Quand reverra-t-on les Red Boys Sea, surnom de la sélection nationale érythréenne, sur un terrain de football ? Personne ne peut aujourd’hui le dire, pas même Paulos Weldehaimanot, le président de la fédération locale, dont les mains sont liées par le pouvoir d’Issayas Afeworki.

Forfait de dernière minute

Jeune Afrique a tenté de le joindre afin de lui demander les raisons du forfait de la sélection pour la Coupe du Monde 2026 – forfait annoncé quelques jours avant les matchs prévus face au Maroc et au Congo les 16 et 20 novembre. En vain.

La dernière apparition de l’Érythrée remonte au 25 janvier 2020, à l’occasion d’un match amical perdu (0-1) face au Soudan, au Cicero Stadium d’Asmara, capitale d’un des pays les plus fermés du monde. Les Red Boys Sea avaient par la suite confirmé leur participation aux qualifications pour le Mondial 2026, et le tirage au sort, effectué le 13 juillet dernier, les avait placés dans le groupe E, en compagnie du Maroc, du Congo, de la Zambie, du Niger et de la Tanzanie.

Le Maroc devait donc recevoir cet adversaire énigmatique le 16 novembre à Agadir, cette même ville ayant été désignée pour accueillir le match Érythrée-Congo, quatre jours plus tard, le stade d’Asmara n’étant pas homologué par la CAF. « Pendant des semaines, nous avions des informations contradictoires, explique une source à la Fédération royale marocaine de football (FRMF). Une fois l’Érythrée venait, une fois elle ne venait pas… Le problème, c’est qu’il était quasiment impossible d’entrer en contact avec la fédération. » Le 10 novembre, soit six jours avant le match prévu face aux Lions de l’Atlas, la FIFA et la Confédération africaine de football (CAF) ont annoncé le forfait définitif de l’Érythrée, sans que les deux instances ne livrent la moindre explication.

Éviter les fuites

Celles-ci ont sans doute une idée bien précise des véritables raisons de ce retrait finalement prévisible, mais elles ne pouvaient diplomatiquement pas y faire référence dans leurs communiqués respectifs. « Visiblement, et d’après ce que nous avons compris, c’est parce que le régime craignait que des internationaux érythréens profitent des matchs à l’étranger pour fuir, ce qui s’est déjà produit par le passé », avance une source marocaine. De fait, depuis 2009, au moins 60 footballeuses et footballeurs – ainsi que quelques entraîneurs – ont faussé compagnie aux membres des services érythréens de sécurité, qui se déplacent avec les sélections ou les clubs, justement afin d’éviter les fuites.

L’exemple le plus récent remonte au mois de novembre 2022, avec la fuite de cinq joueuses de la sélection féminine des moins de 20 ans (Luwam Solomon, Yordanos Abraham, Shamat Futsum, Rahel Michael et Trhas Habate), lors de la Coupe de la Cecafa, une compétition réservée aux sélections d’Afrique de l’Est.

L’Ouganda a vu d’autres sportifs érythréens profiter de leur présence sur son territoire pour fuir le régime d’Issayas Afeworki. Sept internationaux – Abel Okbay Kilo, Eyoba Girmay, Yosief Mebrahtu, Filmon Serere, Robel Kidane, Abraham et Ismail Jahar – avaient demandé et obtenu l’asile politique juste après avoir participé à la finale de la Coupe de la Cecafa masculine contre la sélection locale (0-3), en décembre 2019.

Deux mois plus tôt, toujours en Ouganda, ce sont quatre joueurs de la sélection des moins de 20 ans (Hanibal Tekle, Mewael Yosief, Simon Asmelash et Hermon Yohanne) qui avaient fait faux bond à leur délégation après une victoire face à Zanzibar lors de la Coupe de la Cecafa de la catégorie.

Forfait aussi pour la prochaine CAN

D’autres défections avaient été signalées, notamment en 2013 au Kenya, toujours à l’occasion de la Coupe de la Cecafa masculine seniors, ou en 2007 en Angola, après un match qualificatif pour la CAN 2008.

Depuis l’indépendance du pays, obtenue le 24 mai 1993 après un long et sanglant conflit avec l’Éthiopie, la sélection érythréenne a disputé 84 matchs officiels, la plupart dans le cadre de la Coupe de la Cecafa. En mars 2022, elle avait déclaré forfait pour le tour préliminaire des qualifications de la CAN 2024 face au Botswana, officiellement pour des raisons financières. Reste à savoir si la sélection disputera les qualifications pour la CAN 2025, lesquelles devraient débuter en mars prochain.