« L’Enfant du paradis » de Salim Kechiouche, de l’intime à l’universel

Avec ce long-métrage, l’acteur remarqué chez François Ozon et Abdellatif Kechiche passe pour la seconde fois derrière la caméra et raconte avec brio le traumatisme que représente la mort d’une mère.

« L’Enfant du Paradis », le premier long-métrage de Salim Kechiouche sort en salles, en France, le 6 décembre. © La Vingt-Cinquième Heure Distribution

« L’Enfant du Paradis », le premier long-métrage de Salim Kechiouche sort en salles, en France, le 6 décembre. © La Vingt-Cinquième Heure Distribution

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Publié le 7 décembre 2023 Lecture : 3 minutes.

« Tout n’est pas si facile, tout ne tient qu’à un fil. » On pense au refrain de NTM en regardant L’Enfant du paradis, de Salim Kechiouche. L’acteur français, né en 1979 à Lyon, passe pour la seconde fois derrière la caméra, après son court-métrage Nos gènes, sorti en 2020. Découvert en 1996 par Gaël Morel, son « frère de cœur », dans À toute vitesse, il s’est illustré entre autres dans Les Amants criminels de François Ozon, Ce que le jour doit à la nuit d’Alexandre Arcady, La Vie d’Adèle et Mektoub, my love d’Abdellatif Kechiche, Qu’un sang impur d’Abdel Raouf Dafri. On le retrouvera bientôt dans la série Un prophète, tirée du film de Jacques Audiard, et dans la série Ourika, produite par Booba.

Tout commence dans la quiétude. Des images d’archives montrent un mariage, puis Yazid partage un petit-déjeuner avec sa grand-mère, qui évoque son rêve, où lui est apparue sa fille. On apprend ainsi que sa mère est morte et les images d’archives, qui entrecoupent régulièrement le film, la mettent en scène avec sa famille. Mais dès qu’il a quitté l’appartement de banlieue, Yazid, acteur et comédien, se voit reprocher par une connaissance de son quartier son rôle d’un personnage homosexuel au cinéma. Première tension, suivie d’une autre, avec sa compagne Garance, mais on comprend rapidement que les deux amoureux répètent une scène de film. Quand Yazid passe prendre son fils chez son ex pour faire valoir sa garde alternée, c’est à nouveau la tempête – mais pour de vrai cette fois. Elle l’accuse de n’être père que quand ça l’arrange et fait des allusions à son passé trouble…

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Écorché vif

Ce n’est que le début des montagnes russes dans la vie de Yazid. Le film joue sur la tension permanente autour de ce personnage d’écorché vif. Tout peut basculer d’une seconde à l’autre. Chaque moment de joie ou de sérénité peut être bouleversé par un détail aux conséquences dévastatrices. Le chemin vers la rédemption de cet acteur, ancien toxicomane, est semé de ces obstacles sur lesquels il trébuche. On n’échappe pas à son passé, et la faille remonte à loin : la mort de sa mère.

Les archives nous permettent d’accéder à l’inconscient du personnage, de mesurer ses blessures. Elles donnent un côté onirique au film.

Salim KechioucheActeur et réalisateur

Alors que le bonheur semble enfin s’offrir à lui, ce traumatisme mal cicatrisé resurgit et flotte au-dessus de sa tête. Son origine n’est pas directement explicitée mais les clés sont dans les images d’archives, tirées de celles de l’acteur réalisateur lui-même : « J’ai beaucoup hésité à utiliser ces images-là. Elles constituent un hommage à ma mère que j’ai perdue à l’âge de 14 ans, ce qui a été une grande douleur dans ma vie. C’est elle qu’on voit sur ces images. » Elles ont une fonction dans l’intrigue : « Elles nous permettent d’accéder à l’inconscient du personnage, de mesurer ses blessures. Elles donnent un côté onirique au film. Je voulais sortir du réel, et sans parler de spiritualité, orchestrer une connexion avec un ailleurs, qu’on a tous en nous, même si l’on n’est pas croyant. » Cette perte est le thème central du film : « La mort de la mère est le vrai sujet du film. Le propos est si intime qu’il en devient universel parce que tout le monde a perdu quelqu’un de cher. Tout le monde a vécu, de près ou de loin, ce genre de conflits intérieurs et familiaux. »

Il y a beaucoup d’éléments personnels dans ce premier long-métrage, ce que Salim Kechiouche résume ainsi : « C’est ma vie, et en même temps, ce n’est pas la mienne. » Sa conclusion, à la genèse du film, est aussi tirée d’un événement réel, mais nous ne la divulgâcherons pas. Si le titre fait référence au chef d’œuvre de Marcel Carné, Les Enfants du paradis, sa filiation le situe du côté d’Oslo, 31 août de Joachim Trier, tiré du livre Le Feu follet, de Pierre Drieu La Rochelle. La chute en pente douce de Yazid est figurée par un montage nerveux, à l’image de son personnage principal, et tout a un sens, y compris les séquences en scooter qui lui offrent une respiration. Au-delà de l’aspect technique, L’Enfant du paradis est aussi et surtout un film débordant d’une énergie folle réalisé avec le cœur. Une vraie réussite.

 © La Vingt-Cinquième Heure Distribution

© La Vingt-Cinquième Heure Distribution

L’Enfant du paradis de Salim Kechiouche, dans les salles françaises le 6 décembre 2023

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