COP28 : Gaza, Soudan… Ces conflits qui entravent les actions en faveur du climat

Rivalité stratégique entre superpuissances, invasion de l’Ukraine par la Russie, guerre israélo-palestinienne… La COP28 s’ouvre dans un contexte géopolitique particulier. Les négociations sur le climat pourraient en pâtir.

Le sommet sur le climat s’ouvre jeudi 30 novembre 2023 à Dubaï. © AFP

Le sommet sur le climat s’ouvre jeudi 30 novembre 2023 à Dubaï. © AFP

Rabah Arezki © DR
  • Rabah Arezki

    Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) au sein du Centre d’études et de recherches sur le développement international (Cerdi). Chercheur associé à la Harvard’s Kennedy School.

Publié le 30 novembre 2023 Lecture : 4 minutes.

La Conférence des Nations unies sur les changements climatiques de 2023 se tient du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï, aux Émirats arabes unis. La COP28, comme on l’appelle, mettra la question du changement climatique au centre du débat mondial. Pourtant, la guerre à Gaza et ses conséquences nous rappellent brutalement que le défi le plus urgent auquel l’humanité est confrontée est la préservation de la paix et de la sécurité globale.

Les conflits et la pauvreté d’abord

Un nouvel ordre hiérarchique pour le XXIe siècle devrait donc mettre la restauration de la paix ainsi que la réduction de la pauvreté en haut de l’agenda politique. L’action climatique ne peut pas se produire au détriment de la lutte contre les conflits et la pauvreté. La COP28 se déroule dans une région confrontée au risque d’escalade de la guerre. Au-delà d’Israël et de Gaza, le conflit pourrait se répandre sur toute la région, y compris l’Iran, l’Égypte, le Liban, la Syrie et au-delà. Le nouveau cycle de violence entre Israël et la Palestine sème la radicalisation des deux côtés pour les générations à venir.

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La brève pause dans les combats, convenue dans le cadre d’un accord de libération d’otages, ne devrait pas durer longtemps. Les dirigeants des grandes économies occidentales se présentent comme les gardiens des droits humains et des accords internationaux, mais se sont montrés réticents à appeler à un cessez-le-feu total. Leur indifférence a été perçue comme le point le plus bas dans l’échelle de l’ordre international fondé sur le respect des règles. Même si le Conseil de sécurité des Nations unies a récemment adopté une résolution appelant à une pause humanitaire, un grand désordre mondial persiste.

Application incohérente des règles

Nous entrons dans une nouvelle ère géopolitique. La rivalité stratégique entre les deux superpuissances, les États-Unis et la Chine, a polarisé le monde. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a accentué la fragmentation du monde entre le Nord et le Sud. Aujourd’hui, la guerre à Gaza a rétabli la question palestinienne comme une faille majeure dans cette opposition croissante entre le Nord et le Sud. Au-delà du risque de régionalisation de la guerre à Gaza, l’application incohérente des règles sape tout effort collectif futur pour tenter de trouver la paix dans le monde.

Les négociations sur le climat risquent également d’être victimes de ce démantèlement de l’ordre fondé sur le respect des règles. Il est donc d’autant plus important d’éviter d’évincer l’agenda sur la restauration de la paix. Les critiques diront que la communauté internationale pourrait, et devrait, s’occuper de plusieurs choses à la fois. L’absence de hiérarchisation claire ouvre toutefois la voie à une forme d’ostentation dans la mise en œuvre d’actions en faveur du climat ou pour contrer les dommages climatiques. Cela pourrait aider à dissimuler l’absence de gestes concrets visant à mettre fin à la recrudescence des conflits et à la pauvreté endémique qui détruisent notre humanité.

Un monde postmoderne où la prévention des guerres et la réduction de la pauvreté sont reléguées au second plan conduira inexorablement à l’aggravation de la crise climatique.

Le conflit oublié au Soudan en est un bon exemple. Le Soudan doit mobiliser la communauté internationale de toute urgence. Les conséquences en termes de nombre de morts, de déplacements de population et de pauvreté sont atroces. Le conflit a également le potentiel d’engendrer davantage de conflits en Afrique. Un monde postmoderne où la prévention des guerres et la réduction de la pauvreté sont reléguées au second plan conduira inexorablement à l’aggravation de la crise climatique.

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D’un autre point de vue, l’atténuation du changement climatique peut contribuer à réduire les conflits et à limiter la pauvreté à moyen terme. Les pays africains ont un besoin urgent de soutien pour s’adapter au changement climatique. Une fois de plus, l’adaptation est devenue l’orpheline de la lutte contre le changement climatique, car les gouvernements des pays pauvres, notamment en Afrique, manquent de ressources financières. Sans le soutien financier des gouvernements ou des institutions multilatérales, le secteur privé n’investira pas, en particulier dans les projets liés à l’adaptation.

Détresse financière

La communauté internationale ne se mobilise pas pour soutenir les pays en développement, notamment l’Afrique. Plusieurs donateurs occidentaux envisagent de réduire – ou ont déjà réduit – leur aide étrangère en raison des difficultés économiques croissantes et de la pression des contribuables dans leur pays. Ce manque de solidarité, couplé à des risques croissants qui pèsent sur l’économie mondiale, risque de mener à une fracture accrue de la cohésion de la communauté mondiale comme l’avait mis en garde l’ancien secrétaire américain au Trésor, Larry Summers. Ces risques ont entraîné des conséquences disproportionnées pour les pays en développement, notamment en Afrique en matière de détresse financière liée au surendettement.

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Alors que l’économie mondiale est encore étonnamment résiliente, nous avons maintenant atteint de manière indépendante un point de fracture active de la cohésion mondiale. Cette fracture peut faire dérailler l’économie mondiale, compte tenu du risque accru de généralisation des conflits dans le monde. Le rétablissement de la cohésion mondiale peut aider à résoudre des défis importants tels que le changement climatique.

Mais pour y parvenir, la communauté internationale doit redéfinir l’ordre de priorité en mettant en avant la résolution des conflits et la réduction de la pauvreté. Les institutions financières internationales devraient parler clairement de l’importance de la paix et de la résolution des conflits et ne pas postuler un monde post-moderniste où le climat est la seule priorité. La COP28 devrait être l’occasion pour les dirigeants du monde de se réunir et de jeter les bases d’actions climatiques durables fondées sur la restauration de la paix et la réduction de la pauvreté.

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