En Algérie, six ans de prison de plus pour l’ex-« dircab » de Sellal

Proche d’Ali Haddad, Mustapha Rahiel a déjà été condamné dans plusieurs affaires. On lui reproche notamment d’avoir détourné une partie des fonds destinés à la campagne pour la réélection de l’ancien président Bouteflika.

Des journalistes attendent, devant le tribunal Sidi M’Hamed d’Alger, l’arrivée des véhicules transportant plusieurs hauts responsables Algérien, au premier jour de leur procès, le 2 décembre 2019. © RYAD KRAMDI/AFP

Des journalistes attendent, devant le tribunal Sidi M’Hamed d’Alger, l’arrivée des véhicules transportant plusieurs hauts responsables Algérien, au premier jour de leur procès, le 2 décembre 2019. © RYAD KRAMDI/AFP

Publié le 23 novembre 2023 Lecture : 4 minutes.

Devant sa somptueuse villa placée sous scellés du quartier de Dely Brahim prend forme un amas de feuilles mortes que seul le vent, qui soufflera fort ces jours-ci annonce le bulletin météo, pourrait venir balayer. La requête de levée de saisie de biens introduite auprès de la justice en référé en mai 2022 par une vingtaine de hauts responsables du pays a été rejetée. Et l’un de ces requérants, le propriétaire de cette bâtisse, un homme sous le coups de plusieurs condamnations dans des affaires de corruption et d’abus de fonction – et incarcéré depuis 2020 – comparaissait ce mercredi 22 novembre devant le pôle économique et financier du tribunal algérois de Sidi M’Hamed.

Mustapha Rahiel, puisque c’est lui dont il est question ici, ne devrait pas sortir de si tôt. Le directeur de cabinet de l’ancien Premier ministre Abdelmalek Sellal répondait ce mercredi, aux cotés de l’homme d’affaires et député du Front de libération national (FLN) Abdelmalek Sahraoui, de l’accusation de « bande criminelle organisée ». Le tribunal l’a gratifié d’une peine de six ans ferme.

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Abdelmalek Sahraoui écope, lui, de dix ans de détention. Accusé d’avoir, à travers près d’une centaine de sociétés écrans, obtenu « des crédits bancaires par des moyens frauduleux, de connivence avec certains fonctionnaires d’administrations publiques », selon le dossier judiciaire, il devra verser pour chacune de ces entités une amende record de 32 millions de dinars (près de 220 000 euros). Une sentence pécuniaire assortie de la confiscation de tous les fonds, biens mobiliers et immobiliers et avoirs bancaires de l’homme d’affaires, autrefois l’une des plus grandes fortunes du pays.

Placé en détention préventive en juin 2020 pour corruption, « malversation et mauvaise utilisation de fonction », Mustapha Rahiel cumule pour sa part un total de vingt-deux ans d’incarcération. Mais il ne purgera, selon la législation algérienne, que la peine prononcée la plus importante. À savoir celle qui concerne ses anciennes activités de secrétaire général du ministère des Ressources en eau, et qui lui ont valu dix ans de prison – dans l’affaire de corruption qui a touché l’Agence des barrages et des transferts. Il a été condamné, en outre, à trois ans de détention dans le sillage du scandale autour de l’hôtel Yugarithen Palace de Béjaïa.

Intervention dans un dossier de construction

Lors des travaux de ce palace, les entrepreneurs s’étaient rendu compte qu’un pipeline, qui plonge dans le tout proche terminal du port pétrolier de la ville, posait problème. L’investisseur avait alors sollicité l’intervention du Premier ministre Abdelmalek Sellal afin de mettre fin aux oppositions des différents services locaux compétents, dont la direction de l’énergie de la wilaya de Béjaïa, qui compromettaient l’achèvement de cet hôtel d’une superficie de plus de 16 000 m2, qui avait déjà coûté plus de 4 millions de dollars.

La situation avait été finalement débloquée en 2015 et le promoteur avait pu relancer le projet à la suite d’une correspondance du cabinet du Premier ministre qui exhortait les autorités chargées du dossier à autoriser la reprise des travaux de construction de l’hôtel, tout en veillant à ce que l’investisseur concerné respecte les règles de sécurité du site. À la barre, à l’époque : Mustapha Rahiel. Qui expliquait que « l’intervention de la primature dans ce projet local s’inscrivait dans le cadre des facilités accordées aux investisseurs pour créer de nouveaux emplois ». Une justification qui, visiblement, n’a pas convaincu le tribunal. Son verdict : trois ans de prison.

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Mais, les déboires de l’ancien « dircab » ne s’arrêtent pas la. Il reçoit à nouveau de trois ans de détention dans le cadre du procès du minotier Hocine Metidji. Et c’est dans le sillage de cette affaire que la justice décide de confisquer tous ses biens et comptes bancaires.

Un protégé d’Ali Haddad

Pourtant, lorsque les premiers procès pour corruption d’anciens hauts dirigeants et grands patrons du secteur automobile ont commencé en décembre 2019, Mustapha Rahiel avait réussi à passer sous les radars. Ce n’est qu’une année après l’arrestation de celui qui a propulsé sa carrière, Ali Haddad, qu’il finit par être arrêté. On l’accuse alors de détournement de fonds ainsi que d’être impliqué dans la disparition de sommes gigantesques destinées à la campagne du cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika.

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Les deux hommes se connaissaient depuis longtemps. Quand Ali Haddad, patron du Forum des chefs d’entreprises (FCE, principal syndicat patronal), devenu puissant oligarque à la fin de l’ère Bouteflika, a lancé son entreprise de travaux publique dans les années 1990, Mustapha Rahiel était directeur de la wilaya de Tizi Ouzou– où se concentraient la plupart des activités de l’entrepreneur. Toujours par l’entremise d’Ali Haddad, Rahiel est nommé secrétaire général du ministère des Ressources en eau, puis, après la prise de fonction d’Abdelmalek Sellal en tant que Premier ministre, en avril 2014, peu après la réélection de Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat, il devient le directeur de son cabinet, avec rang de ministre.

Comme le président Bouteflika était à l’époque totalement invalide, la gestion des affaires du pays passe de fait entre les mains d’Abdelmalek Sellal, selon l’aveu de ce dernier lors de l’un de ses procès. Par ricochet, Mustapha Rahiel acquiert la haute main sur le fonctionnement du gouvernement, puis sur l’organisation de la campagne pour le cinquième mandat. Après s’être taillé une place de choix dans le premier cercle du pouvoir, il sera, tout comme une vingtaine d’anciens ministres, rattrapé par les enquêtes lancées après la démission du président Bouteflika.

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