Centrafrique : Bangui a peur, surtout la nuit

Bangui, où un couvre-feu a été instauré de 19h à 5h, vit désormais dans la peur, surtout à la tombée de la nuit, avec des rues désertes et silencieuses où évoluent des hommes armés de machettes et de flèches, alors que les rebelles se rapprochent de la capitale.

Un soldat centrafricain dans une rue de Bangui, le 28 décembre 2012. © AFP/Sia Kambou

Un soldat centrafricain dans une rue de Bangui, le 28 décembre 2012. © AFP/Sia Kambou

Publié le 30 décembre 2012 Lecture : 3 minutes.

Bangui, où un couvre-feu a été instauré de 19h à 5h, vit désormais dans la peur, surtout à la tombée de la nuit, avec des rues désertes et silencieuses où évoluent des hommes armés de machettes et de flèches, alors que les rebelles se rapprochent de la capitale.

Avec la prise de la ville symbolique de Sibut, à 160 km au nord par l’alliance Séléka qui veut renverser le président François Bozizé, la situation s’est brusquement tendue dans la capitale de près d’un million d’habitants dont la majorité vit dans la pauvreté, sous un océan de toits de tôles au bord de routes de terre poussiéreuses en cette saison sèche.
Si la journée, Bangui "la coquette" comme elle est surnommée, paraît calme, la nuit elle se transfigure.

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Samedi soir, à l’annonce du couvre-feu, magasins, restaurants et bars ont fermé en toute hâte tandis que toute circulation de voiture cessait. "Le couvre-feu m’a presque empêchée de dormir tellement c’était silencieux", a déclaré une habitante, évoquant "un calme angoissant". A ce silence s’ajoute l’obscurité dans une ville faiblement électrifiée et où les coupures de courant durent plusieurs heures de la nuit.

Dans le centre-ville, la nuit, les bruits des groupes électrogènes couvrent les conversations des dizaines de gardiens équipés de machettes, embauchés pour éviter les pillages. Parfois , l’un d’eux racle son couteau sur le trottoir, créant un bruit inquiétant, même si ces gardes improvisés et impassibles, prenant le thé, n’ont aucune attitude agressive.

"L’insécurité est partout"

La situation est différente dans les quartiers périphériques où, à l’appel du pouvoir, des groupes "d’autodéfense" formés de jeunes ont mis en place des barrages pour contrôler les routes et, officiellement, éviter les infiltrations de rebelles. "On a distribué des paquets de machettes à des désoeuvrés. Ils contrôlent tout le monde et demandent de l’argent pour le café. Parfois, ils prennent tout l’argent", affirme un habitant d’un quartier nord, sous le couvert de l’anonymat .

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Ces quartiers, fiefs du président Bozizé, sont situés sur la route du nord qui mène vers l’insaisissable ligne de front qui ne cesse de reculer avec la retraite continuelle des Forces armées centrafricaines, sous-équipées, démotivées et mal payées. "J’ai très peur. Je suis musulman. J’hésite à sortir", affirme cet habitant. Les groupes "d’autodéfense" "ne font pas la différence entre les rebelles musulmans et les musulmans tout court. C’est du n’importe quoi", dit-il.

La situation est similaire à Kassai, un quartier de la périphérie est. "Ils m’ont contrôlé alors qu’ils me connaissent. On est inquiet. Ils sont armés de machettes et de Kokora" (flèches en sango, langue nationale), rapporte un chauffeur de taxi. "Les jeunes ont cru bon de prendre des initiatives qu’ils appellent de la +vigilance+. Si la personne paraît suspecte, ils la remettent à la police", a expliqué à l’AFP le ministre de l’Administration territoriale José Binoua, précisant que le président Bozizé a donné des instructions pour que tout racket ou agression soit "sanctionné".

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Néanmoins, des témoignages concordants parlent d’arrestations abusives et de disparitions. Selon un proche du pouvoir, "il y a une opération +Hibou+ des forces de l’ordre qui arrêtent de nombreux musulmans". Le principal opposant, l’ancien Premier ministre Martin Ziguelé, a "dénoncé" dimanche ces pratiques et la "recherche de boucs émissaires". "On n’a pas besoin de forces supplétives ou d’organisations spéciales pour assurer la sécurité en lieu et place de la police ou la gendarmerie", a-t-il déclaré à l’AFP.

Infiltration

Le porte-parole de la coalition Séléka, Eric Massi, qui n’a pas exclu d’attaquer la capitale, s’est dit "inquiet de la situation sécuritaire à Bangui" pour les familles et proches du Séléka "qui sont harcelés, intimidés et même enlevés". L’éventualité d’une attaque rebelle fait trembler de nombreux habitants. "J’ai peur. Si les rebelles viennent, comment on va faire pour manger?", affirme Marie une vendeuse ambulante, enceinte, qui réside dans l’est de la ville.

Gabin, un habitant des quartiers nord, soutient le régime et l’instauration du couvre-feu: "L’insécurité est partout. Les rebelles sont à 160 km. Le gouvernement a raison. Le couvre-feu va permettre de contrôler les intrus". Une des peurs du régime est en effet l’infiltration d’éléments de la rébellion. "Pour prendre d’autres villes, ils arrivent par groupes de trois, quatre discrètement, et après ils sont dans la place", affirme une source au ministère de l’Intérieur.

"On prie Dieu. Dieu est le seul à pouvoir nous sauver", affirmait un serveur dimanche alors que Bangui s’apprêtait à vivre sa deuxième nuit sous couvre-feu et sous la menace rebelle.
 

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