Cinpharm : Pilule amère

Cinpharm ambitionnait d’être un fleuron de l’industrie pharmaceutique en Afrique centrale. Mais depuis la défaillance de son partenaire technique, l’entreprise camerounaise est à l’arrêt.

Le site industriel de Cinpharm, au Cameroun. © Cinpharm

Le site industriel de Cinpharm, au Cameroun. © Cinpharm

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Publié le 25 octobre 2013 Lecture : 3 minutes.

Ne lui parlez surtout plus des Indiens. « J’en ai eu mon compte », lâche amèrement Célestin Tawamba, 47 ans, le président-directeur général de la Compagnie industrielle pharmaceutique (Cinpharm). Allusion à Cipla, leader mondial dans la fabrication de médicaments génériques et son ancien partenaire technique… En avril, après avoir passé une année à nier sa responsabilité, la firme asiatique s’est fendue d’une lettre d’excuses pour avoir livré une matière première de mauvaise qualité. « Nous avons dès le départ ouvert une lettre de crédit de 1 milliard de F CFA [1,5 million d’euros] à Cipla et, à l’arrivée, 80 % du stock était inutilisable », glisse Tawamba, qui a intenté un procès à la firme indienne.

Inauguré en grande pompe en avril 2010, Cinpharm, né avec un capital de 11 milliards de F CFA sur les ruines de Rhône-Poulenc Cameroun, devait être le fleuron de l’industrie pharmaceutique en Afrique centrale. Depuis le 1er mai dernier, l’entreprise, filiale du holding Cadyst-Invest, est à l’arrêt après avoir essuyé plus de 3,5 milliards de F CFA de pertes au cours des deux dernières années. Environ 300 personnes sont au chômage technique. À l’entrée de l’usine, au nord de Douala, des vigiles empêchent toute intrusion pour préserver l’outil de production.

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L’entreprise est à l’arrêt après avoir essuyé plus de 3,5 milliards de F CFA de pertes au cours des deux dernières années.

Caution

La sollicitude gouvernementale n’a pourtant pas fait défaut, à travers des commandes sans appel d’offres de la Centrale nationale d’approvisionnement en médicaments essentiels (Cename). « À peine 20 % de ce que nous demandions a pu être livré », observe un responsable de cette centrale publique d’achat de médicaments. Le laboratoire pharmaceutique n’aura pu tourner qu’à 15 % à peine de sa capacité, et ce en dépit d’une trentaine de médicaments mis sur le marché. « Le promoteur a vu trop grand tout de suite alors qu’il n’avait pas d’expérience dans le domaine, souligne un financier qui connaît bien le dossier. Il aurait d’abord dû tester doucement le marché local plutôt que de viser directement la sous-région. »

Après avoir mis un terme à son partenariat avec Cipla, Célestin Tawamba s’est tourné vers les Tunisiens de la Société arabe des industries pharmaceutiques (Saiph) pour l’accompagnement industriel. Mais Cinpharm étant confronté à un besoin chronique en fonds de roulement, la relation a fait long feu. Sollicitée une seconde fois pour servir de caution auprès d’une banque locale, pour un financement additionnel de 1,8 milliard de F CFA nécessaire à l’achat d’intrants, l’agence de développement allemande DEG, jusqu’alors soutien de Cinpharm, s’est finalement désistée…

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Aventure

Seule bonne nouvelle, la restructuration financière serait en meilleure voie, affirme Célestin Tawamba. La dette à long terme – soit 7,5 milliards de F CFA – a été restructurée à 93 % et il ne reste que 500 millions de F CFA à rembourser aux banques. Tirant les leçons de l’aventure avec Cipla, Tawamba s’est mis à la recherche d’une nouvelle alliance. « Il devra s’agir d’un partenaire stratégique financier et technique, qui entrera dans l’actionnariat, et non plus d’un partenaire technique prestataire », affirme l’homme d’affaires à Jeune Afrique, sans toutefois dévoiler l’identité des groupes avec lesquels il est en négociation. Espérant rouvrir son usine dans six mois au plus tard, il estime avoir besoin de 5 à 6 millions d’euros de recapitalisation, correspondant au fonds de roulement nécessaire. En concurrence avec six laboratoires locaux, dont GeneMark, le leader actuel soutenu par le fonds I&P et Sep Pharma, Célestin Tawamba maintient son ambition : atteindre un jour 15 % à 20 % de parts de marché.

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