Somalie : le sort de Denis Allex incertain, les Shebab avaient été prévenus de l’opération française

Les commandos français ont échoué à libérer un otage samedi en Somalie après s’être heurtés à la résistance de combattants islamistes. Ceux-ci auraient été alertés in extremis par la population locale, lors d’un raid au cours duquel huit civils ont été tués, ont rapporté dimanche des témoins.

Des combattants shebab acclamés par des enfants. © AFP

Des combattants shebab acclamés par des enfants. © AFP

Publié le 13 janvier 2013 Lecture : 3 minutes.

Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a reconnu samedi que la résistance avait été "plus forte que prévu" pour les commandos, débarqués dans le sud somalien pour libérer un des leurs, un agent de la DGSE (services secrets et de renseignement) détenu depuis plus de trois ans par des insurgés islamistes. Le sort de cet otage, présenté comme Denis Allex — sans doute un pseudonyme — demeurait incertain dimanche. Le ministre français de la Défense a estimé samedi que "tout donnait à penser que Denis Allex avait été abattu par ses geôliers" lors du raid.

Les islamistes shebab affirment de leur côté que leur otage est toujours vivant et détenu loin du lieu de l’attaque française, mais ils n’en avaient toujours pas apporté la preuve dimanche à la mi-journée. Ils ont ajouté que le militaire français serait jugé d’ici lundi soir. Une certaine imprécision demeure également sur l’ampleur des pertes françaises. Le président François Hollande a salué samedi soir "le sacrifice de deux soldats", alors que M. Le Drian avait auparavant fait état d’un soldat tué et d’un autre "porté disparu". Les shebab assurent détenir un soldat français blessé, là non plus sans en avoir encore apporté la preuve. Le gouvernement français a fait état de la mort de 17 "terroristes".

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Le film des événements du raid infructueux commençait dimanche à se préciser, à partir d’informations et de témoignages recueillis par l’AFP. Au moins cinq hélicoptères ont débarqué au milieu de la nuit de vendredi à samedi une cinquantaine de commandos du service action (SA) de la DGSE à proximité de Bulomarer, localité sous contrôle islamiste au sud de la capitale Mogadiscio, selon une source dans les milieux du renseignement français. Les Français ont atterri à trois kilomètres de la localité où était censé être détenu l’otage, mais leur présence a été rapidement éventée, selon des témoins.

"Des gens ont vu (les commandos français) débarquer dans des champs, les shebab ont été informés que des hélicoptères avaient atterri et qu’ils avaient débarqué des soldats, et ainsi ils (les islamistes) ont pu se préparer", a déclaré un habitant de Bulomarer, Adan Derow, interrogé au téléphone depuis Mogadiscio. "Les combattants moudjahidine étaient déjà au courant de l’attaque et nous étions prêts à nous défendre, grâce à Dieu", a confirmé à l’AFP un commandant local islamiste, Cheikh Mohamed Ibrahim. Des combats acharnés ont duré environ 45 minutes, selon les shebab, avant le retrait des commandos français.

Colère de la population locale

La population locale, pour sa part, pleurait dimanche la mort de huit victimes civiles, selon plusieurs témoins interrogés par l’AFP. Quatre de ces civils ont été tués lors de la progression au sol des commandos vers Bulomarer, dans des circonstances qui restent à éclaircir: un couple, leur fils et un autre homme, a priori des éleveurs locaux selon les habitants du secteur. Quatre autres civils ont été tués par des balles perdues dans les combats à Bulomarer, dont une femme, son enfant et le gardien d’un marché. "Nous ne savons pas pourquoi des civils ont été tués" hors de Bulomarer, a indiqué Ali Moalim Hassan, un notable local, ajoutant que leurs corps ont été retrouvés près d’un lieu appelé Dhaydog.

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Plusieurs habitants exprimaient leur colère. "Ils ont tué des civils innocents et ils sont repartis sans avoir rien obtenu, les gens ici sont très déçus du gouvernement français en raison de ces victimes civiles", a déclaré un autre habitant de Bulomarer, Moalim Ahmed Nur. "Ces gens (les commandos français) étaient fous", s’énerve un employé somalien d’une agence humanitaire locale, s’exprimant sous couvert d’anonymat. "On nous dit qu’ils étaient environ une quarantaine face à plus de cent combattants shebab lourdement armés. Leur mission était impossible et très peu professionnelle".

Les islamistes shebab ont perdu la totalité de leurs bastions depuis un an et demi face à l’avancée d’une coalition d’armées régionales mieux armée, mais ils contrôlent encore des parties rurales du Sud et du centre de la Somalie, un pays pauvre de la Corne de l’Afrique privé de gouvernement centralisé depuis 1991.

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