Égypte : la vidéo d’un homme battu par la police embarasse le pouvoir égyptien
Le pouvoir égyptien était sur la sellette samedi après la diffusion d’images d’un homme nu battu par la police la veille près du palais présidentiel, lors de manifestations contre le président Mohamed Morsi qui ont fait un mort.
Le Premier ministre Hicham Qandil a quant à lui été pris à partie dans la matinée par des manifestants place Tahrir, dans le centre du Caire, un incident témoignant lui aussi du climat politique tendu. La vidéo diffusée à la télévision et sur internet montre des policiers anti-émeutes battre l’homme avec des matraques, le bousculer et lui retirer ses vêtements, avant de le traîner nu sur le sol, puis l’embarquer dans un fourgon blindé posté près du palais du chef de l’Etat.
La présidence égyptienne s’est déclarée "attristée par les images choquantes de certains policiers traitant un manifestant d’une manière qui n’est pas conforme à la dignité humaine et les droits de l’Homme".
Mais l’opposition, qui appelait à manifester une nouvelle fois vendredi contre une dérive autoritaire du pouvoir de M. Morsi, a exigé la démission du ministre de l’Intérieur, Mohamed Ibrahim, et évoqué des méthodes dignes du temps du président Hosni Moubarak, renversé par une révolte populaire en 2011.
Excuses
"Les images horribles et déshonorantes montrant des officiers de la sécurité centrale et des policiers traînant et battant sauvagement un homme complètement nu autour du palais présidentiel doivent conduire à une démission immédiate du ministre de l’Intérieur", a dit Khaled Daoud, porte-parole du Front du salut national (FSN), principale coalition de l’opposition.
Le ministère de l’Intérieur a quant à lui présenté des excuses, évoqué un "acte isolé" et annoncé l’ouverture d’une enquête. L’homme, Hamadah Saber Mohamed Ali, un ouvrier de 50 ans, a été appréhendé "en possession de 18 cocktails Mololov et de deux bidons d’essence", a indiqué le parquet en citant les premiers éléments de l’enquête.
Fin 2011, l’image d’une manifestante voilée que l’armée traînait sur la chaussée près de la place Tahrir, mettant à découvert son soutien-gorge et son ventre, avait provoqué l’indignation à travers le pays et dans le monde. Des manifestants ont par ailleurs jeté des pierres et des bouteilles contre le convoi du Premier ministre sur la place Tahrir, a rapporté une télévision locale, Dream Live.
Le bureau du chef du gouvernement a indiqué que M. Qandil avait "fait face à des jeunes et des agitateurs". Le Premier ministre lui-même a écrit sur Facebook qu’il avait "préféré éviter une confrontation entre ces personnes et le personnel de sécurité".
Un jeune homme tué
Des dizaines d’opposants au pouvoir sont installés depuis des mois dans un village de tentes sur ce rond-point du centre ville, haut-lieu des manifestations politiques depuis le soulèvement contre Hosni Moubarak. La police anti-émeutes était déployée samedi aux abords du palais présidentiel après une nuit d’accrochages.
Le calme est revenu dans la matinée, mais les rues adjacentes étaient jonchées de pierres lancées par les manifestants, et le mur d’enceinte du palais était recouvert de graffitis hostiles à M. Morsi comme "Il faut renverser le régime", "Liberté".
Outre un jeune homme de 23 ans tué aux abords du palais présidentiel, une centaine de personnes ont été blessées vendredi dans les manifestations au Caire et dans d’autres villes du pays, selon des sources médicales. Depuis le début de la nouvelle vague de violences en Egypte le 24 janvier, à la veille du 2e anniversaire de la révolte qui a renversé le président Hosni Moubarak, près de 60 personnes ont péri. La présidence a toutefois réaffirmé dans un communiqué son attachement "à protéger la liberté d’expression et de rassemblement" et sa volonté de mener à bien "l’évolution démocratique" du pays.
Les responsables de l’opposition libérale et de gauche du FSN ont entamé dans l’après-midi une réunion pour examiner la situation. L’un des ses chefs, Mohamed ElBaradei, a averti que "la violence et le chaos se poursuivront" si M. Morsi continuait à marginaliser l’opposition.
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