Centrafrique : Bangui aux mains des rebelles, Bozizé introuvable
Les rebelles centrafricains de la coalition Séléka ont pris dimanche le contrôle de la capitale, Bangui, au terme d’une offensive éclair lancée pour renverser le président au pouvoir depuis dix ans, François Bozizé, resté introuvable.
"Ce qui est sûr, c’est qu’ils ont pris la ville", a déclaré à l’AFP une source militaire centrafricaine haute placée, sous couvert de l’anonymat, et refusant de commenter la situation. "Les rebelles contrôlent la ville même s’il y a encore quelques tirs à gauche et à droite", a également assuré une source au sein de la Force multinationale d’Afrique centrale (Fomac) déployée en Centrafrique.
Auparavant, un des chefs militaires des insurgés, le colonel Djouma Narkoyo, avait annoncé: "Nous avons pris le palais présidentiel. Bozizé n’y était pas. Maintenant, nous allons nous rendre à la radio (nationale) pour que le président du Séléka (Michel Djotodia) prenne la parole". "Nous savions que Bozizé n’était pas là", avait assuré ce représentant des rebelles.
Bozizé introuvable
"Alors que se confirme le départ de Bangui du président Bozizé, j’appelle toutes les parties à faire preuve de la plus grande retenue", a pour sa part déclaré le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius dans un communiqué, indiquant que le dispositif français sur place "a été renforcé" pour assurer la sécurité des Français sur place. Quelque 350 soldats français ont été envoyés en renfort à Bangui depuis Libreville au cours du week-end pour assurer la protection des ressortissants français et étrangers présents en Centrafrique, a-t-on ainsi appris dimanche de source proche du dossier. Un premier contingent de 200 hommes est arrivé dès samedi, rejoint dimanche par une compagnie de 150 hommes, portant les effectifs militaires français en République Centrafricaine à près de 600 hommes, a-t-on précisé de même source. Deux cent cinquante soldats français étaient déjà stationnés en Centrafrique.
Le président, au pouvoir depuis 2003, n’est plus apparu en public depuis une brève visite, vendredi, à son allié sud-africain Jacob Zuma, à Pretoria. Une source bien informée a affirmé à l’AFP que le président avait "quitté le territoire national en hélicoptère", mais sans préciser sa destination. A Kinshasa, le porte-parole du gouvernement de RDC, Lambert Mendé, a assuré à l’AFP: "Le président Bozizé n’a pas demandé à venir en RDC, il n’y est pas arrivé, il n’est pas signalé". Et à Brazzaville, le ministre des Affaires étrangères congolais Basile Ikouebe a affirmé: "ni moi ni le président de la République (Sassou Nguesso) n’avons été informés de son arrivée sur le sol congolais".
A Bangui, les rebelles sont "en train de (se) déployer dans l’ensemble de la capitale pour lancer les opérations de sécurisation et éviter les pillages", a affirmé un des porte-paroles du Séléka, Eric Massi depuis Paris.
Des pillages à Bangui
Selon plusieurs témoins, des gens armés et des habitants ont profité de la situation pour commettre de nombreux pillages de magasins, de restaurants, de maisons et de voitures. Dimanche matin, le colonel Narkoyo avait averti: "la journée d’aujourd’hui sera décisive. Nos hommes sont dans Bangui, on prend nos emplacements". Et l’assaut de la rébellion a commencé vers 07h30 (06h30 GMT) "Nos éléments ont lancé l’offensive en début de matinée passant le +bouchon+ du PK10 (point kilométrique 10, à une dizaine de kilomètres du centre et du palais présidentiel) près de la base sud-africaine pour aller vers le centre-ville", a expliqué Eric Massi.
Les échanges de tirs ont été très intenses vers 08h00 (07h00 GMT) puis sont devenus sporadiques, a constaté un journaliste de l’AFP proche de la zone des affrontements, dans le centre. La rébellion avait lancé une première offensive le 10 décembre dans le nord du pays et avait enchaîné victoire sur victoire face aux forces gouvernementales désorganisées, avant de stopper sa progression sous la pression internationale à 75 km au nord de Bangui.
Des accords de paix signés à Libreville le 11 janvier avaient débouché sur la formation d’un gouvernement d’union nationale composé de représentants du camp Bozizé, de l’opposition et de la rébellion. Mais arguant du non respect des accords, les rebelles ont déclenché à nouveau les hostilités vendredi et déclaré vouloir mettre en place un gouvernement de transition s’ils prenaient Bangui.
Débandade
Une femme qui s’était rendue dimanche à la messe de la cathédrale, à quelques centaines de mètres du palais présidentiel, a raconté: "On a entendu des tirs partout dans le centre ville, et c’était la débandade. Tout le monde s’est mis à courir dans tous les sens". "On vient d’abattre quelqu’un. Je ne sais pas si c’était un militaire ou un civil, mais il essayait de fuir sur sa moto quand il a été tué", a poursuivi la témoin.
Dans la nuit, les rebelles avaient envoyé un communiqué exprimant leur "attachement à une dynamique inclusive pouvant présider à la conduite de la transition", excluant "toute entreprise de vengeance et d’exclusion". "La Centrafrique vient d’ouvrir une nouvelle page de son histoire", avaient commenté les rebelles avant même la "chute" du palais présidentiel.
Arrivé au pouvoir par les armes en 2003, le président Bozizé avait été élu président en 2005 et réélu en 2011 au terme d’un scrutin très critiqué par l’opposition qui avait crié à la "mascarade". Guy-Simplice Kodégué, porte-parole d’une plate-forme politique rassemblant des partis d’opposition et associations de la société civile à Paris, a estimé dimanche: "le plus dur commence". "Nous avons un grand travail de reconstruction nationale à faire. Nous ne voulons pas de chasse aux sorcières. On a besoin de tout le monde".
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