À Rabat, des ex-condamnés racontent « une torture quotidienne »

Dans les couloirs de la mort, l’attente devient « une torture quotidienne » et l’exécution de la peine capitale « une délivrance », selon des témoignages d’anciens condamnés recueillis par l’AFP, en marge d’un congrès régional inédit à Rabat.

Le Marocain Ahmed Haou, ex-condamné à mort. © AFP

Le Marocain Ahmed Haou, ex-condamné à mort. © AFP

Publié le 21 octobre 2012 Lecture : 3 minutes.

"J’ai passé 10 ans dans le couloir de la mort au Maroc, où le plus dur a été l’attente", a déclaré à l’AFP Ahmed Haou, ex-condamné à mort, en marge de ce congrès qui a réuni de jeudi à samedi plusieurs centaines d’officiels et de représentants de la société civile d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient (Mena).

"Dans le quartier B, qui est le couloir de la mort de la prison de Kenitra (à 40 km au nord de Rabat), il règne un silence terrible. Au moindre bruit, votre coeur commence à battre et vous vous dites +ça y est, c’est l’heure+", a-t-il ajouté.

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Arrêté pour des motifs politiques en 1983 à Casablanca, la plus grande ville du Maroc, M. Haou a été condamné à mort un an plus tard. En 1994, sous la pression internationale, il a été gracié par le roi Hassan II, le père de l’actuel monarque, Mohammed VI.

"Dans les autres quartiers de la prison, l’ouverture de la porte d’une cellule est synonyme d’espoir et de liberté. Mais dans le couloir de la mort, un tel acte est synonyme de la fin et d’une peur indescriptible", selon M. Haou, qui a témoigné publiquement lors du congrès de Rabat.

"L’attente est alors une torture quotidienne et, à force d’attendre, l’exécution de la peine devient une délivrance", a-t-il conclu.

Au Maroc, où il existe un moratoire de facto depuis 1993, une centaine de condamnés attend encore dans les "couloirs de la mort".

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Aucun pays arabe n’a à ce jour aboli la peine capitale, mais, présent jeudi à Rabat, l’ambassadeur français pour les droits de l’Homme, François Zimeray, a jugé que le Maroc était en mesure de jouer un "rôle d’éclaireur".

Dans leur combat pour l’abolition, des ONG locales s’appuient aussi sur la nouvelle constitution adoptée en 2011, qui consacre le "droit à la vie".

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"Innocente"

Un autre condamné à mort a témoigné à Rabat, ou plutôt une ex-condamnée: Antoinette Chahine, une Libanaise d’une quarantaine d’années, qui a passé deux ans dans le couloir de la mort à Beyrouth, après une condamnation pour "meurtre" en 1997.

"L’attente est ce qu’il y a de plus dur", a dit à l’AFP Mme Chahine, d’après qui, "au Liban, les femmes condamnées à mort ne sont pas exécutées, mais aucune loi ne le mentionne explicitement".

"Malgré tout, l’attente était terrible, avant que le tribunal ne décide de mon acquittement, sous la pression internationale", a-t-elle expliqué.

"L’incertitude fait de chaque instant une torture insupportable. Si ma condamnation à mort avait eu lieu, la justice aurait tué une innocente. C’est pour cela que j’ai fait de son abolition une de mes causes", a-t-elle renchéri.

Interrogé par l’AFP, M. Zimeray a aussi insisté sur les "réalités humaines". Même dans le cas d’un moratoire, "cela veut dire qu’il y a des gens dans le couloir de la mort qui subissent la torture de l’incertitude du lendemain", a-t-il noté.

La France a lancé une campagne internationale contre la peine de mort.

Selon Amnesty International, la région Mena connaît le taux le plus élevé d’exécutions dans le monde en comparaison avec le nombre d’habitants.
Dans un pays comme l’Arabie saoudite, il a été procédé à plus de 70 exécutions –la plupart par décapitation au sabre– l’an dernier. Le viol, le meurtre, l’apostasie, le vol à main armée et le trafic de drogue sont passibles de la peine capitale dans le royaume saoudien.

Le congrès régional de Rabat a rassemblé des participants du Maghreb, mais aussi d’Egypte, d’Irak, du Liban ou encore du Yémen.
 

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