Ibrahim Traoré, nouveau Salvador Allende du Burkina Faso
À Ouagadougou, où chacun revendique des lauriers révolutionnaires, le Premier ministre en appelle à la mémoire d’un martyr chilien démocrate.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 7 novembre 2023 Lecture : 2 minutes.
En juillet 2022, l’ambassadeur de France au Burkina Faso, Luc Hallade, avait été prié de plier bagages, pour avoir évoqué – en une outrance malhabile – une présumée « guerre civile », dans un pays alors coupé en deux. L’ancienne Haute Volta serait-elle aujourd’hui coupée en trois ?
Front anti-IB
Des enrôlements jugés « discriminatoires » et « punitifs » par la société civile esquissent un front qui ressemble à s’y méprendre à celui qui chassa Blaise Compaoré du pouvoir, lors de l’insurrection populaire d’octobre 2014. Une coalition encore balbutiante constituée d’organisations de la société civile, de représentants des médias, de regroupements étudiants et même de syndicats qui, s’ils furent timorés en 2014, revendiquent la paternité de l’ancêtre de l’insurrection populaire : le « soulèvement populaire » qui fit chuter le chef de l’État voltaïque, Maurice Yaméogo, le 3 janvier 1966.
Étrange face-à-face que celui qui oppose les insurrectionnels de 2014, aux relents marxistes sankaristes, et la junte qui convoque inlassablement la mémoire de Thomas Sankara dans l’espace public. S’il serait naïf de considérer que les enjeux de ce bras de fer ne sont que d’ordre idéologique, le Premier ministre civil du Burkina Faso a tout de même tenu à dérouler une pensée intellectuelle censée habiller les ordres de réquisition militaire.
Ce lundi 5 novembre, à la faveur de la cérémonie de montée des couleurs nationales à la primature, Apollinaire Kyélem de Tambèla a tenté de désenfler la légitimité des syndicats. Pour le chef du gouvernement, ces acteurs relèveraient aujourd’hui d’une nomenklatura au « langage pseudo-révolutionnaire » et complice, pour certains de ses membres, des « valets locaux » de « l’impérialisme ».
Allende ou Pinochet ?
Rhéteur fameux, depuis les plateaux de télé qui bâtirent sa notoriété médiatique, le Premier ministre burkinabè a invoqué le mal qu’un syndicat des camionneurs aurait fait au Chili des années 1970. C’est une grève illimitée de cette organisation qui aurait « abouti à l’assassinat du président Allende » – il s’est en réalité suicidé – et à la mise en place du régime de triste mémoire du général Pinochet. Événement connu pour être « l’autre 11-septembre », celui de 1973.
Voilà donc une démonstration à l’architecture coquasse, où le renversement honni d’un président civil élu – Salvador Allende – par un putschiste militaire – Augusto Pinochet – est censé nourrir le renversement d’un président civil élu – Roch Marc Christian Kaboré – par des putschistes militaires. Le Faso promet de belles semaines de joutes intellectuelles.
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