À la veille des élections, les pays de Golfe à la rescousse du pouvoir égyptien

À quelques jours de la présidentielle égyptienne, les délégations venues des pays du Golfe se succèdent au Caire, venant promettre investissements et assistance. Une façon pour ces États d’afficher leur solidarité alors que l’Égypte est sous pression pour accueillir des réfugiés palestiniens. Et une aubaine pour le président candidat al-Sissi.

Mohammed Ben Zayed Al-Nahyane, président émirati, et Abdel Fattah al-Sissi, président égyptien, lors d’une réception officielle au palais d’Héliopolis, au Caire, le 12 avril 2023. © Abdulla Al Neyadi/UAE Presidential Court via REUTERS

Mohammed Ben Zayed Al-Nahyane, président émirati, et Abdel Fattah al-Sissi, président égyptien, lors d’une réception officielle au palais d’Héliopolis, au Caire, le 12 avril 2023. © Abdulla Al Neyadi/UAE Presidential Court via REUTERS

Publié le 1 décembre 2023 Lecture : 4 minutes.

Le 20 novembre, une délégation économique saoudienne de 90 hommes d’affaires, présidée par le ministre du Commerce Majid al-Qasabi, s’est rendue dans la capitale égyptienne. Au menu des discussions avec leurs interlocuteurs égyptiens : les problèmes rencontrés par les investisseurs saoudiens dans le pays, comme, notamment, la pénurie de dollars et la difficulté de transférer les bénéfices réalisés hors d’Égypte.

Malgré ces difficultés, d’autres hommes d’affaires saoudiens ont confirmé leur volonté de réaliser de nouveaux investissements dans le pays. Le groupe Fawaz Alhokair a ainsi annoncé de nouveaux investissements d’une valeur de 1,5 milliard de dollars dans les domaines de l’énergie, de la construction et de l’infrastructure. Le groupe holding Al-Lami entend quant à lui investir 500 millions de dollars supplémentaires ces deux prochaines années dans les secteurs du tourisme et de la construction. Les deux parties ont également convenu de résoudre « plus de 70 % des problèmes » auxquels les investisseurs saoudiens sont confrontés en Égypte. Actuellement, les investissements de l’Arabie saoudite dans le pays représentent déjà plus de 32 milliards de dollars, selon Le Caire.

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Le lendemain de l’arrivée de la délégation saoudienne, une autre visite a débuté : celle de la délégation qatarie, emmenée par la ministre de la Coopération internationale Lolwah al-Khater. L’objectif est de faire confirmer par Doha sa volonté de promouvoir l’investissement en matière de développement durable et de gouvernance.

Les délégations se suivent

Durant la même semaine, le ministre bahreïnien des Finances et de l’Économie, Salman bin Khalifa, était lui aussi en visite, à la tête d’une délégation, pour exprimer son souhait de doubler le volume du commerce avec l’Égypte, et atteindre ainsi le milliard de dollars. Il ambitionne également renforcer les investissements des entreprises de son pays dans des domaines comme l’aluminium, l’industrie maritime ou le tourisme.

La liste ne s’arrête pas là : le 24 novembre, la ministre égyptien de la Planification a tenu une réunion avec le ministre omanais du Commerce et de l’Industrie, Qais bin Mohamed Mosa, afin d’échanger sur la création d’un fonds égypto-omanais devant investir dans l’industrie agricole, l’alimentaire et le secteur pharmaceutique. Une équipe technique bilatérale a été mise sur pied pour étudier la complémentarité des deux pays dans le secteur industriel, et les opportunités d’investissement disponibles.

« On voit aujourd’hui une volonté des pays du Golfe d’injecter des investissements en Égypte », explique à Jeune Afrique, Rashad Abdo, le président du Forum égyptien pour les études économiques et stratégiques. « Ces visites ont également des buts politiques, à savoir démontrer le soutien à l’économie égyptienne et à l’État d’Égypte, suite au rôle joué par Le Caire dans le conflit à Gaza, et aux répercussions de cette guerre sur l’économie. »

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Les autorités égyptiennes craignent toujours que la guerre Israël-Palestine ne les contraigne finalement à laisser entrer puis à héberger des réfugiés palestiniens dans le nord du Sinaï. Opération qui pourrait faire l’objet d’une négociation, certaines puissances étrangères offrant une aide financière au Caire en compensation.

L’Europe aussi frappe à la porte

Ces événements interviennent, d’ailleurs, alors même que certains médias assurent que l’Union européenne se prépare à investir 9 milliards d’euros dans le pays pour soutenir l’économie égyptienne et trouver un accord avec le Caire sur l’immigration clandestine, le tout sur fond de crise économique sévère et à la veille de l’élection présidentielle qui débute le 10 décembre. Le taux d’inflation annuelle a atteint plus de 40 % en octobre dernier, tandis que le pénurie de devises étrangères alimente un marché noir sur lequel l’euro a atteint 54 livres, contre 33,7 au cours officiel.

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Selon Rashed Abdo, les entretiens avec les délégations du Golfe ont aussi pour but d’examiner les difficultés déjà abordées avec la délégation saoudienne. À savoir, entre autres, les problèmes rencontrés avec la bureaucratie égyptienne et la difficulté pour les entreprises étrangères de transférer les gains en devises étrangères à l’extérieur du pays. « La crise économique actuelle fournit beaucoup d’opportunités aux investisseurs, surtout avec les facilités fournies par l’Égypte, précise le chercheur. Mais les nouveaux investissements n’auront lieu qu’après la présidentielle du 10 décembre et les décisions qui suivront, comme la nouvelle dévaluation de la livre égyptienne attendue après le scrutin. »

Facteur supplémentaire à prendre en compte : si cette crise économique fournit des opportunités d’investissements, la situation explosive de la région effraie évidemment les investisseurs. « L’Égypte est entourée par des pays en guerre. De la Libye, au Soudan en passant par Gaza, la région traverse une grande instabilité. Quel investisseur voudrait risquer d’investir son argent ici ? », explique Wael el-Nahas, expert économique.

« L’État doit se concentrer sur le sauvetage de l’oiseau qui se trouve dans sa main, plutôt que de chercher d’autres oiseaux. Elle doit résoudre les problèmes des investisseurs déjà présents dans le pays, au lieu d’en chercher de nouveaux », reprend l’expert, notant que les difficultés économiques et la hausse de la pauvreté actuelle en Égypte ne constituent pas non plus un climat favorable. « Je pense, conclut-il, que cette recherche de nouveaux investissements représente surtout un élément de propagande pour le gouvernement avant l’élection présidentielle. Pour pouvoir dire au peuple qu’il y aura des investissements et une issue à la crise dans une futur proche. »

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