Guerre Israël-Hamas : pourquoi la CPI est sous pression pour enquêter sur un génocide à Gaza

Plusieurs centaines d’avocats issus du monde entier ont déposé une plainte devant la Cour pénale internationale. Si cette instance a déjà ouvert une enquête depuis plusieurs années, celle-ci est restée au point mort. Les détails.

Après un bombardement israélien dans le nord de la bande de Gaza, le 15 novembre 2023. © FADEL SENNA / AFP.

Après un bombardement israélien dans le nord de la bande de Gaza, le 15 novembre 2023. © FADEL SENNA / AFP.

Publié le 17 novembre 2023 Lecture : 4 minutes.

« Nous étions 300, à l’heure où je vous parle nous sommes 500, et nous serons probablement bientôt 1 000 », assure Me Gilles Devers, à la tête du collectif d’avocats ayant déposé le 9 novembre une plainte auprès de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye contre l’État d’Israël pour crime de génocide à Gaza.

Parmi ce collectif, figurent entre autres l’avocat jordanien Khaled Al Shouli et l’avocat marocain Abdelmajid Mrari. En juin déjà, ces trois juristes avaient signalé à la CPI des crimes de guerre et contre l’humanité commis par l’État israélien à Gaza.

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À travers cette nouvelle plainte, faisant suite aux représailles de Tsahal sur Gaza depuis l’attaque terroriste du Hamas en Israël le 7 octobre, « nous demandons au procureur de la CPI, Karim Khan, de se pencher sur la situation actuelle et de réunir les preuves d’un génocide. Mais pour cela, encore faut-il avoir les moyens d’enquêter et de lancer un mandat d’arrêt à l’encontre de Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien », souligne Me. Gilles Devers. Or, force est de constater que la justice internationale est particulièrement lente lorsqu’il s’agit de ce conflit au Proche-Orient.

Une enquête ouverte depuis trois ans

En mars 2021, le bureau du procureur de la CPI a déjà ouvert une enquête sur les crimes commis en Palestine depuis la guerre de Gaza de 2014. En vain. À l’époque, Israël – qui ne reconnaît pas l’autorité de la CPI, tout comme les États-Unis – avait fait savoir par la voix de Benyamin Netanyahou qu’il ne coopérerait pas à l’enquête et qu’il rejetait toutes les accusations. Depuis 2015, à l’inverse, la Palestine a ratifié la convention de Rome – qui a mis sur pied la CPI –, ce qui signifie que cette juridiction bénéficie de toute la latitude nécessaire pour se saisir d’une plainte et mener une instruction. Du moins en théorie.

Car en pratique, la CPI fait face à de fortes pressions politiques, à une avalanche de désinformation et doit composer avec le manque de ressources humaines et de moyens financiers. Sous Karim Khan, le budget annuel alloué à la CPI pour enquêter en Palestine est bien passé à près d’un million d’euros, mais cela reste trop peu pour une situation aussi complexe et persistante dans le temps. Malgré tout, le procureur a assuré qu’il n’oublierait pas les « enfants de Gaza ». Mais de l’avis même de la rapporteuse spéciale du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (OHCHR), Francesca Albanese, l’enquête de la CPI semble au point mort.

Multiples plaintes

En attendant, Me Devers et ses homologues font des pieds et des mains pour que le dossier avance. Depuis le 16 novembre, ils collectent les plaintes des civils de Gaza victimes des bombardements, et qui ont perdu leurs familles et leurs maisons. « Ensuite, nous aimerions avoir une réunion directe avec le procureur d’ici à la semaine prochaine », ajoute celui que le quotidien français Le Monde a présenté comme « l’avocat du Hamas ».

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Le 9 octobre, le mouvement palestinien devait d’ailleurs déposer une plainte devant la CPI « sous la forme d’un épais volume de 400 pages, détaillant les violations des droits de l’homme commises par Israël à Jérusalem, notamment la colonisation et les transferts forcés d’une population délogée par des colons juifs », détaille le journal. Mais avec l’attaque terroriste du 7 octobre, l’initiative a été gelée. Me Devers, quant à lui, précise qu’il a officié en tant qu’avocat pour « tout le monde en Palestine », dont l’Autorité palestinienne, le gouvernement palestinien d’union nationale (en 2014), et émis des signalements auprès de la CPI pour crime de guerres et/ou crime contre l’humanité en Palestine depuis une décennie.

Et aujourd’hui, il est loin d’être le seul. La juridiction internationale fait actuellement face à une certaine pression pour délivrer des mandats d’arrêt contre les personnes soupçonnées de ces crimes au sein de l’appareil politique, militaire et administratif israélien. C’est par exemple ce qu’ont exigé les ONG PCHR (Centre palestinien pour les droits de l’homme), Al-Haq et Al Mezan. La Belgique, l’un des rares pays occidentaux à se montrer très critique à l’égard des agissements du gouvernement israélien, a, elle aussi, demandé l’ouverture d’une enquête et proposé d’allouer des fonds plus importants à la CPI. L’Algérie et l’Afrique du Sud ont elles aussi déposé chacune une plainte contre Israël.

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Pour beaucoup, il en va de la crédibilité de cette instance internationale. « Un génocide, c’est un crime de masse. Nous en sommes déjà à 12 000 morts à Gaza dont 95 % de civils. L’électricité est coupée, les convois alimentaires sont bloqués, les civils sont bombardés. Israël le reconnaît et l’ONU aussi. A priori, il existe beaucoup d’éléments pour mener une enquête », abonde Me Devers, qui dispose déjà d’une équipe chargée de documenter l’ensemble des crimes dont il accuse Tel-Aviv.

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