L’Algérie relance son mégaprojet du Barrage vert

El Maalba, petite localité rurale perdue dans les vastes steppes de Djelfa, à 1170 mètres d’altitude. C’est ici que le président Tebboune, est venu planter un arbre le 29 octobre, relançant ainsi symboliquement le projet du Barrage vert.

Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, donne le coup d’envoi du projet de Barrage vert à Djelfa, 29 octobre 2023. © APS

Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, donne le coup d’envoi du projet de Barrage vert à Djelfa, 29 octobre 2023. © APS

Publié le 8 novembre 2023 Lecture : 5 minutes.

Décrit comme un mégaprojet écologique et agro-économique, le Barrage vert a été lancé en juin 1970, sous le règne du président Houari Boumediene qui a mis à contribution les soldats de l’armée pour reboiser des kilomètres de steppe et de désert. L’idée était de reboiser un couloir d’une largeur de 20 kilomètres sur une longueur de 1 500 kilomètres pour servir d’obstacle à l’avancée du désert. Pendant des années, des millions d’arbres ont été plantés, mais devant l’ampleur et la difficulté de la tâche, le projet a été peu à peu abandonné et relégué aux oubliettes.

« En ce temps-là, le concept de changement ou de réchauffement climatique n’existait pas encore dans le glossaire des techniciens spécialistes et des médias. Pionnier de la lutte contre la désertification, l’Algérie a, en quelque sorte, anticipé la situation en lançant ce projet », soutient Amar Naït Messaoud, expert forestier et chef de projet du Barrage vert dans la région de Bouira.

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« L’initiative algérienne a également inspiré l’idée de la Grande muraille verte africaine, initiée depuis quelques années dans la zone sahélienne sur 7 800 kilomètres, de Djibouti jusqu’à Dakar », dit-il encore faisant référence à cette initiative de l’Union africaine pour lutter contre les effets du réchauffement climatique et de la désertification dont l’objectif était de transformer la vie de millions de personnes en créant une mosaïque d’écosystèmes verts et productifs à travers onze pays allant du Sénégal à Djibouti.

Désertification rampante

En ressuscitant, en juin dernier, ce « projet du siècle », les autorités algériennes ont donc lancé un plan national pour la réhabilitation, l’extension et le développement du Barrage, placé sous la responsabilité de la direction générale des Forêts, et mis en place un Comité scientifique et technique chargé de piloter la lutte contre la désertification. « Sur le tracé initial, les images satellites donnent à voir des portions réussies et d’autres complètement dégarnies », analysait Saliha Fortas, l’ancienne directrice de la lutte contre la désertification au niveau de la DGF et du Barrage vert au micro de la télévision nationale algérienne.

Pour Amar Naït Messaoud, derrière cette désertification rampante qui préoccupe autant les scientifiques que les politiques, il y a le lent et inexorable processus de dégradation de la steppe dû à des facteurs liés à l’activité humaine comme le pastoralisme en élevage extensif et les mauvaises pratiques agricoles (céréaliculture steppique) sources importantes d’érosion.

« Ces phénomènes, combinés à la baisse de la pluviométrie, aboutissent à l’amenuisement du couvert végétal, à l’altération de la fertilité des sols et à leur érosion par la pluie et le vent. C’est cela la désertification », explique l’expert forestier selon lequel ce processus était déjà à l’œuvre depuis plusieurs décennies, principalement entre l’Atlas saharien et les derniers contreforts de l’Atlas tellien. Pour L’Algérie, le nouveau défi à relever donc à éviter à tout prix que la désertification ne s’étende à l’Atlas tellien et à aux zones côtières.

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C’est donc ce couloir steppique et pastoral qui court de Naama à Tebessa sur près de 1 500 kilomètres, soit une superficie globale de plus de trois millions d’hectares, qui a été choisi pour implanter le Barrage vert. Seulement, sur ces vastes territoires vivent plus de 7 millions d’habitants et pas moins de 25 millions de moutons qu’il faudra intégrer au sein de ce grand projet tout aussi écologique qu’économique. L’idée est donc de créer des concessions centrées sur l’arboriculture, l’apiculture, le tourisme et de l’artisanat.

Trois types de plantations

Les scientifiques ont préconisé la plantation de trois catégories de végétaux : forestières, pastorales et fruitières. Les espèces forestières serviront aux reboisements et donc à la fixation des berges des cours d’eau et les versants des montages. Les espèces pastorales iront complémenter en fourrage le cheptel, principalement ovin ; quant aux espèces fruitières, choisies pour leur rusticité, comme le cactus, le pistachier, l’olivier, l’amandier ou encore le caroubier, elles fourniront de précieux fruits, tout en résistant, espère-t-on, au climat steppique et à la sécheresse qui frappe le territoire algérien.

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Dans l’immédiat, la première phase de relance de ce projet du siècle vise à porter sa superficie de 3,7 à 4,7 millions d’hectares dans les zones steppiques et, ce, à travers 13 wilayas, 183 communes et 1 200 localités. Une superficie d’un million d’hectares sera donc reboisée.

Dans sa nouvelle approche, la concrétisation du projet de Barrage vert est assurée par les conservations des forêts, les directions des services agricoles des 13 wilayas concernées ainsi que le Haut commissariat au développement de la steppe (HCDS). Une première tranche de 10 milliards de dinars (environ 70 millions d’euros) a été dégagée pour le plan d’action à l’horizon 2030.

« Nous allons passer d’un ouvrage forestier à un programme de développement local. Avant, on plantait principalement du pin d’Alep. Aujourd’hui, nous plantons des espèces qui résistent mieux à la chaleur et à la sécheresse et qui ont une forte valeur économique ajoutée comme l’olivier, le caroubier et le pistachier dont les fruits nourrissent tant les hommes que les bêtes. Et, en plus, ce sont les essences plus adaptées aux changements climatiques », assure un responsable de la direction des forêts de Djelfa, joint par téléphone.

Amélioration des conditions de vie

« Avec le cumul de sécheresse des quatre dernières années, nous vivons aussi la contrainte de l’acheminement de l’eau sur les chantiers de plantation, aussi bien pour le premier arrosage, lors de la mise en terre, que pour les arrosages d’entretien en période estivale », remarque Amar Naït Messaoud, soulignant l’un des défis auxquels une entreprise telle que le Barrage vert sera constamment confronté.

Pour cet expert qui a passé toute sa carrière à protéger le patrimoine forestier contre les hommes, les moutons et l’avancée du désert, les investissements de l’État destinés à la lutte contre la désertification ont le mérite de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations locales par la création d’emplois, de revenus et de services. « Des associations et des collectifs s’intéressent de près au potentiel d’un tel projet en matière d’écotourisme, de tourisme rural et de camping », note-t-il, avant d’ajouter qu’il verrait bien le Barrage vert stimuler « la création de micro-entreprises et de startups destinées à exploiter et traiter les plantes médicinales et aromatiques, à transformer et à valoriser les produits du terroir comme la laine, les fruits, l’alfa ou le sparte ».

« Ce projet à cheval sur deux siècles est porté par plusieurs générations. Il a commencé par les efforts de ses premiers initiateurs et des soldats de l’Armée nationale populaire et il se poursuit, aujourd’hui, avec les scientifiques au moment ou les changements climatiques nous posent de nouveaux défis », conclut, avec un certain sens de la formule, le chef de projet.

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