La Banque mondiale se penche sur la question des incendies en Algérie

Les feux de forêts qui ont ravagé l’Algérie ces dernières années ont pris des proportions si dramatiques que la Banque mondiale a décidé de publier un rapport sur le sujet. Tout en reconnaissant les efforts constants d’Alger en la matière, l’institution suggère des pistes d’amélioration.

Vue générale après un feu de forêts, à Bejaïa, le 28 juillet 2023. © AFP

Vue générale après un feu de forêts, à Bejaïa, le 28 juillet 2023. © AFP

Publié le 21 novembre 2023 Lecture : 5 minutes.

Chaque année en Algérie, quelque 20 000 hectares sont ravagés par les flammes, selon un rapport de la Banque mondiale élaboré conjointement avec le gouvernement algérien et intitulé « Note sur les forêts algériennes : gestion durable des forêts pour lutter contre les incendies de forêts ».

Trente-mille terrains de football

Ce rapport, explique l’institution internationale dans un communiqué, identifie les actions susceptibles de renforcer la durabilité et la résilience climatique des ressources forestières du pays. Comme le stipule son préambule, il établit un diagnostic précis de l’état des forêts, du secteur forestier et des investissements nécessaires pour gérer cette précieuse ressource naturelle renouvelable, tout en contribuant à lutter contre les incendies de forêts.

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Constituées à 59% de maquis, les forêts algériennes, majoritairement domaniales et dominées par le pin d’Alep (68%) et le chêne-liège (21%), couvrent près de 4,1 millions d’hectares. Les incendies, le surpâturage, l’expansion agricole et le changement climatique sont les principaux responsables de la déforestation et de la dégradation des surfaces boisées, au point que forêts et arbres couvrent aujourd’hui moins de 1% de la masse terrestre du pays.

Publié en 2021 par le ministère de la Transition énergétique et des Énergies renouvelables, un Livre blanc sur l’impact du changement climatique soulignait déjà que les feux de forêts représentent l’une des plus grandes menaces pour la vie et l’activité économique du pays. On y apprend que l’Algérie a été le théâtre de près de 3 000 incendies entre 2010 et 2019, et que ces sinistres dévastent chaque année l’équivalent de 30 000 terrains de football.

En 2020, les pertes annuelles d’actifs s’élevaient à plus de 1,5 milliard de dinars (11 millions de dollars) et les indemnités versées aux sinistrés à 600 millions de dinars (4,4 millions de dollars).

Croissance plus verte

Le rapport de la Banque mondiale couvre des sujets majeurs tels que les incendies de forêts, la gestion participative, le développement de chaînes de valeur et les conséquences du réchauffement climatique. Il livre en outre une analyse approfondie des aspects juridiques, institutionnels et socioéconomiques du secteur forestier en Algérie, et préconise une série de mesures.

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Pour Kamel Braham, représentant résident de la Banque mondiale en Algérie, ce rapport est « une feuille de route pour une gestion durable des ressources forestières, la réduction des risques de feu et l’exploitation du potentiel des forêts pour une croissance plus verte, la création d’emplois et une meilleure résilience climatique ».

Outre les incendies, la forêt algérienne est soumise à d’autres causes, directes ou indirectes, de déforestation et de dégradation, tels que le défrichage pour l’agriculture, la construction, le pacage [l’action de faire paître les troupeaux], les coupes illicites, la désertification, la surexploitation des ressources et le changement climatique, qui menacent d’aggraver le risque des incendies de forêts ainsi que la fréquence et l’intensité des périodes de sécheresse.

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Au cours de la période 1985-2022, notent les auteurs du rapport, le nombre annuel des feux de forêts a augmenté, même si la superficie ravagée reste relativement stable. Mais, depuis quelques années, de grands incendies de forêts sont observés. Ils ont, occasionnellement, un impact humain et économique considérable et se concentrent surtout dans les six wilayas littorales allant de Tizi Ouzou à El Tarf, qui présentent le plus fort taux de couverture forestière. En 2021 et 2022, les dégâts matériels ont été estimés à 15,4 milliards de dinars (114,4 millions de dollars) pour l’agriculture et à 1,5 milliard de dinars (11 millions de dollars) pour les habitations.

Qualité du bois

La Banque mondiale salue également les efforts qu’a accomplis l’Algérie en vue de renforcer la collecte des données relatives aux causes des feux de forêt, dans le but de mettre en œuvre des stratégies de sensibilisation, de communication et d’intégration de l’ensemble des parties prenantes pour mieux prévenir le risque. Le rapport souligne aussi le rôle économique des forêts, qui ont de tout temps tenu une place importante dans l’économie algérienne en raison de la richesse et de la qualité de leurs bois. Le pays est cependant confronté au défi de subvenir à des besoins croissants alors que ses ressources naturelles sont vulnérables et en déclin.

Les chiffres officiels de la Direction générale des finances indiquent que l’exploitation formelle de bois est en baisse. De ce fait, le secteur promeut plutôt des produits forestiers non ligneux (liège, caroube, thym, pigne, romarin, lentisque…), dont la valeur écologique, économique et sociale ne cesse de croître. La demande des marchés pour les produits de la forêt, notamment pour les huiles essentielles, est, elle, en hausse. Par ailleurs, les forêts offrent aux citoyens des moments de bien-être : 7 millions de personnes ont ainsi visité les Parcs nationaux en 2021.

Le rapport, qui dégage cinq axes cruciaux, insiste sur l’importance de placer la gestion durable des forêts et l’analyse du risque incendie au cœur des interventions. Il préconise de continuer à renforcer les capacités techniques du secteur pour assurer une gestion efficace des forêts et des incendies, et recommande une meilleure gestion de l’information grâce au renforcement de la collaboration inter-institutionnelle. Les rédacteurs du rapport soulignent néanmoins que, malgré l’importance des efforts consentis, des besoins humains et logistiques supplémentaires conséquents sont requis.

L’Algérie, reconnaît volontiers la Banque mondiale, a toujours porté une attention particulière à la gestion durable des forêts pour favoriser la croissance économique, l’amélioration des moyens de subsistance des populations et la protection de l’environnement mondial, y compris la lutte contre le changement climatique, la conservation de la biodiversité et la lutte contre la dégradation des sols.

Plan national de reboisement

Un ensemble de stratégies, plans et textes législatifs ambitieux a d’ailleurs été développé pour étayer la mise en œuvre des politiques publiques du secteur, tels que le Plan national de reboisement, la Stratégie forestière à l’horizon 2035, la Stratégie de prévention et de lutte contre les feux de forêt et le Plan national de prévention et de gestion des incendies de forêt 2021-2030.

Cependant, le rapport recommande l’ouverture du secteur aux investissements privés, une plus grande implication des populations vivant aux abords des massifs forestiers et un renforcement du respect des règles afin de mieux protéger les espaces naturels. Il conseille enfin d’accroître les moyens financiers et techniques afin de faire face à des menaces grandissantes, telles que les gigantesques incendies survenus au cours de ces dernières années.

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