Au Liberia, George Weah joue un match serré pour rester président
L’ancienne gloire du foot George Weah, élu à la tête du Liberia en 2017, dispute une partie annoncée serrée contre le vétéran de la politique Joseph Boakai au second tour d’une présidentielle, mardi 14 novembre, dont le déroulement pacifique est un des grands enjeux.
Les deux candidats, déjà opposés en 2017 quand George Weah l’avait emporté avec plus de 61% des voix, sont arrivés au coude à coude au premier tour le 10 octobre avec un peu plus de 43%. Le président sortant a devancé Joseph Bokai de 7 126 voix sur un peu moins de deux millions de suffrages.
Les Libériens sont appelés mardi entre 8H00 et 18H00 (locales et GMT) à choisir entre un président sortant qui, à 57 ans, reste populaire chez les jeunes mais doit défendre un bilan critiqué, et un vieux routier qui fut de 2006 à 2018 le vice-président d’Ellen Johnson Sirleaf, première femme élue cheffe d’État en Afrique, et a occupé une multitude de postes au sein de l’État ou de l’industrie pétrolière, mais dont l’âge (78 ans) est considéré comme un handicap.
La commission électorale a 15 jours pour publier les résultats, mais l’affaire pourrait prendre moins de temps, dit un de ses responsables, Samuel Cole.
Élection indécise
Les analystes prédisent une élection indécise. L’entre-deux-tours, plutôt tranquille, a surtout consisté pour les deux camps à obtenir les ralliements, à commencer par les électeurs des 18 autres candidats du 10 octobre, dont aucun n’a atteint 3%. « Aucun candidat ou parti d’opposition n’avait jamais obtenu 40% aux (premiers tours des) trois élections passées », dit le directeur pour le Liberia d’Accountability Lab, un réseau pour la bonne gouvernance. « Le 10 octobre, on a eu 43 à 43, donc ça va être serré », dit Lawrence Yealue.
George Weah conserve son aura d’unique Africain désigné Ballon d’or, la plus prestigieuse récompense individuelle du foot. L’ancien gamin des bidonvilles de Monrovia a l’image d’un homme abordable et pacifique, dans un pays ravagé par les guerres civiles entre 1989 et 2003. Il se réclame de son action en faveur de l’éducation et de l’électrification des foyers, de la construction de routes et d’hôpitaux. Il promet de continuer à œuvrer au développement d’un des pays les plus pauvres de la planète.
Promesses non tenues
« Je soutiens George Weah et c’est pour lui que je voterai », dit Emmanuel D. Johnson, un électeur de 35 ans. « L’école, la santé, l’électricité, c’est bien ce que fait George Weah dans ces domaines ». Pour Shad Foster au contraire, un résident de Duazon dans les environs de Monrovia, « les choses ne feront qu’empirer si George est réélu pour six ans après nous avoir trompés ». « Notre système économique part à vau-l’eau, il y a plus de produits à vendre que de gens à pouvoir les acheter, notre système de santé va à vau-l’eau », juge cet électeur de 33 ans qui votera Boakai.
Weah a dirigé le pays, déjà éprouvé par la guerre civile puis l’épidémie d’Ebola entre 2014 et 2016, pendant la pandémie de Covid-19 et la crise économique. Ses détracteurs lui reprochent de n’avoir pas tenu ses promesses. Ils l’accusent d’être déconnecté des réalités de ses concitoyens qui se débattent entre hausses des prix et pénuries. Plus d’un cinquième de la population vit avec moins de 2,15 dollars par jour, selon la Banque mondiale. Joseph Boakai, qui lui impute l’aggravation d’une corruption réputée endémique qu’il s’était engagé à combattre, met en avant sa probité et son acharnement au travail. Il promet de développer les infrastructures, d’attirer les investisseurs et les touristes, et d’améliorer la vie des plus pauvres.
Craintes de violences
Il a noué des alliances avec des barons locaux, dont l’ancien chef de guerre et sénateur Prince Johnson, qui avait soutenu George Weah il y a six ans et reste influent dans la province de Nimba (nord). Boakai a largement dominé Weah au premier tour dans cette province peuplée et dans la région de Lofa, d’où il est originaire.
Cette élection est la première organisée sans la présence de la mission des Nations unies au Liberia créée en 2003 (et partie en 2018) pour garantir la paix après la guerre civile. Des affrontements pendant la campagne ont fait plusieurs morts et fait craindre des violences post-électorales. Le camp de Joseph Boakai a dénoncé des irrégularités lors du premier tour.
Les observateurs internationaux déployés en nombre ont salué le bon déroulement du premier tour, dans une région où la démocratie est remise en cause par la multiplication des coups d’État. L’ONU a pressé « toutes les parties prenantes à maintenir un engagement ferme envers la paix, la démocratie ». La Communauté des Etats ouest-africains a prévenu qu’elle sévirait contre les instigateurs de violence.
(Avec AFP)
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