Un ancien jardinier marocain parmi les héritiers d’Hermès ?
Nicolas Puech, 80 ans, petit-fils du fondateur de la maison de luxe, envisage d’adopter son ancien « homme à tout faire », un Marocain, qui pourrait hériter d’environ 5 milliards d’euros. Au grand dam des cousins, qui voudraient faire du géant de la maroquinerie une forteresse familiale.
Célibataire et sans enfant, Nicolas Puech, petit-fils d’Émile Hermès, fait partie de l’une des trois branches de la famille fondatrice de la maison de haute couture française. Il en est pourtant considéré comme un membre dissident. Principal actionnaire individuel du groupe de luxe avec 5,76 % de parts, il est en effet le seul à avoir refusé de rejoindre le holding familial H51, créé en 2011 pour contrer l’ascension de LVMH au capital du sellier. Alors, quand le 1er décembre, le quotidien suisse La Tribune de Genève annonce que l’octogénaire résidant à Sion, dans le canton suisse du Valais, chercherait à adopter son employé de maison, la nouvelle fait l’effet d’une bombe.
Promotion éclair
En faisant de lui l’héritier de sa fortune, estimée entre 9 et 10 milliards de francs suisses (9,4 à 10,4 milliards d’euros), Nicolas Puech chercherait à « chambouler sa succession », affirme la même source. L’heureux élu, son « ancien jardinier et homme à tout faire », est né en 1972 dans « une modeste famille marocaine », selon le journal suisse. Les deux hommes se seraient rencontrés en Espagne, où le Marocain a d’abord été le jardinier du milliardaire, puis l’administrateur de ses résidences. Une de ces promotions éclair comme on en voit parfois dans le monde des ultra-riches, quand un fort lien de confiance est établi.
Nicolas Puech serait aujourd’hui si proche de son ancien employé de maison et de sa femme, d’origine espagnole, qu’il les considérerait comme sa seule famille depuis qu’il a pris ses distance avec les siens. Ceux qu’il nommerait affectueusement son « fils adoptif » et sa « belle-fille » l’auraient particulièrement bien entouré pendant la pandémie de Covid-19. D’après un avocat proche de l’héritier Hermès, « il a décidé de se retirer des gens qu’il connaissait auparavant et de rester proche des jeunes qui l’entouraient ».
Cette proximité, et la générosité qui en a découlé, aurait permis à l’ancien employé d’acheter une propriété valant plus de 4 millions de francs au bord du lac Léman, à Montreux. Le quotidien suisse précise, dans une note datant de 2015 attribuée à Nicolas Puech, que ce dernier aurait aussi donné au couple plus de 1,5 million d’euros pour « acheter une villa à Marrakech ». L’homme de confiance serait, entre autres, propriétaire de nombreuses propriétés et parcelles agricoles en Espagne et au Portugal.
Fondation Isocrate, la grande perdante
Avec le projet d’adoption, un cap a été franchi, qui agite l’entourage du milliardaire. D’autant que, d’après un pacte successoral signé en 2011, c’était à la fondation de l’héritier – rebaptisée Fondation Isocrate en 2022 – que devait revenir sa fortune. Mais en février dernier, Nicolas Puech déclarait dans une note manuscrite avoir « l’intention de prendre d’autres dispositions testamentaires ».
Une « volonté d’annulation unilatérale du pacte successoral » qui « paraît infondée », estime la fondation contactée par l’AFP. Fondation qui ajoute s’y être « opposée, tout en laissant la porte ouverte à une discussion » et dit regretter que « ses activités d’utilité publique » se voient « menacées dans leur pérennité » par des circonstances « qui lui échappent totalement », sur fond de « conflit interpersonnel et de convoitises en tous genres ».
Des allusions peu explicites, mais qui font sens, alors que la Fondation Isocrate fait déjà face depuis plusieurs mois à une série de bouleversements majeurs. Il y a d’abord eu les nouveaux statuts adoptés en 2022, qui ont paru restreindre le rôle décisionnaire de l’héritier Hermès. Ensuite, fin septembre, le départ d’Éric Freymond, gestionnaire de fortune et ami historique de Nicolas Puech, du conseil d’administration de la Fondation, où il siégeait depuis dix ans.
Éric Freymond est un personnage important dans la saga Hermès-LVMH. Il disposait jusqu’ici de délégations de gestion pour le compte de son ancien client, ce qui lui aurait permis le rachat d’actions de l’entreprise familiale au profit du groupe de Bernard Arnault. Son récent éloignement pourrait être interprété comme un symptôme du fait que Nicolas Puech chercherait à revenir dans le giron familial.
Éric Freymond remplacé
Le remplaçant au poste de conseiller patrimonial de Nicolas Puech est un notaire suisse nommé Jörn-Albert Bostelmann, affilié à un cabinet du Valais, l’Étude du Ritz, nous apprend le média d’investigation spécialisé dans l’industrie du luxe Glitz Paris, en octobre dernier. Tout laisse à penser que ce serait lui qui a été mandaté par le milliardaire, dans une lettre datant « d’octobre 2022″, pour « mettre en ordre sa situation successorale » et, en même temps, mener une procédure d’adoption « toujours en cours », selon La Tribune de Genève. Contacté par Jeune Afrique, le cabinet de l’avocat suisse n’a pas donné suite, M. Bostelmann étant « toute la journée en audience au tribunal ».
Parallèlement à ces récents changements, Glitz Paris évoquait en juin dernier un rapprochement progressif entre Nicolas Puech et ses cousins. C’est-à-dire avec les membres des trois familles actionnaires de la maison : les Puech donc, mais aussi les Guerrand et les Dumas, les plus avantagés du lot par le montage visant à verrouiller le capital d’Hermès. Sur le long terme, une réconciliation familiale pourrait permettre de pérenniser l’indépendance du groupe, dont la capitalisation boursière a dépassé les 200 milliards d’euros. Même si l’ajout d’un héritier tiers risque de ne pas plaire à tout le monde…
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