Bosnie : Smajo, « le canonnier », symbole du ramadan à Sarajevo

« Il arrive! », crient les enfants. Un homme jovial portant un gros tuyau accède sur le plateau d’une ancienne fortification ottomane surplombant Sarajevo. Dans quelques minutes, « Smajo, le canonnier », va annoncer la rupture du jeûne pour les musulmans de la capitale bosnienne.

Prière du ramadan. © AFP

Prière du ramadan. © AFP

Publié le 18 août 2012 Lecture : 3 minutes.

"Il arrive!", crient les enfants. Un homme jovial portant un gros tuyau accède sur le plateau d’une ancienne fortification ottomane surplombant Sarajevo. Dans quelques minutes, "Smajo, le canonnier", va annoncer la rupture du jeûne pour les musulmans de la capitale bosnienne. "Bougez-vous! Je ne pourrai rien faire si vous restez à cet endroit!", lance Smail "Smajo" Krivic, aux enfants, en reposant le tuyaux métallique long d’un peu plus d’un mètre contre un mur en pierre, derrière lequel s’ouvre une vue imprenable sur Sarajevo.

Juste en bas, les vieux quartiers ottomans et l’immeuble imposant de la Bibliothèque nationale, toujours en reconstruction, 17 ans après la fin de la guerre intercommunautaire de Bosnie (1992-95). Les musulmans représentent environ 40% des quelque 3,8 millions d’habitants de Bosnie. Ils sont sunnites et partisans pour la plupart d’un islam modéré, introduit dans les Balkans au XVe siècle par les ottomans.

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Une grande majorité des habitants de Sarajevo, 80% selon diverses estimations, sont musulmans. Les fidèles ayant jeûné ont beau voir la disparition du soleil derrière les montagnes, marquant le moment de rupture du jeûne, ils ne croient qu’au son du canon de "Zuta Tabija" (Fortification Jaune) et aux lumières qui s’allument à ce moment sur d’innombrables minarets des vieux quartiers.

Smajo le sait bien et ne perd pas une seconde. "C’est une énorme responsabilité. Manger avant l’heure est un péché, mais il ne faut pas traîner non plus. Je ne veux pas porter le pêché pour toute la ville", dit-il, tout sérieux. "Chaque année avant le ramadan, je vais voir un ami horloger pour qu’il vérifie ma montre", assure cet homme de 59 ans à la calvitie prononcée, lunettes sur le nez.

Époque ottomane

La foule, composée de curieux et des fidèles venus rompre leur jeûne ici "en toute sécurité", recule et forme un demi-cercle autour de Smajo. Ce dernier se met à préparer le canon. Il fixe le tuyaux contre le mur et regarde vers le ciel, comme pour bien cadrer. Il sort de son sac une bombe pyrotechnique et la pose à l’intérieur du canon. Enfin, il branche un fil électrique sur le canon et s’éloigne d’une dizaine de mètres.

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Quinze secondes avant 19H58 (17H58 GMT), il s’accroupit, une télécommande à la main. "Bouche tes oreilles!", lance une maman à sa fille qui saute de joie en entendant le coup de canon. Aussitôt, les minarets s’illuminent l’un après l’autre. On entend un mélange des chants des muezzins. Smajo range ses affaires. Lui aussi observe le jeûne et les siens ne commenceront pas à manger sans lui. Mais il habite deux rues plus loin et se donne le temps de raconter l’histoire du "canon du ramadan" de Zuta Tabija.

"Ca remonte vers la fin de l’époque ottomane, soit la fin du XIXe siècle. Le pouvoir austro-hongrois (1878-1914) et le royaume yougoslave (1918-41) n’avait rien contre cette coutume, mais les autorités de la Yougoslavie communiste (1945-91) l’avait interdite", raconte-t-il. "Ensuite, il y a eu la guerre et on n’avait pas besoin d’une explosion de plus les jours du ramadan. On a repris en 1997, deux ans après le conflit", dit Smajo, ajoutant n’avoir jamais manqué depuis d’annoncer le temps de rupture du jeûne avec son canon. "Je sais que j’apporte le bonheur dans des milliers de maisons. Je ne pourrais jamais y renoncer", dit-il.

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Cependant, les fidèles ont commencé à dîner sur le plateau. La plupart assis à même le sol, autour de leur repas. "Le sens du ramadan est de monter une marche de plus vers le +bien+ et de s’y maintenir le restant de l’année", dit Mersiha Djilovic, 30 ans, venue partager avec son mari un repas composé notamment d’oeufs et d’olives.
 

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