« Tintin au Congo » préfacé et revisité, une fausse bonne idée ?

Dessiné dans les années 1930, l’album controversé de bande dessinée est réédité dans une version accompagnée d’une préface de mise en contexte historique.

 © Damien Glez

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Publié le 11 décembre 2023 Lecture : 2 minutes.

Après des années de débat sur le caractère présumé raciste de la représentation du Congo colonisé dans une bande dessinée du dessinateur belge Hergé, le Conseil représentatif des associations noires (Cran) de France avait préconisé, en 2007, l’ajout d’une préface de contextualisation historique. Dans le coffret Les colorisés où elle cohabite désormais avec d’autres épisodes des années 1930 – Tintin au pays des Soviets et Tintin en Amérique –, l’œuvre Tintin au Congo initialement apparue en 1930 paraît, cette fois, avec une préface…

La polémique que l’on tente de déminer était claire : Hergé, qui ne s’était jamais rendu au Congo, véhiculait des poncifs de propagande qu’il aurait absorbés comme une éponge. Des clichés qui allaient de l’apparence physique – de très grosses lèvres – au phrasé, les personnages s’y exprimant avec un français approximatif que l’époque aimait qualifier de « petit nègre ». Sur le portrait de la société congolaise dépeinte, la dramaturgie surlignait une soumission « bon enfant » des populations locales, tandis que, devant des écoliers, le héros intitulait une leçon « Votre patrie : la Belgique !…»

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Une version de 1946 édulcorera le cours de patriotisme belge en cours de maths, mais le débat fera tout de même florès, les plus radicaux des « tintinophobes » suggérant le bannissement de la bande dessinée des rayons. Le coffret colorisé de 2023 semble couper la poire de la discorde en deux… Comme le suggèrent plusieurs historiens qui contestent toute falsification obtuse et stérile, la réédition actuelle revient à la scène d’école originale, mais l’œuvre est accompagnée d’une préface qui la situe dans le contexte de l’époque.

Pudeur de gazelle

Objectif : déchiffrer la glorification de la colonisation pour mieux la démonter. Certains auraient tout de même souhaité qu’un éminent Congolais ajoute sa plume à celle de Philippe Goddin, expert de BD « mais » président de l’association Les amis d’Hergé. Ceux qui saluent la volonté de regarder l’Histoire en face s’interrogent tout de même sur la disparition de la couverture célébrissime où Tintin traversait la brousse en compagnie d’un jeune Africain, dans un véhicule circulant à quelques mètres d’une girafe.

Pudeur de gazelle ou simple volonté de signaler, dès l’approche de l’objet, que l’édition n’est pas tout à fait la même que celle qui fit polémique ? Les plus pointilleux soulignent qu’aucun Africain n’apparaît plus sur la nouvelle couverture qui n’accueille que le reporter Tintin, son chien Milou et un lion. Entre « les colorisés » et « les colonisés », il n’y a qu’une lettre de différence. À force d’éviter une représentation graphique outrancière des Congolais, les Éditions Moulinsart et Casterman ont-elles commis le péché d’invisibilisation par « déracialisation » ?

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