En Guinée, purge dans les services de sécurité et de prison

Une soixantaine de militaires et de membres du personnel pénitentiaire ont été radiés à la suite de la tentative d’évasion, samedi 4 novembre, de l’ex-président Moussa Dadis Camara et de plusieurs de ses co-détenus.

Le capitaine Moussa Dadis Camara, ancien chef de la junte à l’époque du massacre du 28 septembre 2009. © SEYLLOU/DIALLO/AFP

Publié le 6 novembre 2023 Lecture : 3 minutes.

Le raid qui a réveillé le centre de Conakry samedi matin et fait provisoirement sortir de prison Moussa Dadis Camara et trois de ses co-détenus n’a pas seulement coûté la vie à 9 personnes, selon un bilan provisoire communiqué lundi par le parquet général. Il a obligé les autorités installées par les militaires à multiplier les assurances qu’elles maîtrisaient la situation.

« Dieu merci, le chaos que les esprits maléfiques [voulaient] provoquer suite à cet évènement, ce chaos a été stoppé », a dit dimanche le Premier ministre, Bernard Goumou. Il a appelé la population à « rester au calme, [à] garder la sérénité ».

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Paralysées pendant le week-end, les activités ont repris à Kaloum, quartier du pouvoir et des affaires où se trouve la prison centrale. Mais les forces de sécurité filtraient minutieusement les entrées par la route, à la recherche d’armes ou du dernier prisonnier encore dans la nature, le colonel Claude Pivi, ont rapporté des témoins.

Un enlèvement « difficile à expliquer »

Samedi, des hommes lourdement armés ont extrait de la prison centrale Moussa Dadis Camara et trois autres prisonniers, actuellement jugés pour le massacre du 28 septembre 2009. Trois d’entre eux, dont le capitaine Dadis Camara, ont été repris le jour même. Son avocat, Me Jean-Baptiste Jocamey Haba, a assuré qu’il avait été « enlevé », ce que soutiennent aussi les conseils des autres détenus.

Les autorités, elles, préfèrent parler d’évasion. Le porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, a affirmé sur RFI qu’un enlèvement paraissait « difficile à expliquer ».

Un quatrième homme, Claude Pivi, est toujours en fuite. Le colonel Pivi était l’un des hommes forts de la junte qui a dirigé la Guinée entre 2008 et 2009 sous Dadis Camara, dont il fut ministre. Il compte, comme les trois autres prisonniers, parmi les principaux accusés du procès du massacre de 2009.

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Les autorités ont présenté son fils, ancien militaire radié, comme celui qui a dirigé l’opération de samedi. L’avocat de la famille, Me Fodé Kaba Chérif, a démenti son implication. Lui aussi a parlé d’enlèvement et affirmé à la radio qu’il avait réussi à échanger à deux reprises avec Claude Pivi par téléphone avant de perdre le contact, et qu’il l’avait trouvé « apeuré ».

Le raid a causé la mort de trois assaillants présumés, de quatre membres des forces de sécurité, mais aussi de deux occupants d’une ambulance, selon le parquet général. Un responsable de l’hôpital Ignace-Deen, qui a préféré garder l’anonymat, a identifié l’un des civils tués comme une fillette de 6 ans. Elle se trouvait dans une ambulance avec un accidenté, sa famille et un médecin quand elle a été atteinte par les échanges de tirs nourris à l’arme automatique.

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Procès historique

Le porte-parole du gouvernement a reconnu que « le commando [avait] pu entrer [dans la prison] parce que des agents postés sur place les ont laissés entrer ». Il a invoqué l’implication de Bérets rouges du Bataillon autonome des troupes aéroportées (Bata) en faction, de membres de la Garde républicaine, de gendarmes et de gardiens.

Les autorités ont radié des effectifs 58 officiers, soldats et agents des services de prison pour « faute lourde » ou « manquement au service », selon une liste lue in extenso dimanche soir par la télévision d’État. Le colonel Pivi, mais aussi le colonel Moussa Tiegboro Camara et le colonel Blaise Goumou, également sortis de prison temporairement samedi, ont aussi été radiés pour « inconduite ».  Le capitaine Dadis Camara avait déjà démissionné de l’armée.

Lui et dix anciens responsables répondent depuis septembre 2022 devant un tribunal d’une litanie de meurtres, actes de torture, viols et autres enlèvements commis le 28 septembre 2009 et les jours suivants par les forces de sécurité dans un stade de la banlieue de Conakry, où s’étaient réunis des dizaines de milliers de sympathisants de l’opposition. Au moins 156 personnes ont été tuées et des centaines blessées, et au moins 109 femmes violées, selon le rapport d’une commission d’enquête mandatée par l’ONU.

Les évènements de samedi ont fait craindre pour la poursuite de ce procès historique, attendu pendant des années par les victimes et très suivi depuis son ouverture. Le ministre de la Justice, Alphonse Charles Wright, a assuré que « le procès se déroulera normalement ». Il devait reprendre lundi, mais a été ajourné en raison d’une grève du barreau, sans lien avec les évènements récents.

(Avec AFP)

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