Afrique : la production de manioc menacée par le virus de la « striure brune »

Le manioc, qui nourrit 500 millions de personnes dans le monde, est attaqué en Afrique par un virus en expansion d’Est en ouest à travers le continent. Un congrès de scientifiques et de donateurs réuni cette semaine en Italie va tenter de leur déclarer une guerre totale.

Des racines de Manioc au Nigeria. © Pius Utomi Ekpei/AFP

Des racines de Manioc au Nigeria. © Pius Utomi Ekpei/AFP

Publié le 7 mai 2013 Lecture : 3 minutes.

L’ennemi, la striure brune du manioc (CBSD en anglais, pour Cassava Brown Streak disease), est sournois car à peine visible des fermiers: "Les feuilles paraissent saines mais les racines (la partie comestible) sont noires, nécrosées, rendant la plante impropre à la consommation, même animale" explique le chercheur Claude Fauquet à l’AFP.

Basé à Saint-Louis (Etats-Unis) pour le Centre international d’agriculture tropicale (CIAT), ce Français est l’un des fondateurs du Partenariat mondial du manioc pour le 21e siècle (GCP21), qui rassemble une trentaine de spécialistes.

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"Peut-on éradiquer les maladies virales du manioc en Afrique comme on l’a fait pour la polio et si oui, comment? Personne n’a jamais essayé", lance-t-il à la veille de la réunion annuelle du groupe sur les rives du lac de Côme à Bellagio.

Progression vers l’Ouest

Dévastatrice pour la récolte, la striure brune, disparue depuis 1935, est réapparue il y a une dizaine d’années en Afrique de l’Est. Depuis, elle progresse vers l’ouest du continent: après la Tanzanie, le Kenya, le Mozambique, ses premiers foyers, elle a été signalée en République démocratique du Congo (3e producteur mondial) et en Angola.

Simultanément et c’est nouveau, elle migre vers les hauteurs, à près de 1.000 m d’altitude en Ouganda, Malawi, Rwanda et Burundi. La crainte est que le virus contamine le Nigeria, le pays le plus peuplé du continent qui produit déjà 10 millions de tonnes et vise un développement industriel fondé sur l’amidon de manioc, comme en Thaïlande où cette activité fait déjà vivre de très nombreux petits producteurs.

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Alors que le manioc est produit dans 105 pays du monde, seule l’Afrique, où la plante constitue la première source de calories pour 300 millions d’individus, est touchée.
Les paysans contribuent malgré eux à essaimer le virus en replantant et échangeant des boutures malades, note le chercheur: "Techniquement et scientifiquement on sait ce qu’il faut faire, la question c’est de mettre les moyens, financiers et logistiques", affirme Claude Fauquet.

Il plaide pour un réseau de distribution de matériels sains, garantis sans virus, comme la France ou l’Amérique du Nord l’ont fait avec la pomme de terre. "En Afrique, on a toujours estimé que c’était trop compliqué, trop cher. Mais maintenant on a des maladies capables d’éradiquer toute une culture", insiste-t-il.

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La FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation qui sera présente à Bellagio, se mobilise également avec un plan stratégique de cinq ans (2010-2015) pour lutter contre les maladies du manioc, qu’elle voit comme une "menace majeure pour la sécurité alimentaire".

Autres fléaux

D’autant que d’autres fléaux frappent, tel le virus de la mosaïque du manioc (CMD en anglais), qui prive chaque année le continent de quelque 50 tonnes de récoltes. Le virus se répand en souches de plus en plus résistantes, à travers l’Afrique de l’Est et centrale.

Le CMD, apparu d’abord en Inde, est véhiculé par des mouches blanches (Bemisia Tabaci) qui prolifèrent depuis une vingtaine d’années. "Tout récemment, note M. Fauquet, on a noté une nouvelle apparition de ces mouches en Zambie, donc vers l’Afrique australe, et aussi au Cameroun".

A Bellagio, les chercheurs et des représentants des grands organismes donateurs (Banque Mondiale, USaid, Fondation Bill Gates) doivent essayer de coordonner davantage leurs programmes et activités de recherches, espère-t-il. "L’objectif est de recueillir le consensus de tous. On peut commencer avec un plan pilote sur deux ou trois pays et l’étendre progressivement".

Mais avec une situation aimentaire déjà tendue, le pic démographique attendu en Afrique d’ici 2050 et les impacts du changement climatique, "inutile d’en rajouter" juge-t-il.

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