Comment est né le « soutien inconditionnel » américain à Israël ?

Depuis le 7 octobre et le lancement de l’offensive du Hamas sur Israël, la communauté internationale se divise entre les partisans de l’un ou l’autre camp. Un classique, surtout de la part des grandes puissances qui ont toujours entretenu un rapport particulier avec le conflit israélo-arabe.

Le président des États-Unis, Harry Truman (gauche) rencontre le Premier ministre israélien David Ben Gourion à la Maison Blanche à Washington, le 8 mai 1951. © Leemage via AFP

Le président des États-Unis, Harry Truman (gauche) rencontre le Premier ministre israélien David Ben Gourion à la Maison Blanche à Washington, le 8 mai 1951. © Leemage via AFP

Publié le 14 novembre 2023 Lecture : 6 minutes.

Le soutien de Washington à l’État hébreu ne s’est jamais démenti. Et ce, jusqu’à aujourd’hui : n’a-t-on pas vu, une semaine après le début des hostilités lancées le 7 octobre dernier par le Hamas, un second porte-avion américain, l’USS Dwight Eisenhower, venu prêter main forte à un premier porte-avion de la 6e flotte déjà sur place ? Un dispositif naval visant clairement à créer un bouclier défensif-offensif autour d’Israël et à mettre en garde tout agresseur potentiel, du Hezbollah aux mollahs iraniens.

À quand remonte ce soutien indéfectible ?

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Bien avant 1948 et la naissance d’Israël, l’Angleterre, puissance mandataire, a cherché à impliquer l’ONU dans le règlement du conflit judéo-palestinien. Jusqu’à l’obtention d’un plan de partition en deux États adopté par l’Assemblée générale. « Dès l’abord, souligne l’historien André Chouraqui, les États-Unis et l’URSS manifestèrent leur accord sur l’adoption du plan de partage avec union économique. Cette convergence exceptionnelle dans l’histoire de l’ONU devait entraîner l’adhésion des hésitants. » Les deux superpuissance épaulent alors la création d’un État juif.

Reconnaissance de facto

L’appui de Washington à Israël se manifeste dès la nuit du 14 au 15 mai 1948. L’anecdote veut que le président américain Harry Truman aurait reconnu l’État hébreu dix minutes après la déclaration de Ben Gourion annonçant sa création. Historiens et politologues se sont longuement interrogés sur les raisons de ce geste. Ils en ont identifié trois. La première est historique, voire biblique. Les fondamentalistes protestants américains, des évangélistes aux mormons en passant par les quakers, affichent un lien particulier à la cause sioniste. Seule la reconstruction d’un État juif en Palestine, pensent-ils, permettra le retour du Christ sur terre, d’où l’attachement à Israël.

Cette religiosité traverse le champ politique de part en part, et Harry Truman, croyant et pratiquant, n’y échappe pas. En ballotage à l’élection présidentielle face au Républicain Dewey, Truman fait la chasse aux voix : celles des juifs et des protestants sont les bienvenues. Troisième raison, et non des moindres, le contexte international. Nous sommes à l’aube de la Guerre froide et Truman vient d’avancer sa théorie de l’endiguement visant à contenir l’expansion soviétique dans le monde.

Les relations entre Washington et Tel-Aviv varieront au gré des présidents qui se succèdent à la Maison Blanche et de la situation internationale, mais resteront placées sous le signe de la solidarité. Malgré la reconnaissance de Truman, Washington ne livrera pas d’armes à l’État Hébreu avant les années 60. L’explication est à chercher certainement du côté du pacte du Quincy, signé le 14 février 1945 entre le président Roosevelt et le roi Ibn Saoud d’Arabie Saoudite. L’accord se résume à un libre accès de l’Aramco (Arabian American Oil Company) au pétrole saoudien en échange d’une protection militaire américaine du jeune royaume arabe.

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C’est avec l’avènement de John Fitzgerald Kennedy, en 1960, que la donne change du tout au tout. Le jeune président autorise la vente d’armes (missiles Hawk, notamment) à Tel-Aviv, et l’assure de son assistance en cas d’invasion. L’année 1967 – et la Guerre des Six jours – est le point de basculement définitif. Israël s’érige comme l’unique puissance régionale à même de défendre les intérêts de l’Occident au Proche-Orient. Dès lors, elle servira de tête de pont à l’interventionnisme américain.

Lune de miel précoce avec Moscou

Autre acteur, et de taille, dans le jeu : l’URSS. Sa politique pro-arabe – et particulièrement pro-syrienne – depuis le début de la Guerre froide occulte le fait que Moscou s’est aussi engagé activement pour l’État hébreu, de 1947 à 1951. Un bref intermède mais qui mérite d’être évoqué. À l’instar des États-Unis, l’URSS se prononce pour la création d’un État hébreu aux côtés d’un État palestinien. Moscou reconnaît d’ailleurs Israël trois jours après sa création.

