Côte d’Ivoire : d’ex-chefs de guerre accusés par l’ONU de pillages
D’anciens chefs rebelles, désormais cadres de l’armée ivoirienne, poursuivent le pillage du cacao et d’autres ressources du pays, qui leur rapporte des centaines de millions de dollars, dénonce dimanche un rapport d’experts des Nations unies.
"Les commandants ("com-zone") des Forces nouvelles – rébellion qui contrôlait le nord du pays depuis 2002 – ayant choisi le camp du président Alassane Ouattarra contre son rival, l’ex-président Laurent Gbagbo, dans l’affrontement post-électoral de 2010-2011 forment "un réseau militaro-économique" tirant profit de la contrebande et d’un système de taxation parallèle, selon le rapport au Conseil de sécurité des experts chargés de vérifier l’application de l’embargo sur les armes à destination de la Côte d’Ivoire.
Ces chefs militaires ont été intégrés dans l’armée régulière "sans que les commandants aient abandonné leur activités économiques prédatrices sur le mode de chefs de guerre, qu’ils ont aujourd’hui étendues à l’ensemble du territoire ivoirien", selon le texte. La Côte d’Ivoire est le premier exportateur mondial de cacao mais, pendant la saison 2011-2012, la contrebande a concerné 153.000 tonnes sur un total de 1,47 million de tonnes, essentiellement via le Ghana, précise le rapport citant des chiffres gouvernementaux. La perte a été estimée à 400 millions de dollars, ajoutent les experts.
Autre exemple cité: un tiers de la production nationale de 450.000 tonnes de noix de cajou a également été victime de la contrebande. Le document chiffre le manque à gagner à quelque 130 millions de dollars pour le deuxième producteur mondial de noix de cajou. Les experts dont le mandat a été renouvelé par le Conseil de sécurité la semaine dernière font également part de leurs soupçons concernant le commerce de l’or, des diamants, du coton, du bois et d’autres ressources.
Équilibre précaire
Ils notent aussi que l’équilibre du pouvoir et la sécurité restent "précaires" en Cote d’Ivoire où le président Gbagbo a été chassé par la force en avril 2011 avec le soutien des forces françaises et de l’ONU après plusieurs mois de refus de quitter le pouvoir malgré sa défaite à l’élection de novembre 2010. Il est aujourd’hui détenu par la Cour pénale internationale (CPI) qui le soupçonne d’être coauteur de crimes contre l’humanité lors des troubles qui ont fait quelque 3.000 morts.
Alors que l’économie ivoirienne a rebondi en 2012, "les réseaux politiques et économiques liés aux combattants des ex Forces nouvelles se sont renforcés" avec l’intégration dans l’armée ivoirienne d’anciens commandants au lourd passif, affirme le rapport. Il cite notamment la nomination à "des postes de commandement stratégiques" de gens comme Martin Kouakou Fofié (déjà sous sanctions de l’ONU), Issiaka Ouattara (alias "Wattao"), Hervé Touré ("Vetcho"), Zakaria Koné et Cherif Ousmane. Tous disposent d’importantes quantités d’armes, ajoutent les experts.
Malgré l’embargo sur les armes, les experts de l’ONU "ne peuvent pas exclure la possibilité" que ces commandants continuent de chercher à acquérir des armes et autres matériels. Selon des informations qu’ils citent, des armes sont entrées en Côte d’Ivoire par le Mali et le Niger voisins.Les experts de l’ONU notent que pendant que les ex-Forces nouvelles dominent l’armée ivoirienne, des mercenaires libériens et des militants pro-Gbagbo actifs au Ghana "continuent de représenter une menace pour la sécurité".
Une série d’attaques meurtrières de groupes armés avait visé au second semestre 2012 les forces de sécurité et des sites sensibles, attribuées par le pouvoir à des pro-Gbagbo notamment basés au Ghana. "L’aile extrémiste pro-Gbagbo est une structure politique et militaire qui reçoit le soutien financier d’anciens représentants du régime Gbagbo et dont l’objectif est un changement de gouvernement par des actions violentes en vue de regagner le pouvoir et l’influence" perdus , ajoutent-ils.
Les experts disent enquêter sur des "connections entre les partisans de l’ancien régime et le financement d’actes d’insurrection grâce aux bénéfices de ventes de diamants et d’or". Ils appellent le gouvernement à "démanteler immédiatement le réseau militaro-économique, combattre tous types d’imposition illégale et de renforce la sécurité intérieure pour éviter le racket, les vols et le pillage de la part de groupes armés illégaux". Le gouvernement doit notamment lutter contre la contrebande à grande échelle transitant par le Ghana.
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