Le Cap-Vert orphelin de Sara Tavares
La chanteuse et compositrice lisboète s’est éteinte, le 19 novembre, à l’âge de 45 ans, des suites d’une longue maladie. Elle laisse une œuvre authentique et intemporelle.
C’était une artiste magnifique, peut-être la plus belle voix de la diaspora cap-verdienne à travers le monde. Sur les réseaux sociaux, les hommages pleuvent, depuis le 19 novembre, à la mémoire de Sara Tavares, chanteuse, guitariste et compositrice à la grâce inoubliable, qui porta haut la saudade de ses origines.
Son public parisien se souvient d’un concert à l’Alhambra, au festival Au fil des Voix, au début de 2012, où une glissade sur un tarmac gelé et une fracture l’avaient privée de son instrument, laissant le champ libre à son guitariste, Luiz Caracol. Quelques années plus tard, elle présentait, sur la même scène, l’album qui restera son dernier, Fitxadu, qui lui valut une nomination aux Grammy Awards.
C’est une tumeur au cerveau contre laquelle elle guerroyait depuis des années qui a finalement arraché cette étoile à son triste sort. Son père étant parti de la maison, sa mère quitte Lisbonne pour le Sud avec ses jeunes frères et sœurs, et confie l’enfant, née en 1978, à une vieille dame. Celle-ci l’élève en orpheline dans la capitale portugaise, où elle connaît le succès dès son adolescence.
Du gospel aux musiques cap-verdiennes
Sara apprend à chanter à l’église, fonde le premier chœur de gospel de Lisbonne avant d’être révélée au grand public en remportant deux concours télévisés, puis de représenter le Portugal à l’Eurovision, en 1994. Deux ans plus tard, sa version lusophone du titre phare de la bande originale du film Le Bossu de Notre-Dame lui vaut le prix de la meilleure adaptation, décerné par Disney. Elle a alors 18 ans et commence à s’intéresser aux rythmes cap-verdiens et à apprendre le créole, éléments qu’elle incorpore bientôt à sa musique.
« Son label voulait faire d’elle une chanteuse pop, se souvient, depuis Praia, José Da Silva, fondateur du label Lusafrica et ambassadeur des musiques de l’archipel, qu’elle suivit sur l’île de Santo Antão pour l’hommage organisé au lendemain du décès de Cesaria Evora. Mais elle préférait mêler les musiques du Cap-Vert aux sonorités africaines, avec notamment ses percussionnistes, l’Angolais N’Du, ou Miroca Paris, percussionniste de Cesaria, qui l’accompagnait en tournée. »
Groove ensoleillé et souriant
Son premier album, Mi Ma Bo (1999) est produit par le chanteur congolais Lokua Kanza, dont elle est fan. En 2005, « Balance », et des titres comme « Bom Feeling » et « One Love », au groove ensoleillé et souriant, plein de jeunesse, la propulsent sur la scène internationale. Elle y invite sa congénère Ana Moura, bientôt reine du fado moderne, sur le titre « De Nua », qui conclut l’album. Le suivant, Xinti (2009), un classique, plus introspectif et abouti, est celui de la maturité.
« Sara, c’était une voix extraordinaire, et puis la gentillesse, la douceur, poursuit José Da Silva, qui l’invita à deux reprises sur la scène du Kriol Jazz Festival. Et l’une des artistes les plus admirées de la nouvelle génération d’ici, par le public et les musiciens. »
Informé de sa maladie, le journal de la télévision publique cap-verdienne lui avait dédié une « onde de solidarité », il y a deux mois, et l’émission The Voice Portugal lui rendait hommage, dès le 19 novembre, comme le président de la République cap-verdienne, José Maria Neves, le lendemain. Proche du chanteur Boy Gé Mendes, elle avait publié quatre nouveaux morceaux en l’espace d’un an, que l’on écoute comme autant de testaments. Sara Tavares laisse une œuvre unique et intemporelle.
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