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Contrairement aux Américains, le Kremlin ne lésine pas sur les livraisons d’armes (fusils, mortiers etc.) par le biais de pays tiers tels la Tchécoslovaquie. Plusieurs avions de combat de fabrication allemande, des Messerschmitt, lui sont également livrés. C’est dire le soutien appuyé de Staline à Tel-Aviv contre les Arabes.

La lune de miel israélo-soviétique ne dure qu’un temps pour deux raisons. La première est une question d’immigration. Golda Meir, future Première ministre d’Israël et première ambassadrice de la jeune nation en Union soviétique, soulève la question qui fâche : celle du départ des juifs soviétiques. Inaudible pour Moscou. Seconde explication : les choix géostratégiques de Ben Gourion. En 1950, quand éclate la Guerre de Corée, le premier chef de l’État israélien opte pour l’Ouest au détriment de l’Est. Il offre à Washington une infrastructure militaire. Ire de Staline et fin de la bonne entente israélo-russe. Le positionnement diplomatique d’Israël, dans le contexte bipolaire de la Guerre froide, met un caillou dans la chaussure géopolitique de l’URSS. D’où le tournant stratégique de Moscou vers la Syrie.

Égyptiens et Syriens seront armés par les Soviétiques lors de la guerre du Kippour. Aujourd’hui encore, la Syrie continue à être équipée et soutenue plus ou moins discrètement par la Russie. Autre sujet de discorde, plus récent : les forts soupçons d’assistance russe aux efforts de nucléarisation de l’Iran. Là encore Tel-Aviv voit rouge et ne se prive pas de le signifier à Vladimir Poutine.

Israël, un atout de l’Occident en Orient

Dès lors, l’engagement réciproque entre l’État hébreu et l’Amérique ne va plus se démentir. En 1958, le Premier ministre israélien Moshe Dayan propose au président américain Eisenhower un plan regroupant Israël, la Turquie, l’Iran et l’Éthiopie dans une alliance pour contrebalancer l’influence de Moscou dans la région. Toujours dans cette dialectique bipolaire, Israël réussit un coup de maître en parvenant, en 1969, à démonter et à subtiliser tout un dispositif de radar soviétique P-12 égyptien pour le transmettre aux Américains.

En retour, l’assistance à la fois militaire, financière et économique américaine à l’État d’Israël ne sera jamais démentie. On a encore vu, lors d’une allocution le 20 octobre 2023 en prime time, l’actuel locataire de la Maison Blanche plaider pour une rallonge de 10 milliards de dollars d’aide à l’État hébreu. Si le timing et la forme visent aussi à faire la démonstration de l’hyperpuissance américaine, dans les faits l’annonce n’a rien de bien particulier. L’engagement financier de l’Amérique date des débuts de la Guerre froide, et chaque année Tel-Aviv reçoit plus d’un milliard de dollars d’ESF (Economic Support Fund) et 1,8 milliard de FMF (Foreign Military Financing).

L’année 1979 a encore renforcé la position d’Israël sur l’échiquier géostratégique des États-Unis. Double raison à cela. L’invasion de l’Afghanistan par l’Armée rouge et l’arrivée au pouvoir en Iran de l’ayatollah Khomeini, accompagnée de la longue prise d’otage du personnel de l’ambassade américaine à Téhéran : tout cela redessine brutalement la carte géopolitique du Moyen-Orient. Israël est plus que jamais un appui fiable dont la position géographique est un atout majeur. L’acmé de l’alliance américano-israélienne se déroule certainement dans les années 1980 avec l’administration Reagan, alors que la Guerre froide entre dans sa dernière ligne droite.

La fin de la décennie coïncide avec l’effondrement du bloc soviétique. Des deux superpuissances régnant sur les destinées de la planète depuis 1945, une seule émergera, les États-Unis. C’est dans ce contexte qu’ils parviennent à forcer la main d’Israël et obtiennent des pourparlers de paix avec les Palestiniens. Sans renier pour autant son engagement à garantir la sécurité intégrale de l’État hébreu. En atteste le déploiement, en 2010, du Dôme de fer, ce système d’interception des roquettes et autres obus du Hamas ou du Hezbollah, lancés sur Israël. Ou encore, dans le domaine diplomatique, l’incroyable initiative prise par Donald Trump, lorsqu’il a reconnu en décembre 2017 Jérusalem comme capitale d’Israël. Un pas qu’aucun président américain avant lui n’aurait osé franchir, et qui laisse aujourd’hui l’administration Biden profondément embarrassée.

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