Ni « chassée d’Afrique », ni « en déclin » : la France est-elle dans le déni ?
Pour le ministre français délégué au Commerce extérieur, la France n’a pas été chassée d’Afrique. Tout juste semble-t-elle changer son fusil d’épaule.
-
Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 23 novembre 2023 Lecture : 2 minutes.
Alors que les députés français et leur gouvernement débattaient, ce 21 novembre, des « partenariats renouvelés entre la France et les pays africains », le ministre délégué au Commerce extérieur déroulait ce qui ressemble à une méthode Coué, carte d’embarquement à l’appui. C’est avant un voyage à Lagos qu’Olivier Becht a voulu détourner le regard du Sahel « souverainiste » en atomisant le cliché du pré-carré francophone, alors que le Nigeria est, selon son ministère, « le premier partenaire commercial de la France en Afrique subsaharienne ».
« Pas du tout en déclin »
À l’Agence France-Presse, le ministre délégué a été catégorique : « Contrairement à ce que véhiculent certains médias, et notamment les réseaux sociaux, la France n’est absolument pas chassée d’Afrique et nous ne sommes pas du tout en déclin ». Et le représentant de commerce gouvernemental de dérouler la logorrhée d’usage. Accompagné, à Lagos, d’une dizaine de PME, il participera notamment à la signature de « plusieurs contrats », son pays fabriquant aujourd’hui « parmi les meilleurs produits au monde (…) qui sont aux normes environnementales (…), prennent en compte les populations locales et (…) cherchent à créer de la valeur ajoutée », et ceci « dans tous les domaines », notamment le développement d’infrastructures de mobilité, d’éducation et de santé.
En bon VRP, il n’a pas manqué d’égratigner la concurrence, arguant que la qualité des prestations françaises n’est pas « toujours le cas des entreprises chinoises ou russes ». Une manière de faire un clin d’œil déguisé aux frictions diplomatiques entre la France et certains pays d’Afrique francophone. Pour dissocier la place de son pays en Afrique des humiliations récentes, notamment au Sahel, Olivier Becht mise manifestement sur deux aspects : la réorientation géographique des partenariats et l’accent sur l’économie plus que sur la politique…
« L’influence de la France aujourd’hui, comme beaucoup de puissances, passe par l’économie », a insisté Olivier Becht, en même temps que sa ministre de l’Europe et des Affaires étrangères débattait de questions plus diplomatiques, sous la pression des élus d’opposition, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Et Catherine Colonna de dérouler des éléments de langage finalement aussi génériques, en évoquant la volonté de « bâtir des partenariats respectueux et responsables, faits d’écoute et de dialogue ».
Marine Le Pen, que la plupart des sondages actuels situent en tête du premier tour de la prochaine élection présidentielle française – encore fort lointaine, il est vrai -, s’est désolée qu’il n’y ait « plus de politique africaine de la France » depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron…
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Économie & Entreprises
- L’arrestation du PDG du groupe CHO secoue l’huile d’olive tunisienne
- Comment Air France compense son absence des États du Sahel
- Mines d’or au Mali : la junte place le CEO de l’australien Resolute en détention
- Chez Tunisair, la purge des dirigeants se poursuit et les pertes s’accumulent
- Ce que l’Algérie et la France auraient à perdre (ou pas) d’un embargo réciproque