Igor Rochette (Michael Page) : « La nouvelle génération a besoin d’avoir des perspectives d’évolution »
Le directeur du cabinet de recrutement de Michael Page en Afrique se penche sur les nouvelles aspirations professionnelles des jeunes diplômés.
Salaire, urgence climatique, image employeur… En Afrique, la nouvelle génération est porteuse d’un certain nombre d’exigences. Les équipes d’Igor Rochette, directeur du cabinet de recrutement de Michael Page Africa, rencontrent au quotidien des candidats dont les motivations ont changé au fil des ans. Si, dans les années 1990, le salaire était la seule revendication de ces derniers, en 2023, ils veulent aussi s’engager dans des projets communautaires et privilégient des postes avec des garanties d’évolution sur le continent.
Jeune Afrique : En Europe, les jeunes diplômés sont de plus en plus sensibles à la façon dont les entreprises s’engagent pour limiter leur impact sur l’environnement. Cette tendance se fait-elle sentir au cours de vos échanges avec les candidats et les entreprises ?
Igor Rochette : Pour des raisons assez évidentes, une fraction de la jeunesse est préoccupée par cette question. Mais, en Afrique, de nombreux pays tirent leurs revenus du pétrole, du gaz ou de l’exploitation minière. Et certains ont des besoins en fourniture d’eau ou en production d’électricité. Ces problématiques passent avant la question climatique.
Au moment de choisir un projet, un jeune ingénieur va volontiers travailler pour une centrale à gaz, sans forcément se dire qu’il pollue la planète, parce que ce qu’il voit avant tout, c’est que l’organisation dans laquelle il travaille fournit de l’électricité pour une grande partie du pays.
Que font les entreprises pour rassurer cette main-d’œuvre ?
Toutes les multinationales, y compris celles qui interviennent sur le continent, ont conscience que les projets polluants – pétroliers ou gaziers – ont beaucoup moins de financement. Elles mettent en place de nombreuses actions de diversification pour compenser ce qu’elles exploitent, en finançant des projets liés à l’énergie solaire.
Observez-vous une évolution des attentes des candidats entre la génération actuelle et la précédente ?
Les candidats sont beaucoup plus sensibles à l’image de l’entreprise pour laquelle ils vont travailler. C’est ce qu’on appelle la marque employeur. Les offres dans des domaines comme le pétrole sont, par exemple, beaucoup moins recherchées par les candidats aujourd’hui. Ils convoitent des entreprises qui ont un impact positif sur l’environnement, le social et qui ont une politique de développement durable.
La question du salaire a longtemps été primordiale, l’est-elle encore ?
Si on parle plus spécifiquement du continent, la question salariale est importante car il existe certains pays où les niveaux de rémunération sont assez bas. Par ailleurs, les profils très demandés (IT, cybersécurité, géophysique) vont avoir tendance à partir en Europe, à Dubaï ou aux États-Unis car les salaires y sont plus élevés. Cela a pour conséquence d’assécher les marchés africains.
Peut-on contenir cette fuite de cerveaux ?
Les salaires proposés à Dubaï, en Allemagne ou en Grande-Bretagne sont loin de ceux pratiqués sur le continent. Il est difficile pour les entreprises africaines de faire la différence sur ce point. Pour retenir les talents, elles doivent davantage travailler sur leur marque employeur, proposer des perspectives de mobilité en interne et repérer des candidats avec des motivations plus personnelles, qui vont être intéressés par un retour au pays. Les nouvelles générations ont besoin d’avoir des perspectives d’évolution, tant dans les pays dans lesquels ils travaillent que dans ceux de la région.
Le télétravail est-il devenu une norme sur le continent, comme en Occident, après la crise sanitaire ?
C’est très contrasté. Dans les PME ou les groupes familiaux, le télétravail est encore assez restreint car ce sont des organisations très attachées a la présence des salariés sur le site. En revanche, les grands groupes internationaux mettent en place des facilités de télétravail, quel que soit le pays, et à condition d’avoir une bonne connexion au réseau. Dans les grandes multinationales, une personne qui vit à Casablanca ou à Abidjan peut profiter d’un ou deux jours de télétravail.
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