Dette extérieure en Afrique : un défi à relever en 2024
Alors que les taux d’intérêt atteignent des niveaux les plus hauts enregistrés sur le continent, plusieurs pays présentent un risque de défaut sur leur dette extérieure dès 2024.
Dette, libre-échange, climat… L’agenda de l’Afrique en 2024
La place du continent n’a jamais été aussi centrale dans une économie mondiale dont l’avenir est guidé notamment par la transition énergétique. Mais du côté des États, tant au niveau national que panafricain, de nombreux défis persistent. Panorama.
Le 13 décembre, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont approuvé un plan de réduction du service de la dette de la Somalie de 4,5 milliards de dollars, faisant passer le taux d’endettement du pays de 64 % du PIB en 2018 à 6 % actuellement. Grâce à cet accord, le fruit de dix années de négociations, le pays de la Corne de l’Afrique devient le moins endetté du continent.
Mais cette bonne nouvelle pour les finances publiques somaliennes ne saurait faire oublier les nuages qui s’amoncellent au dessus de l’Afrique. « Le mur de la dette obligataire annoncé depuis longtemps pour l’année 2024 sera en fait plus épais que prévu », estime Julien Marcilly, économiste en chef de Global Sovereign Advisory, qui accompagne plusieurs pays du continent dans la gestion de leurs finances publiques. Dans un rapport publié le 14 décembre, le cabinet de conseil rappelle qu’en treize ans, la dette publique de l’Afrique a doublé, passant de 31,9 % du PIB en moyenne en 2010 à 62,5 % du PIB.
La crise est déjà là
Alors qu’en quatre décennies, les taux d’intérêts mondiaux n’avaient jamais atteint de tels sommets et que de nombreux titres de dette obligataire émis par les pays africains arrivent à maturité l’an prochain, Global Sovereign Advisory – tout comme la Banque mondiale dans son International Debt Report 2023 – tire la sonnette d’alarme : selon eux, la crise est déjà là. « Des niveaux d’endettement record et des taux d’intérêt élevés ont précipité de nombreux pays vers la crise », rappelle Indermit Gill, économiste en chef et vice-président senior du groupe de la Banque mondiale.
En novembre 2020, la Zambie était officiellement déclarée en défaut de paiement, incapable d’honorer sa dette extérieure. Depuis lors, les négociations avec ses créanciers font régulièrement l’actualité. Alors qu’un accord a été trouvé avec le principal d’entre eux, la Chine, aucun n’a encore été signé avec les créanciers privés. Le Ghana s’est retrouvé dans la même situation à partir de décembre 2022.
Défaut de paiement
Aujourd’hui, la situation d’autres pays est particulièrement préoccupante. L’Éthiopie a déjà annoncé qu’elle ne pourrait pas rembourser une partie de son obligation souveraine d’un milliard de dollars arrivant à échéance en 2024. « La Tunisie présente également un profil à risque, indique Julien Marcilly. Le pays doit refinancer 30 % de sa dette l’an prochain. » Même inquiétude du côté de l’Égypte et de la Namibie, dans la mesure où « les montants cumulés à refinancer en 2024 et 2025 excèderont 20 % de leur PIB ».
Pour autant, en apparence, la situation est moins préoccupante que dans les années 1980 et 1990, période au cours de laquelle les taux d’endettement dépassaient souvent les 100 % du PIB. « Mais le profil des créanciers est plus divers qu’à l’époque, avec moins de dette détenue par le FMI et plus par les créanciers privés », souligne Julien Marcilly, dont le cabinet de conseil accompagne notamment le Ghana. « Le cas de la Zambie démontre qu’en cas de défaut de paiement, il est très difficile de mettre tous les créanciers autour de la table pour trouver une solution. » En conséquence, le service de la dette pèse de plus en plus dans les budgets des pays africains, obérant les perspectives de développement du continent. Par exemple, le Kenya consacre désormais 60 % de son budget au remboursement de ses emprunts.
La zone franc CFA moins vulnérable
« Les pays en développement se heurtent au choix difficile entre le service de leur dette publique et l’investissement dans la santé publique, l’éducation et les infrastructures. Cette situation appelle une action rapide. Faute de quoi ce sera une autre décennie perdue pour eux », alerte Indermit Gill, de la Banque mondiale.
D’autres pays s’en sortent mieux. C’est notamment le cas de ceux de l’Afrique francophone. « Les pays des zones franc CFA sont moins sensibles aux chocs des taux de change causé par l’appréciation du dollar. La parité avec l’euro les préserve des dévaluations », explique l’économiste en chef de Global Sovereign Advisory.
Pour autant, l’Afrique de l’Ouest, comme le reste du continent, n’a pas accès au marché obligataire international depuis près de deux ans. « Il doivent donc se refinancer sur le marché régional à des taux très élevés. Ce n’est pas viable à long terme », analyse Martin Kessler, économiste et directeur du think tank, Finance for Development Lab.
Les pays africains s’attèlent donc à trouver les moyens de traverser la tempête, notamment grâce au soutien des bailleurs de fonds internationaux, FMI en tête, en espérant une amélioration sur le front du refinancement à moyen terme. Une baisse des taux d’intérêts ne semble cependant pas à l’ordre du jour avant au moins la mi-2024.
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