Tunisie : avant d’aller en prison, Sami Fehri accuse le pouvoir

Le patron d’une chaîne de télévision tunisienne a dénoncé samedi 25 août la décision de la justice de le placer en détention, y voyant une tentative de juguler une voix dissidente, dans un climat de tensions croissantes entre les médias et le gouvernement, dominé par les islamistes.

Des journalistes tunisiens manifestent devant le théâtre municipal de Tunis, le 3 mai 2011. © AFP

Des journalistes tunisiens manifestent devant le théâtre municipal de Tunis, le 3 mai 2011. © AFP

Publié le 25 août 2012 Lecture : 3 minutes.

Mis à jour à 17h00.

Un tribunal de Tunis a ordonné vendredi soir le placement en détention de Sami Fehri, patron d’Ettounsiya TV, qui diffusait une émission satirique de guignols brusquement arrêtée la semaine dernière et visait plus particulièrement les dirigeants du pays et du parti islamiste Ennahda.

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"Je vais en prison dignement", a déclaré Sami Fehri samedi à la radio Express FM. "Tout cela m’arrive à cause de quatre Guignols", a-t-il ajouté. Selon l’agence de presse officielle TAP, il est accusé de "d’usage illicite des ressources de l’Etablissement de la télévision tunisienne" à l’époque du régime du président déchu Zine el-Abidine Ben Ali.

L’avocate du prévenu, Sonia Dahmani, a déclaré à l’AFP que la chambre criminelle de la cour d’appel de Tunis avait émis le mandat de dépôt "sans convoquer l’accusé, sans informer la défense ni lui permettre de voir le dossier. Cela est contraire à la loi".

Le patron d’Ettounsiya "peut être arrêté à tout moment", a-t-elle ajouté.

M. Fehri avait indiqué cette semaine à l’AFP avoir arrêté la diffusion des Guignols suite à des pressions des autorités. A l’époque il ne souhaitait pas être cité afin de protéger sa chaîne, mais le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) avait relayé l’information.

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Intimidations et menaces du pouvoir

Il a précisé à Express FM que Lotfi Zitoune, un influent conseiller du chef du gouvernement, Hamadi Jebali issu de Ennahda, l’avait menacé pour qu’il arrête son émission.

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"Lotfi Zitoune m’a contacté et m’a dit qu’il y avait un grand mécontentement et que ce que la chaîne diffuse est inacceptable", a déclaré M. Fehri. "Une grosse machine nous a broyés, je n’aurais jamais imaginé que ça se passe comme ça (…) ils ont franchi toutes les lignes rouges", a-t-il dit, en référence aux dirigeants islamistes de la Tunisie.

L’émission de marionnettes avait été lancée dans sa version hebdomadaire en mars avant de devenir quotidienne il y a moins d’un mois.

Sami Fehri a fondé Ettounsiya en mars 2011, quelques mois après la révolution tunisienne. Avant ces événements, il était associé au sein d’une boîte de production, Cactus, à la famille de l’épouse du chef de l’Etat déchu, les Trabelsi.

Cette société a été placée sous contrôle judicaire et l’Etat a saisi 51% des parts de l’entreprise. Cactus fournit néanmoins l’essentiel du contenu de la chaîne Ettounsiya, dont les Guignols.

M. Fehri avait déjà dénoncé fin juillet les pratiques d’intimidation du pouvoir après une descente des services douaniers dans les locaux de sa chaîne.

Grève générale des journalistes

Cette affaire intervient alors que le climat entre les médias et le gouvernement est délétère.

De nombreux organes de presse et des représentants de la société civile accusent les islamistes de chercher à contrôler la presse et les télévisions jugées trop critiques à l’égard de la politique du gouvernement.

Vendredi, le Syndicat national des journalistes tunisiens a indiqué se donner deux semaines pour fixer la date d’une grève générale du secteur en signe de protestation.

Les islamistes au pouvoir sont accusés de placer leurs fidèles à la tête des médias publics, d’avoir supprimé des émissions de radios trop critiques.

En juillet, L’Instance indépendante chargée de réformer l’information et la communication (Inric) s’est sabordée début juillet en dénonçant le recours par le pouvoir à des "outils de désinformation et de censure".

Enfin, médias et ONG s’inquiètent d’un projet de loi qui punirait les "atteintes au sacré" de peines de prison.

 

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