès l’Andalouse, l’indique avec force, comme un pied de nez à tous les replis identitaires. « Nous avons voulu cette année célébrer, parmi les nombreuses dimensions de Fès, celle par laquelle se rassemblent toutes les autres dans une même ingénieuse alchimie, celle de la culture andalouse, écrit Mohamed Kabbaj, président de la Fondation Esprit de Fès. Pendant plus de huit siècles, celle-ci a su conjuguer culture amazigh, arabe, ibère, romaine et wisigothe, réunir dans un même creuset les cultures d’Orient et d’Occident, faire communier dans une même recherche de sens et de sagesse les différentes religions abrahamiques. »

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Têtes d’affiche

La programmation est à l’image de ce discours. S’ils peuvent s’acquitter de billets d’entrées dont les prix s’échelonnent entre 150 Dhs (14,5 euros) et 600 dhs (58 euros), les spectateurs pourront pendant quelque huit jours découvrir ou redécouvrir les mondes musicaux de l’Espagne, de la Mongolie, de la Sardaigne, de la Mauritanie, du Maroc, des Etats-Unis, de l’Inde, de l’Egypte, du Bouthan ou du Portugal. Si les têtes d’affiche comme le guitariste espagnol Paco de Lucia ou la chanteuse américaine Patti Smith n’ont plus vraiment besoin d’être présentées, le chant khyal (Pandit Shyam Sundar Goswani, Inde du Nord) ou les chants sacrés du Royaume du Bhoutan permettront sans doute pour beaucoup un voyage musical inédit.

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Mais le Festival ne se contente pas de flatter l’ouïe. Les plus intellectuels goûteront les discussions du Forum de Fès (Musée Batha) autour du thème provocateur « Nouvelles Andalousies : solutions locales pour un désordre global ». Les cinéphiles pourront assister à la projection de Looking for Muhyddin, de Nacer Khemir et du Premier homme, de Gianni Amelio, d’après le roman posthume d’Albert Camus. Quant aux amateurs d’art, ils visiteront l’exposition Rêves d’Andalousie des artistes marocains Meriem Mezian et Mohamed Krich. La mondialisation, parfois, a du bon.

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Par Nicolas Michel, envoyé spécial à Fès

Jeune Afrique est partenaire de la 19ème édition du Festival des musiques sacrées de Fès.
 

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