Au Niger, les migrants au centre d’un bras de fer entre la junte et l’UE
L’Union européenne regrette la décision du régime nigérien d’abroger une loi qui criminalisait, depuis 2015, le trafic de migrants.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 8 décembre 2023 Lecture : 2 minutes.
Alors que l’Union européenne (UE) déroule sa politique d’externalisation de ses frontières en encourageant l’Afrique à anticiper les départs clandestins de ses ressortissants vers l’Europe, certains pays préfèrent fermer les yeux sur l’émigration illégale. Tandis que Macky Sall, début novembre, demandait au gouvernement sénégalais de « neutraliser les départs d’émigrants », la junte nigérienne abrogeait, à la fin du même mois, la loi 2015-36 qui criminalisait le trafic de migrants, depuis un sommet maltais sur la migration.
Hasard ou pied de nez ? L’annonce de l’ordonnance abrogatoire du général Abdourahamane Tiani intervenait la veille d’une conférence internationale contre le trafic illicite de migrants, à Bruxelles, en présence de ministres de l’Intérieur européens et africains… Comme de bien entendu, Agadez étant un nœud des périples clandestins sahélo-sahariens, jargon et langue de bois ont été au rendez-vous, aussi bien du côté nigérien que du côté européen.
Trafic ou activité économique ?
Pour l’UE, catalyseuse, en 2015, de la loi nigérienne par le financement de la reconversion prévue de quelque 7 000 « acteurs de l’économie migratoire », l’abrogation devrait avoir pour conséquence « de nouveaux décès dans le désert ». Tout de même honnête, la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, évoque également le risque pour son continent de voir « plus de gens qui vont venir en Libye et essayer de traverser la Méditerranée pour se rendre dans l’Union européenne »…
Côté nigérien, le régime épilogue peu sur sa décision, laissant imaginer qu’un nationaliste n’a pas pour priorité ce qui arrive au-delà de ses frontières. Et les populistes de laisser parler « le peuple ». Des micros-trottoirs locaux affirment qu’en dépit de la loi, les migrations avaient continué dans des conditions clandestines plus dangereuses. Ils soutiennent que ce que l’on qualifie de trafic n’est, en fait, qu’une activité économique tracée – dans les frontières nigériennes – et légitime. Les accords de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) prévoient que n’importe quel ressortissant de l’Union africaine peut voyager sur le continent, à la seule condition de se munir d’une pièce d’identité.
Pour l’économie agadézienne frappée par une chute des activités touristiques, du fait de la tension terroriste, et déçue par le manque d’efficacité des programmes de reconversion financés par l’UE, le transit de centaines de milliers de migrants – avant l’abrogation de la loi, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) – signifiait et signifiera donc des entrées substantielles d’argent. Pour la junte, un bras valide qui fuit le Niger est censément un opposant potentiel.
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