Loi sur l’immigration en France : que contient le texte discuté cette semaine à l’Assemblée ?

Régularisations dans certains métiers, expulsion d’étrangers délinquants facilitées, aide médicale de l’État… Le projet de loi immigration, assorti des très nombreux tours de vis de la droite sénatoriale, est présenté ce 27 novembre à l’Assemblée nationale française.

Le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’adresse au Sénat lors d’une séance de vote pour le projet de loi sur l’immigration, à Paris, le 14 novembre 2023. © Geoffroy Van der Hasselt / AFP

Le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’adresse au Sénat lors d’une séance de vote pour le projet de loi sur l’immigration, à Paris, le 14 novembre 2023. © Geoffroy Van der Hasselt / AFP

Publié le 27 novembre 2023 Lecture : 3 minutes.

Le projet de loi « immigration » va être discuté cette semaine par les députés français, dans un contexte tendu entretenu notamment par les partis d’extrême droite. Pendant une semaine la commission des lois va imprimer sa patte sur cette version sénatoriale qui compte 90 articles contre 27 initialement. La gauche y est farouchement opposée. La droite entend la durcir. Et le camp présidentiel, privé de majorité absolue, espère en élaguer ou réécrire une large partie sans se diviser ni hypothéquer une éventuelle adoption. Voici les principales mesures prévues dans le texte.

Nouveaux critères d’expulsion

Le texte prévoit, en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sûreté de l’État, de supprimer l’essentiel des protections contre l’expulsion dont bénéficient certains immigrés (à l’exception des mineurs), dont ceux arrivés en France avant l’âge de 13 ans ou résidant sur le territoire depuis plus de vingt ans. Voulues par le gouvernement et durcies par la majorité sénatoriale de droite et du centre, ces dispositions visent les personnes condamnées pour des crimes ou délits punis de cinq ans ou plus d’emprisonnement.

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L’enfermement en centre de rétention pour les mineurs de moins de 16 ans est interdit, mais des amendements de la gauche, du groupe indépendant Liot et de la majorité proposeront d’étendre la mesure à tous les mineurs.

Régularisations : accord ou fracture ?

La mesure la plus médiatisée du texte du gouvernement, et qui clive jusqu’au sein de son camp à l’Assemblée, a été nettement restreinte au Sénat. Les travailleurs sans-papiers exerçant dans des métiers en tension pourront obtenir un titre de séjour d’un an, mais à titre exceptionnel et non de plein droit comme le prévoyait la procédure du texte initial. La Chambre haute l’a remplacée par une procédure totalement à la main des préfets et assortie de conditions multiples.

Le rapporteur général à l’Assemblée nationale, Florent Boudié (parti Renaissance), a proposé une version au milieu du gué, censée unifier la majorité et convaincre des députés de l’opposition. Il propose une procédure de régularisation de principe pour ces travailleurs, à laquelle le préfet pourrait s’opposer en cas de trouble à l’ordre public, de polygamie ou de non-respect des valeurs de la République. Les sénateurs ont supprimé la possibilité pour les demandeurs d’asile (de nationalité) bénéficiant d’un fort taux de protection d’accéder directement au marché du travail. Une mesure que le camp présidentiel entend rétablir.

Famille, santé, etc. : durcissements en série

Le Sénat a transformé l’aide médicale d’État (AME), couvrant les frais de santé des personnes en situation irrégulière, en une « aide médicale d’urgence », resserrée sur les « maladies graves », les soins liés à la grossesse ou les vaccinations réglementaires. Des amendements de tous bords proposeront de supprimer cette réforme du texte bien que plusieurs cadres du camp présidentiel, dont Gérald Darmanin, aient appelé à une réflexion sur l’AME.

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La mouture sénatoriale entend aussi « resserrer les critères du regroupement familial » en renforçant notamment les conditions de séjour et de ressources d’un demandeur. Autres ajouts au Sénat : l’instauration de « quotas en matière migratoire », le rétablissement du délit de séjour irrégulier (uniquement assorti d’une amende), la fin de l’automaticité du droit du sol permettant aux enfants nés en France de parents étrangers d’obtenir la nationalité française à leur majorité… Les étrangers devraient aussi justifier de cinq ans de résidence pour pouvoir bénéficier d’allocations comme l’aide personnalisée au logement (APL) ou les allocations familiales, contre six mois actuellement. Des députés de gauche, de Liot et certains de la majorité tenteront de revenir sur ce durcissement.

Réforme de l’asile

Le gouvernement propose une réforme structurelle de l’asile avec un double objectif : accélérer les procédures et expulser plus rapidement, alors que le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire (OQTF) a chuté à 6,9 % au premier semestre 2022. L’une des mesures vise à délivrer une OQTF dès le rejet d’une demande d’asile en première instance, sans attendre un éventuel recours. Le contentieux des étrangers a été largement simplifié. Douze procédures permettent aujourd’hui de contester une expulsion : cela a été divisé par trois.

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Rares avancées sociales

La gauche, minoritaire au Sénat, a obtenu le maintien de quelques mesures, comme le durcissement des sanctions pour les employeurs d’une main d’œuvre illégale et l’obligation d’aménager du temps de travail à certains employés pour prendre des cours de français. Un amendement communiste est venu octroyer une carte de séjour temporaire aux sans-papiers qui portent plainte contre des marchands de sommeil.

(Avec AFP)

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