Au Tchad, adoption de la controversée loi d’amnistie du « jeudi noir »

Le gouvernement tchadien a annoncé jeudi 23 novembre l’adoption d’une loi d’amnistie générale pour les interpellés et condamnés des manifestations meurtrières du 20 octobre 2022.

Le président tchadien de la transition, Mahamat Idriss Déby, à N’Djamena, le 12 juin 2021. © Vincent Fournier pour JA

Le président tchadien de la transition, Mahamat Idriss Déby, à N’Djamena, le 12 juin 2021. © Vincent Fournier pour JA

Publié le 24 novembre 2023 Lecture : 3 minutes.

Le gouvernement du président Mahamat Idriss Déby Itno et du Premier ministre Saleh Kebzabo a annoncé ce 23 novembre une amnistie générale pour les interpellés et condamnés des manifestations meurtrières du 20 octobre 2022. Celle-ci concernera les civils mais aussi les policiers et les militaires, raison pour laquelle le projet d’amnistie avait soulevé un tollé dans les rangs d’une partie de l’opposition et chez certaines ONG. Ceux-ci accusent le pouvoir de vouloir ainsi soustraire à la justice les membres des forces de sécurité ayant participé à la répression des manifestations.

Le Conseil national de transition (CNT) a adopté la loi d’amnistie à 92,4 % des membres de cet organe législatif nommés par le général Mahamat Idriss Déby Itno – devenu président de transition il y a deux ans et demi. Ce sont 145 conseillers nationaux qui ont voté pour, six contre et deux se sont abstenus, a indiqué Abderaman Koulamallah, ministre de la Réconciliation nationale. Dans le cadre d’une volonté de « réconciliation nationale », selon le texte, la loi s’applique donc à « tous les Tchadiens, civils et militaires ».

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Le 22 octobre 2022, des manifestants avaient protesté contre le maintien des militaires au pouvoir, qui venaient de faire prolonger de deux ans une transition de dix-huit mois au terme de laquelle ils avaient initialement promis de le rendre aux civils par des élections. Une cinquantaine de personnes avaient été tuées ce jour-là, selon les autorités, entre une centaine et 300 selon l’opposition et des ONG locales et internationales, pour la quasi-totalité des jeunes manifestants tués par balles par les militaires et les policiers, essentiellement à N’Djamena.

Procès de masse sans avocats

Quelques jours après ce que l’opposition appelle le « jeudi noir », le pouvoir avait annoncé que « plusieurs membres des forces de l’ordre avaient aussi été tuées ce jour-là ». Mais, un an après, le gouvernement de transition ne parlait que de six, dont trois policiers dans la capitale. À ce jour, plus de 400 jeunes manifestants, parmi plus de 600 au moins emprisonnés, ont été condamnés à de la prison ferme pour « insurrection », avant d’être graciés par Mahamat Déby, puis remis en liberté. Mais aucun membre des forces de l’ordre n’a été publiquement incriminé, ni aucune arrestation annoncée parmi eux.

Le 20 octobre 2022 et les jours qui ont suivi, plus de 600 jeunes manifestants, dont 83 mineurs, avaient été arrêtés, selon le gouvernement, et conduits dans la prison de Koro Toro en plein milieu du désert. Au bout d’un mois et demi, dans ce pénitencier d’ordinaire réservé aux détenus de Boko Haram et du groupe État islamique (EI), plus de 400 d’entre eux y avaient été condamnés dans un procès de masse sans avocats. L’opposition et les ONG locales et internationales avaient évoqué, elles, entre 1 000 et 2 000 personnes arrêtées dans de vastes rafles, dont des dizaines sont, depuis, portées disparues, victimes d’« exécutions extra-judiciaires » ou pendant leur transport à Koro Toro. D’autres ont été victimes d’actes de « torture ».

« Bien que les autorités aient immédiatement promis une enquête, tout ce que nous avons vu jusqu’à présent ce sont des procès iniques de manifestants […] et l’absence d’investigations sérieuses sur les responsables présumés des homicides », avait déploré Amnesty international le 20 octobre dernier. « Nous exigeons toujours qu’une enquête internationale soit faite », a déclaré Adoum Mahamat Boucar, président de la Ligue tchadienne des droits humains (LTDH), qui fustige une « culture de l’impunité ». Un référendum est prévu le 17 décembre pour l’adoption d’une nouvelle Constitution ouvrant la voie à des élections présidentielle et législatives en 2024.

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(Avec AFP)

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