Colonisation française : ce que recommande la commission d’historiens français et algériens
Réunis cette semaine à Constantine, les membres de la commission mixte sur la colonisation et la mémoire ont défini un calendrier de travail et soumis des propositions à Abdelmadjid Tebboune et à Emmanuel Macron.
![Emmanuel Macron au monument des Martyrs, à Alger, le 25 août 2022. © Ludovic Marin/AFP](https://prod.cdn-medias.jeuneafrique.com/cdn-cgi/image/q=auto,f=auto,metadata=none,width=1215,fit=cover,gravity=0.3676x0.3384/https://prod.cdn-medias.jeuneafrique.com/medias/2023/11/20/jad20231120-mmo-algerie-france-commission-mixte-historiens-macron-stora-photo3.jpg)
Emmanuel Macron au monument des Martyrs, à Alger, le 25 août 2022. © Ludovic Marin/AFP
À l’issue de leur première réunion organisée le 22 novembre à Constantine, les membres de la commission mixte algéro-française sur la mémoire et la colonisation sont parvenus à la conclusion d’un mémorandum en 11 points, comportant des propositions et une feuille de route.
Paraphées par les deux présidents de la commission – Mohamed Lahcen Zighidi pour la partie algérienne et Benjamin Stora pour la partie française –, ces propositions seront soumises aux deux chefs d’État, Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune, qui sont à l’initiative de la création de cette instance.
Bibliothèque et numérisation
Au terme d’échanges qualifiés de cordiaux et chaleureux, les historiens sont convenus de poursuivre l’établissement d’une chronologie des faits militaires, politiques, économiques, sociaux et culturels survenus entre 1830 et 1962, ainsi que de fonder une bibliothèque commune de recherches et de sources imprimées ou manuscrites sur le XIXe siècle. Celle-ci servira de base à l’édition, à la numérisation et à la traduction vers les deux langues des sources et travaux les plus importants, et à leur éventuelle restitution à l’Algérie.
Les historiens sont également convenus de créer un portail numérique – à l’image de celui de Gallica – consacré aux sources imprimées, aux archives numérisées, aux thèmes et aux travaux de recherche, à la cartographie et aux ressources iconographiques, sonores et filmiques, à la chronologie, etc.
Les membres de la commission se sont par ailleurs entendus sur un programme d’échange et de coopération de quinze doctorants et chercheurs algériens, et, en France, pour mener des missions d’inventaire et d’étude des archives de la période coloniale. De l’avis de l’un des participants, les Algériens se sont montrés disposés à ouvrir les archives laissées par la France après l’indépendance de 1962.
Le mémorandum de Constantine rédigé par la commission soulève, par ailleurs, la question de l’identification et de la recension des cimetières, des tombes, du nombre et des noms des détenus algériens du XIXe siècle décédés et enterrés en France, ainsi que la valorisation de ces lieux de mémoire sur le portail de la commission. La commission entend également achever la numérisation des registres d’état-civil et des cimetières de la période coloniale conservés en Algérie.
Parmi les propositions soumises aux présidents français et algérien, la commission recommande la restitution à Alger de vingt-neuf rouleaux et de treize registres de la période ottomane, ainsi que celle de 2 millions de documents numérisés concernant l’époque coloniale – la période concernée étant, pour le moment, celle va du début de la conquête, en 1830, jusqu’à la fin du XIXe siècle. Les historiens proposent aussi la restitution de deux crânes d’Algériens tués au cours des révoltes du XIXe siècle, ainsi que la poursuite de l’identification de restes humains restituables à l’Algérie.
En juillet 2020, à la veille des célébrations du 58e anniversaire de l’indépendance, la France avait déjà restitué les restes de 24 résistants algériens tués aux cours du XIXe siècle, un geste dicté par la volonté de Paris d’apaiser les mémoires.
Le sabre et le burnous d’Abdelkader
Les membres de la commission proposent en outre de rendre à Alger des biens ayant appartenu à l’émir Abdelkader, premier chef de la résistance, ou à d’autres personnalités algériennes. Il s’agirait notamment du sabre, du burnous et du coran de l’émir, qui capitula en 1847 après une guerre de dix-sept années. Ce burnous en caftan blanc avait été offert au Musée historique de l’armée en 1897 par l’un des fils d’Abdelkader, l’émir El Hachemi. Quant au sabre, toujours propriété du musée (devenu Musée de l’armée-Invalides), il s’agirait de celui que l’émir aurait remis au duc d’Aumale lors de sa reddition, le 23 décembre 1847. Celui-ci l’aurait ensuite offert au général Lamoricière pour le remercier du rôle qu’il joua dans la défaite du résistant algérien.
La visite du château d’Amboise, où l’émir Abdelkader fut détenu de 1848 à 1852, constitue une étape majeure de la visite que le président Tebboune doit prochainement faire en France. La date de ce déplacement, qui constitue un sujet de tensions entre Paris et Alger, n’est toutefois pas encore tranchée.
Après cette première étape de Constantine, les membres de la commission d’historiens se sont, quant à eux, accordés sur le principe de nouvelles réunions en 2024 : en janvier en France et en mars en Algérie.
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