Nigeria : la déclaration de Berne accuse les négociants pétroliers suisses
L’ONG suisse la Déclaration de Berne vient de publier un rapport dans lequel elle accuse les négociants pétroliers suisses de contribuer à l’opacité qui mine l’industrie pétrolière au Nigeria.
Le gouvernement nigérian n’est pas seul à blâmer pour les difficultés que connaît le pays à échapper à la « malédiction des matières premières » et à assurer plus de transparence dans la gestion de ses ressources pétrolières. Selon un rapport de l’ONG suisse la Déclaration de Berne (DB), rendu public le 4 novembre 2013, les négociants pétroliers suisses présents dans le pays et les « importateurs » nigérians ayant une filiale en Suisse contribuent à l’opacité qui mine l’industrie pétrolière nigériane.
« Fraudes systématiques »
Au centre des accusations de DB se trouve la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC). À la compagnie pétrolière nationale du Nigeria et à ses filiales, l’ONG suisse reproche notamment de favoriser « des exportations de pétrole brut bien en-dessous du prix du marché » ainsi que « des fraudes systématiques aux subventions à l’importation de produits pétroliers raffinés ». Mais le réquisitoire de l’ONG contre les opérateurs suisses s’appuie sur leur forte présence dans l’exportation pétrolière au Nigeria et sur les enquêtes en cours, menées par la brigade nigériane en charge de la criminalité financière.
Entre 2009 et 2011, 6,8 milliards de dollars de subventions sur les importations pétrolières ont été indûment perçues.
Ainsi, selon les chiffres de l’organisation suisse, « à l’export, les principaux négociants helvétiques (…) ont raflé en 2011 pas moins de 36% des 223 millions de barils mis en vente par la NNPC ». Selon les calculs de l’ONG, en valeur « cela correspond à 8,731 milliards de dollars sur un total de 24,9 milliards. » Ajoutée aux sociétés nigérianes d’exportation de brut disposant d’une filiale suisse, la proportion d’exportations pétrolières nigérianes réalisée par des négociants liés à la Suisse atteint 56,22%, soit près de 14 milliards de dollars.
Paradis fiscaux
Si cette domination des entreprises helvétiques n’implique pas nécessairement une culpabilité, DB maintient que les sociétés genevoises Trafigura et Vitol, qui représentent respectivement 11,8% et 4,51% des exportations de pétrole brut au Nigeria (en valeur) « surclassent leurs concurrents grâce à des partenariats opaques établis dans les Bermudes avec la NNPC ». L’ONG dit avoir connaissance de cas attestant « de ventes réalisées à des prix inférieurs aux prix du marché entre la NNPC et ses deux partenaires helvétiques. »
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L’ONG met également en avant le rôle joué par des entreprises helvétiques dans les importations de produits pétroliers, massivement subventionnés par le Nigeria qui, bien qu’étant le premier producteur africain de pétrole brut, manque cruellement de raffineries.
DB s’appuie sur une enquête parlementaire nigériane qui, en 2012, a mis à jour de nombreuses fraudes dans le système d’importation de produits pétroliers au Nigeria, avec environ 6,8 milliards de dollars de subventions indûment perçues entre 2009 et 2011.
Dans le cadre des enquêtes menées sur cette affaire par l’Economic and Financial Crimes Commission (EFCC), la brigade nigériane en charge de la criminalité financière, les autorités nigérianes ont adressé une demande d’entraide judiciaire à la Suisse, rapporte DB, qui affirme, par ailleurs, que « au moins sept des ‘importateurs’ nigérians impliqués dans cette fraude sont dotés d’une filiale en Suisse ».
Solutions
Face à ce diagnostic accablant, le rapport de l’ONG suisse relève néanmoins quelques pistes de solution. Parmi ses recommandations, il convient de noter : la publication de tous les paiements faits par les négociants aux gouvernements, l’instauration d’un registre public des ayants droits économiques des sociétés et l’obligation, pour les sociétés suisses de négoce, de clarifier l’origine des matières premières qu’elles acquièrent.
Premier pas dans la direction du chemin indiqué par DB, le gouvernement britannique a annoncé le 31 octobre 2013 la publication imminente d’un registre des ayants droit économiques (« ultimate beneficial ownership »).
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