Nigeria : couvre-feu 24h/24 dans plusieurs quartiers de Maiduguri, fief de Boko Haram
L’armée nigériane a imposé samedi un couvre-feu total dans une partie de Maiduguri, capitale de l’Etat de Borno (nord-est) et fief des islamistes de Boko Haram, pour y mener des « opérations spéciales », signe d’une extension de l’offensive à une zone urbaine fortement peuplée
Mis à jour le 19/05/13 à 11h10
L’armée nigériane a imposé samedi un couvre-feu total dans une partie de Maiduguri, capitale de l’Etat de Borno (nord-est) et fief des islamistes de Boko Haram, pour y mener des "opérations spéciales", signe d’une extension de l’offensive à une zone urbaine fortement peuplée. "En vue de mener des opérations spéciales suite aux récentes attaques de Boko Haram, (un) couvre-feu est imposé 24h/24 dans les secteurs suivants" de Maiduguri, a annoncé l’armée dans un communiqué, citant 12 quartiers considérés comme des fiefs de l’organisation islamiste.
Le Nigeria mène depuis mercredi une offensive majeure contre le groupe islamiste, déployant plusieurs milliers de soldats dans les États de Borno, Yobe et Adamawa, dans le Nord-Est, où l’état d’urgence a été décrété pour reconquérir des zones passées sous contrôle des insurgés. Cette opération pourrait être la plus importante jamais menée contre le groupe islamiste et c’est la première fois que l’armée a recours à des frappes aériennes sur son propre sol depuis 25 ans.
L’armée avait annoncé vendredi avoir tué "plusieurs dizaines" d’insurgés et avoir détruit des camps de "terroristes" et "des armes lourdes, dont des canons antiaériens et antichar". Les combats, concentrés sur des zones faiblement peuplées jusqu’à présent, pourraient faire beaucoup plus de victimes s’ils s’étendent aux villes de la région.
Le général Chris Olukolade, porte-parole des armées, a annoncé samedi dans un communiqué la mort de "dix terroristes présumés" dans un quartier de Maiduguri et l’arrestation de 65 autres qui tentaient d’infiltrer la ville.
En 2009, des soldats avaient mené une vaste offensive à Maiduguri, tuant plus de 800 personnes, dont le chef charismatique de Boko Haram à l’époque, Mohamed Yusuf, et forçant les islamistes à cesser leurs activités pendant près d’une année.
Un hélicoptère militaire a été touché par les insurgés "mais il a pu rentrer à la base sans qu’il y ait de victimes", a déclaré samedi une source militaire sous couvert d’anonymat. Des habitants de Marte, un des districts contrôlés par Boko Haram, dans le nord de l’Etat de Borno, ont fui samedi en direction de la frontière camerounaise, effrayés par les bruits d’explosions.
"C’était effrayant ces trois derniers jours, les avions et les hélicoptères de combat n’ont pas cessé de sillonner le ciel et on entendait d’énormes explosions au loin", a rapporté Buba Yawuri, un habitant du village de Kwalaram, à Marte, qui a trouvé refuge dans la ville frontalière nigériane de Gomboru Ngala. "On nous a demandé de ne pas sortir, les combattants de Boko Haram étaient poursuivis par les soldats, nous n’avions ni eau, ni nourriture, je ne pouvais plus tenir", a-t-il raconté.
M. Yawuri a dû prendre la fuite en cachette, parce que "les soldats n’ont autorisé que les femmes et les enfants à partir". "On n’arrête pas d’accueillir des gens qui fuient les villages autour de Marte", a rapporté Shafi’u Breima, un habitant de Gomboru Ngala, où l’ambiance reste "tendue" également.
Le réseau de téléphonie mobile ne fonctionne pratiquement plus dans tout l’Etat de Borno, épicentre de l’insurrection islamiste, depuis l’instauration de l’état d’urgence. Les habitants de Gomboru Ngala peuvent cependant être joints de façon aléatoire via des lignes camerounaises.
Cette région a des frontières extrêmement poreuses, et les groupes criminels ainsi que les armes y circulent librement depuis des années. Les postes frontières jusqu’ici inoccupés "ont tous été pris en charge par des agents de la sécurité pour éviter la fuite ou l’infiltration d’insurgés", a déclaré l’armée dans un communiqué.
Dans un communiqué vendredi, le secrétaire d’Etat américain John Kerry s’est dit "profondément préoccupé par les combats dans le nord-est du Nigeria".
Tout en condamnant "dans les termes les plus forts la campagne de terreur de Boko Haram", les Etats-Unis sont également "profondément inquiets face à des allégations jugées crédibles selon lesquelles les forces de sécurité nigérianes violent les droits de l’homme".
L’armée nigériane a été accusée de violations des droits de l’homme pendant les campagnes de répression menées contre Boko Haram, à tel point qu’elle pourrait être condamnée pour crimes contre l’humanité, selon Human Rights Watch (HRW). Certains craignent que, malgré son ampleur, l’opération en cours échoue à enrayer l’insurrection islamiste.
"Je ne crois pas qu’on puisse venir à bout de Boko Haram avec un coup de force", estime Marc-Antoine Pérouse de Montclos, spécialiste du Nigeria à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) à Paris. L’offensive militaire de 2009 à Maiduguri avait empiré les choses en transformant la secte en organisation terroriste, selon M. de Montclos. "Il y a donc de quoi être sceptique".
"Cette opération peut être un tournant majeur s’il y a des négociations derrière" mais, pense-t-il, il n’y a pas de réelle volonté de l’État de négocier avec ses "fantômes", tels que le président Goodluck Jonathan a qualifié les insurgés islamistes lors de sa visite à Maiduguri récemment.
L’insurrection de Boko Haram et sa répression par les forces de l’ordre nigérianes ont fait environ 3.600 morts depuis 2009 selon HRW.
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