Kenya : Odinga et Kenyatta nommés candidats à la présidentielle
Le Premier ministre kényan Raila Odinga, candidat malheureux à la présidentielle kényane fin 2007, retentera sa chance en mars face au vice-Premier ministre Uhuru Kenyatta, inculpé par la justice internationale pour son rôle présumé dans les violences nées du dernier scrutin.
Les deux hommes, tous deux acteurs majeurs de la crise de 2007, ont été officiellement désignés candidats samedi par leurs coalitions électorales respectives – Coalition pour la réforme et la démocratie (CORD) pour M. Odinga, Jubilé pour M. Kenyatta – pour ce scrutin à haut risque. "Je m’engage auprès du peuple kényan et de la Coalition pour la réforme et la démocratie (CORD) en acceptant la nomination à la candidature présidentielle", a déclaré le Premier ministre, au cours d’un meeting dans la capitale kényane Nairobi. "J’ai été mandaté (…) pour être candidat à l’élection générale du 4 mars et je ne vous laisserai jamais tomber," a répondu peu après le vice-Premier ministre, lors d’un autre rassemblement dans la très touristique ville côtière de Mombasa, deuxième ville du pays et point stratégique du combat électoral.
La précédente présidentielle avait été perdue par M. Odinga contre le président sortant de l’époque, Mwai Kibaki, soutenu par Uhuru Kenyatta. Le résultat du scrutin, très contesté, avait débouché sur les pires violences ethniques de l’histoire du Kenya indépendant. Plus de 1.000 personnes avaient été tuées et des centaines de milliers d’autres déplacées. Sous la pression internationale, Raila Odinga avait fini par être nommé Premier ministre d’un gouvernement de large coalition.
La Cour pénale internationale s’était, elle, saisie du cas de plusieurs responsables kényans soupçonnés d’avoir provoqué ou alimenté les violences et avait fini par en inculper quatre, dont Uhuru Kenyatta et celui qui briguera à ses côtés le poste de vice-président, l’ex-ministre William Ruto. M. Ruto était en 2007, allié à M. Odinga mais les deux hommes se sont depuis brouillés. Les procès devant la CPI doivent débuter le 10 avril et devrait coïncider avec le scrutin présidentiel, dont le premier tour aura lieu le 4 mars et le second un mois plus tard.
Familles de pouvoir
Raila Odinga, 67 ans, et Uhuru Kenyatta, 51 ans, sont tous deux des poids lourds de la politique kényane, qui ont enchaîné les postes aux seins de partis, les postes d’élus ou ministériels. Tous deux sont aussi les descendants de deux figures historiques de l’indépendance kényane. Uhuru Kenyatta, l’un des principaux leaders de la plus nombreuse communauté du Kenya (les Kikuyu), assis, avec sa famille, sur un empire financier, est le fils du "père" de l’indépendance, Jomo Kenyatta, et doit son ascension politique à l’ex-président et autocrate Daniel arap Moi (1978-2002). Son inculpation devant la CPI pour crimes contre l’humanité l’avait contrait à abandonner, en janvier, son portefeuille de ministre des Finances. Le procureur de la CPI accuse M. Kenyatta d’avoir mobilisé un gang criminel, les Mungiki, pour attaquer des partisans de M. Odinga il y a cinq ans.
Homme d’affaires prospère, amateur de grosses cylindrées américaines, ancien communiste et ex-prisonnier politique, Raila Odinga avait pour père Oginga Odinga. Lui aussi militant indépendantiste, Odinga père avait dans un premier temps occupé le poste de vice-président auprès du premier président du Kenya indépendant, Jomo Kenyatta, avant d’incarner l’opposition à son régime. La famille Odinga est issue de la communauté luo.
Samedi à la tribune, Uhuru Kenyatta s’est dit prêt à former le prochain gouvernement kényan et a appelé à "éviter la politique tribale". "Car nous avons tous besoin de paix," a-t-il déclaré. "Le Kenya pourrait mieux se porter, nous amènerons le Kenya au niveau supérieur", avait un peu plus tôt lancé Raila Odinga.
L’élection présidentielle, pour laquelle un peu plus de 14 millions de votants se sont enregistrés, se prépare dans un climat tendu: qu’ils soient liés directement ou non au scrutin, les attaques à la bombe ou à la grenade contre les forces de l’ordre, les bars ou les églises, mais aussi les conflits ethniques pour le partage de pâturages et points d’eau se multiplient à travers le pays. Et observateurs et acteurs de la société civile kényane craignent que le scrutin ne donne lieu, à son tour, à de nouvelles violences à grande échelle.
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