Génocide des Tutsi au Rwanda : le « Boucher de Tumba » en procès à Paris
Sosthène Munyemana comparaîtra à partir du 14 novembre devant la cour d’assises. Soupçonné d’avoir participé aux massacres de 1994, l’ancien médecin avait échappé à une extradition en 2010.
Sosthène Munyemana, 68 ans, aujourd’hui retraité et sous contrôle judiciaire, sera jugé pour génocide, crimes contre l’humanité, participation à une entente en vue de la préparation de ces crimes, ainsi que pour complicité. Son procès est prévu jusqu’au 22 décembre et l’accusé, qui conteste les faits, encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Proche notamment de Jean Kambanda, Premier ministre du gouvernement intérimaire institué après l’attentat contre l’avion du président hutu Juvénal Habyarimana, Munyemana est soupçonné d’avoir contribué à la rédaction d’une motion de soutien à ce gouvernement, qui a encouragé les massacres. Il est aussi accusé d’avoir participé à un comité de crise ayant mis en place des barrières et des rondes au cours desquelles des personnes ont été interpellées avant d’être tuées.
On lui reproche enfin d’avoir détenu la clé du bureau de secteur de Tumba, où étaient enfermés des Tutsi, parfois pendant plusieurs jours et dans des « conditions de dénuement total, privés d’eau, de nourriture et de soins », selon l’accusation, avant d’être exécutés. S’il ne nie pas avoir détenu cette clé, Munyemana a fait valoir tout au long de l’instruction que le bureau de secteur servait de « refuge » aux Tutsi qui cherchaient un lieu de protection.
« Que la justice passe enfin »
Près de soixante-dix témoins doivent être entendus pendant le procès. « Tout cela ne repose que sur des témoignages et date d’il y a vingt-neuf ans », observe l’avocat Jean-Yves Dupeux, qui le défend avec Maître Florence Bourg : « C’est très difficile de se fonder sur des témoignages sur des faits aussi anciens. » De fait, la question du temps qui passe est centrale dans les affaires liées au génocide.
« On attend que justice passe enfin », déclare Rachel Lindon, avocate de vingt-six victimes et d’Ibuka, association de rescapés du génocide. « Plus le temps passe, moins on a de témoins ». « C’est dramatique dans tous les dossiers qui vont arriver maintenant, et ça ne va pas s’améliorer », déplore Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR).
Arrivé en France où résidait déjà sa femme en septembre 1994, père de trois enfants, Sosthène Munyemana a exercé comme médecin urgentiste dans le sud-ouest du pays avant de se réorienter en gériatrie.
Alors qu’il était visé par un mandat d’arrêt international émis par les autorités rwandaises, sa demande d’asile a été rejetée en 2008. La justice française a toutefois refusé en 2010 de l’extrader pour qu’il soit jugé dans son pays. Il s’agit du plus ancien dossier instruit en France, au nom de la compétence universelle de la justice française, sur des faits liés au génocide. Ouverte en 1995 après une plainte déposée à Bordeaux, l’information judiciaire avait été transférée en 2001 à Paris. L’ordonnance de mise en accusation n’a été rendue qu’en 2018.
Trois hauts fonctionnaires, un officier, un gendarme et un chauffeur ont déjà été condamnés à Paris à des peines allant de quatorze ans de prison à la perpétuité, pour leur participation aux massacres. Certains vont être rejugés en appel.
(Avec AFP)
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